Portrait – Qui est Lyes Louffok, candidat LFI du Nouveau Front populaire dans le Val-de-Marne ? (LI.fr-20/06/24)

Par Jeff COLLEC.

Lyes Louffok, un candidat d’ouverture pour le Nouveau Front populaire

L’Insoumission publie un nouvel article de sa série consacrée aux nouveaux candidats investis par LFI pour le Nouveau Front populaire dans la perspective d’élargir toujours plus le bloc populaire.

Pour ce nouveau portrait, l’Insoumission vous présente aujourd’hui Lyes Louffok, membre fondateur du Comité de vigilance des enfants placés, investi par la France insoumise dans la première circonscription du Val-de-Marne.

Lui-même ancien enfant placé, auteur d’un livre retraçant son parcours, beaucoup ont découvert son nom ces derniers mois, par ses prises de parole contre la loi immigration, ou lorsqu’il suivait les travaux de la commission d’enquête parlementaire sur l’aide sociale à l’enfance (ASE). Face au risque d’arrivée au pouvoir de l’extrême droite qui serait une catastrophe pour les droits de l’enfance, Lyes Louffok a franchi le pas et est aujourd’hui candidat LFI pour le Nouveau Front Populaire. Notre portrait.

Dans l’enfer des foyers

À 18 mois, Lyes est confié à l’Aide sociale à l’enfance, sa mère sous tutelle étant dans l’incapacité de s’occuper de lui. À l’âge de cinq ans, alors qu’il s’épanouit sans sa famille d’accueil, celle-ci déménage et l’administration refuse qu’il la suive, au nom du lien avec sa mère biologique. Il enchaine alors les placements en famille d’accueil et en foyers, confronté à la maltraitance et à la violence, avant de retrouver la stabilité à quinze ans auprès de Yasmina, une « maman d’accueil » attentive.

En 2014, il décide de raconter son histoire dans un ouvrage autobiographique, L’enfer des foyers, co-écrit avec Sophie Blandinières. Son témoignage est violent, autant que la réalité d’une grande partie des enfants placés, mais essentiel pour comprendre. Il y raconte son douloureux parcours, les nombreux dysfonctionnements du service public de l’enfance, les éducateurs dépassés, voire maltraitants, et y détaille les situations d’extrême gravité auxquelles il a assisté. «J’ai vu des filles sucer pour une cigarette, des tournantes organisées le week-end, quand plus personne n’est là pour surveiller, un petit attardé mental se faire violer par un ado », raconte Lyes en 2014 à l’Obs, peu après la publication de son récit.

Lui-même en a subi les conséquences, victime de violences domestiques dans l’une de ses familles d’accueil. Durant deux ans, celle qu’il décrit comme « l’horrible dame blonde » le bat, le fait dormir dans une pièce vide sur un morceau de polystyrène, le fait manger seul et ne le scolarise pas. Il passe les cinq années suivantes sous médicament, « pour se calmer ».

En 2021, un téléfilm est adapté à partir de son livre, et diffusé sur France 2 à l’occasion de la journée internationale des Droits de l’enfant. « L’Enfant de personne » remporte deux prix au festival de la Rochelle.

Pour aller plus loin : Le rapport choc de l’UNICEF sur la situation des enfants en France

Infatigable militant

Après cette expérience, le jeune homme a soif de justice « pour ces enfants placés, dont la vie vaut moins que celle des autres ». La colère est son moteur, dit-il au Monde, à qui il raconte également l’évènement déclencheur de son militantisme, dans une réunion de l’association Ni putes ni soumises, à 14 ans, alors qu’il séchait les cours « J’étais entouré de meufs ultra “badass”, Sihem Habchi, Fadela Amara… C’est avec elles que j’ai fait mes armes. Elles m’ont tout appris, à me tenir, à militer, à travailler, à construire un récit… ». Il décide d’emprunter le chemin du militantisme associatif, et devient éducateur.

En 2020, un jeune est poignardé à mort par un autre adolescent dans l’hôtel de Suresnes (Hauts-de-Seine) où il était placé. Lyes rencontre les proches de la victime. Il se promet de faire interdire ces hébergements dérogatoires en hôtels, qui concernent 5% des mineurs placés, selon un rapport de l’inspection générale des affaires sociales de novembre 2020.

Il s’engage au sein du Conseil national de la protection de l’enfance pendant six ans, au bout desquels il part s’installer au Québec pendant un an, « épuisé » par des années de combat et déçu « que les choses n’aillent pas assez vite », déclare-t-il au journal La Croix.

La pause est de courte durée, et il reprend le combat à son retour en France. Grâce au récit de son expérience d’enfant placé et à ses années de militantisme, sa notoriété a fini par dépasser les cercles militants. Très présent dans les médias et sur Twitter, il permet à sa cause de gagner en visibilité. En 2023, il dénonce la loi Immigration de Macron et Darmanin, qui, en déshumanisant les Mineurs non accompagnés (MNA), bafoue les droits de l’enfance.

La commission d’enquête parlementaire sur les dysfonctionnements de l’ASE

Ces dernières années, les drames se sont multipliés. Plusieurs enfants placés sont morts. Début 2024, Lily et Myriam, deux adolescentes placées, sont retrouvées mortes. La première s’est suicidée dans l’hôtel où elle avait été placée par les services départementaux. Ce nouveau drame attire l’attention des politiques, et une commission d’enquête parlementaire sur les dysfonctionnements de l’ASE, demande de longue date de l’association, est enfin créée.

Les auditions mettent en lumière l’état catastrophique du service public. Un SDF sur quatre est un ancien enfant de l’ASE. Les magistrats constatent des cadences infernales qui les empêchent les juges de remplir correctement leurs missions ; les mesures de placement ordonnées par la justice peuvent atteindre des délais allant jusqu’à deux ans, laissant des victimes d’inceste en danger. Certains départements n’utilisent pas la totalité des crédits qui leur sont alloués pour la protection de l’enfance, alors même que l’ASE manque cruellement de moyens.

Louffok est très actif dans le suivi de cette commission, qui lui permet également de mettre en avant les trahisons des gouvernements successifs sur la question de l’enfance. Il dénonce l’absence de décret d’application pour la loi Taquet, supposée mettre fin au placement de mineurs dans des hôtels. Il étrille Charlotte Caubel, ancienne secrétaire d’État chargée de l’enfance, pour ne pas avoir considéré cette disposition comme prioritaire.

Pour aller plus loin : L’enfance, grande oubliée du gouvernement ?

Franchir le pas en étant investi candidat LFI pour le Nouveau Front populaire

Le dimanche 9 juin au soir, Lyes est en colère. L’annonce brutale de la dissolution de l’Assemblée nationale par Emmanuel Macron met un terme aux travaux de la commission sur l’Aide sociale à l’enfance.

Pire encore, le Rassemblement national est plus proche que jamais d’accéder au pouvoir. « Si le Rassemblement national devait arriver à Matignon, la politique de protection de l’enfance deviendrait basée sur la préférence nationale et ne prendrait plus en charge les enfants de nationalité étrangère. Cela serait catastrophique. Concrètement, en appliquant une telle politique, nous sortirions de la Convention internationale des droits de l’enfant, un traité international adopté à New York en 1989 » dit-il à Libération dès le lendemain.

L’éducateur décide alors de prolonger son engagement en proposant sa candidature pour les législatives. Quatre jours plus tard, le voilà investi par LFI pour le Nouveau Front populaire dans la première circonscription du Val-de-Marne.

Opposé au macroniste sortant Frédéric Descrozaille, il devra batailler dur pour remporter cette circonscription, à droite depuis plus de trente ans. L’engouement suscité par la constitution du Nouveau Front populaire ne peut qu’être un atout.

Lyes Louffok incarne la volonté d’élargissement engagée par le Nouveau Front populaire : présenter partout de nouveaux visages, à l’image du peuple dans sa diversité, des militants et militantes de terrain investis dans les luttes et à même de les porter demain à l’Assemblée nationale.

Source: https://linsoumission.fr/2024/06/20/lyes-louffok-nouveau-front-populaire/

URL de cet article: https://lherminerouge.fr/portrait-qui-est-lyes-louffok-candidat-lfi-du-nouveau-front-populaire-dans-le-val-de-marne-li-fr-20-06-24/

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