Polices municipales et vidéoprotection : derrière les polémiques, des questions sur leur efficacité (h.fr-8/07/25)

Malgré la polémique, les propositions avancées par Mathilde Panot ont fait leurs preuves là où elles ont été mises en place.© Frédéric Scheiber / Hans Lucas via AFP

Mathilde Panot, la présidente des députés insoumis, en proposant de désarmer les fonctionnaires municipaux et de réduire la vidéosurveillance, a déchaîné les passions sécuritaires. Pourtant, plusieurs rapports interrogent leur efficacité réelle.

Par Bruno RIETH .

La polémique ne cesse d’enfler, alimentée par la droite et secoue – plus surprenant – aussi la gauche. Ce dimanche 6 juillet, Mathilde Panot, la cheffe de file des députés insoumis, a annoncé que les candidats LFI aux prochaines municipales, une fois élus, s’attelleront à désarmer leur police municipale lorsqu’elle est armée.

Ils s’attaqueront aussi à la vidéosurveillance. « Ceux qui ont surarmé la police municipale à tout-va, qu’est-ce que ça a créé ? La surenchère est un échec patent », s’est justifiée la députée du Val-de-Marne, plaidant pour le retour d’une police de proximité et la réintégration des effectifs de police municipale au sein de la police nationale. Cette sortie a déchaîné les passions sécuritaires à moins d’un an des élections municipales.

Des réactions politiques négatives

Gérald Darmanin, le ministre de la Justice, s’est fendu d’un message réprobateur sur X : « Traduction : avec cette gauche, vous n’aurez plus le droit à la sécurité. La gauche sans le peuple. » La présidente LR de la région Île-de-France, Valérie Pécresse, a, elle, estimé que La France insoumise faisait « le choix de l’insécurité dans nos communes ! ».

Bruno Retailleau, le ministre de l’Intérieur, a, lui, dénoncé « le parti du chaos », en appelant même à un « front républicain »pour se dresser « contre cette folie » en 2026. Mais les balles ont aussi fusé de la gauche. Le lendemain, Olivier Faure, le premier secrétaire du Parti socialiste, a exprimé son « désaccord » avec Mathilde Panot sur France Info : « Jamais je n’accepterai de me mettre derrière un maire insoumis qui annoncerait qu’il supprimerait la vidéosurveillance ou l’armement des policiers. » Il a poursuivi en défendant le principe de la vidéosurveillance, qui, selon lui, « sert à solutionner des enquêtes ».

Fabien Roussel, le secrétaire national du PCF, a, de son côté, jugé cette proposition « hors sol » : « C’est mal connaître la réalité de notre pays. L’insécurité grandit en France (…), pour notre part il ne s’agit pas du tout de désarmer une police municipale ou de supprimer une police municipale, encore moins la vidéosurveillance qui a toute son utilité pour aider la police nationale. » Il a dans le même temps égratigné la proposition de Bruno Retailleau d’élargir les prérogatives des policiers municipaux, y voyant une volonté du ministre « de déléguer aux communes le soin d’assurer la sécurité ».

Un manque de transparence sur l’efficacité des polices municipales

Ce front de gauche contre la sortie de Mathilde Panot peut laisser perplexe, tant le sujet divise au sein même des formations. En 2021, alors que Valérie Pécresse avait proposé d’armer des polices municipales face à l’augmentation des rixes entre bandes, le patron des socialistes s’était vivement opposé à cette idée : « On va armer la police municipale pour tirer sur les jeunes qui sont en train de se battre ? Ce n’est pas raisonnable. Il faut renforcer la police nationale. »

La même année, le communiste Pierre Garzon, tout juste élu à la tête de la municipalité de Villejuif (Val-de-Marne), avait pris la décision de désarmer sa police municipale de ses pistolets à impulsion électrique et lanceurs de balles de défense (LBD) et de redéployer les opérateurs de vidéosurveillance sur le terrain.

Son homologue de Vénissieux (Rhône), Michèle Picard, refuse, elle, de doter ses policiers municipaux d’armes létales malgré des demandes régulières de ses agents. Là où, à Échirolles (Isère), la police municipale est armée depuis sa création dans les années 1970 sans que la maire PCF Amandine Demore revienne dessus. Reste à savoir pour quelle efficacité ?

« Il n’y a aucune étude qui démontre le bénéfice d’armer tous les policiers », relève Sebastian Roché, directeur de recherche au CNRS et auteur de De la police en démocratie (Grasset, 2016). Quant à la capacité des polices municipales à faire refluer la délinquance, le chercheur note l’absence de toute étude concrète pour l’affirmer : « Le ministre de l’Intérieur n’est pas intéressé à connaître la plus-value des polices municipales. Il lui suffirait de nous donner accès aux données d’intervention pour les étudier. Il veut juste mettre en avant les symboles de la coercition. » En 2020, la Cour des comptes s’est penchée sur le fonctionnement des polices municipales.

Qu’apprend-on ? Que « l’on constate une baisse des interventions de la police nationale dans les communes dotées d’une police municipale étoffée. (…) Les forces de l’État considèrent en réalité les missions de tranquillité du quotidien comme l’apanage de la police municipale, qu’elles délèguent volontiers lorsque leurs moyens font défaut », dit le rapport.

Une conséquence qui risque d’être démultipliée par le projet de loi pour « accroître les compétences » des policiers municipaux porté par Beauvau. Autre enseignement, les « sages » de la Rue Cambon relèvent que « les maires sont soumis à une forte demande de leurs policiers pour être dotés d’armes de catégorie B au motif implicite qu’ils considèrent cet équipement comme un élément de valorisation de leur fonction », et non pas forcément pour des raisons de sécurité lors des interventions.

La vidéosurveillance très peu utile pour résoudre des enquêtes

Sur le volet de la vidéosurveillance, la Cour des comptes notait que, « au vu des constats locaux résultant de l’analyse de l’échantillon de la présente enquête, aucune corrélation globale n’a été relevée entre l’existence de dispositifs de vidéoprotection et le niveau de la délinquance commise sur la voie publique ou encore les taux d’élucidation ». L’année d’après, le Centre de recherche de la gendarmerie nationale avait tenté d’aller plus loin dans une étude menée en collaboration avec le groupement de gendarmerie départementale de l’Isère.

Résultat ? « Les enregistrements de vidéoprotection contribuent à la résolution d’enquêtes judiciaires, en apportant des indices ou des preuves, mais dans des proportions particulièrement ténues (environ 1 % des enquêtes étudiées) », révèlent les gendarmes. Quant à « la découverte d’éléments probants, peu importe la thématique considérée, elle présente des niveaux comparables et s’avère faible (systématiquement inférieure à 3 %) ». Des données sur lesquelles s’appuyer pour (enfin) avoir un débat de fond.

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Source: https://www.humanite.fr/politique/gauche/polices-municipales-et-videoprotection-derriere-les-polemiques-une-efficacite-remise-en-que

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