
Hadrien Clouet, député LFI de Haute-Garonne, a rédigé une proposition de loi visant à instaurer une « Sécurité sociale des obsèques ». Il envisage la création d’une cotisation qui permettrait leur prise en charge par l’État et assurerait ainsi un financement solidaire des funérailles.
Entretien réalisé par Hayet KECHIT.
Partant du constat de graves inégalités face au coût de la mort, Hadrien Clouet, député FI de Haute-Garonne, a élaboré une proposition de loi visant à faire entrer les obsèques dans la Sécurité sociale.
Cette petite révolution se traduirait par une refondation du secteur sur des bases non lucratives et serait financée par une cotisation à hauteur de 0,3 % sur les salaires.
Quelle est la genèse de votre proposition de loi ?

Hadrien Clouet, Député LFI de Haute-Garonne
La nécessité d’agir s’est imposée face à une situation où une part croissante de la population est contrainte, après le décès d’un proche, de débourser des sommes exorbitantes, sans proportion avec ses revenus – en moyenne de 4 000 à 6 000 euros, avec la contrainte parfois de prendre un crédit à la consommation pour y faire face.
Je vois aussi dans mon entourage des gens d’un certain âge qui préparent leurs funérailles et passent par le secteur privé de l’assurance obsèques, en ignorant souvent que 10 % du capital disparaissent quand on souscrit à ces contrats. Ces difficultés très concrètes amènent forcément à se poser un certain nombre de questions sur la financiarisation de ce secteur qui a été analysée dans le travail du collectif Pour une Sécurité sociale de la mort.
La parution du livre Les charognards a dû vous donner du grain à moudre…
Cette enquête 1 vient en effet en rajouter une couche, même si on avait fait déjà commencé à travailler sur le sujet depuis l’hiver dernier. Le mérite du livre est de donner une part importante aux témoignages concrets et à une analyse systémique des dérives du secteur. Nous savions déjà que les taux de profits y sont gigantesques, sur fond de quasi-monopole.
Ce qui apparaît de façon un peu plus inédite, c’est la maltraitance des corps et des salariés, car il y a moins de statistiques disponibles sur le sujet. Les corps sont maltraités, car plus il y a une rotation importante des corps, plus il y a du profit.
Cela génère une souffrance chez les salariés, contraints d’expédier des familles en vingt minutes, là où ils pouvaient accorder plus d’une demi-heure quand les fonds de pension n’étaient pas encore propriétaires de leur entreprise. Tout cela renvoie à un problème central, névralgique : le caractère lucratif du secteur des pompes funèbres.
Face aux deux géants du secteur, il existe pourtant des régies municipales, mais aussi des coopératives. Comment expliquez-vous que le public ne s’oriente pas spontanément vers ces structures ?
C’est en effet un des grands débats. Elles ne sont pas à armes égales face aux géants privés qui ont réussi à « capturer » l’ensemble de la chaîne mortuaire, mais aussi à flécher vers eux-mêmes l’ensemble des dispositions des obsèques.
La difficulté du service public, c’est d’abord qu’il dépend de la commune dont les moyens de péréquation ne sont pas à égalité avec le service privé.
Il y a aussi les difficultés liées à l’alternance politique, qui est une brèche dans laquelle les entreprises des pompes funèbres lucratives s’engouffrent via leur activité de lobbying pour freiner le développement d’un service public. Voilà pourquoi nous considérons que la Sécurité sociale, plutôt que les collectivités, doit prendre en charge la gestion de ce risque.
Pouvez-vous détailler ce que propose ce projet loi ?
Il prévoit d’abord une transformation de la nature juridique des institutions, de telle sorte que, dans un délai de deux ans, l’ensemble du secteur des pompes funèbres devienne non lucratif et sans présence d’actionnaires Nous prévoyons par ailleurs l’introduction d’une faible cotisation, 0,3 % du salaire, qui suffit dans un régime par répartition à financer à hauteur de 4 000 euros, le tarif médian, l’ensemble des frais d’obsèques du pays.
Enfin, cette couverture, comme pour tout régime de sécurité sociale, sera valide uniquement auprès d’opérateurs conventionnés, comme c’est le cas avec les médecins, les infirmiers. Ces opérateurs des pompes funèbres seront des acteurs publics, associatifs ou des coopératives.
Dans le cadre du régime de répartition, ces 4 000 euros permettraient de prendre en charge le transport du corps, son entretien, la couronne mortuaire, l’ensemble des prestations nécessaires en contrepartie de la cotisation à 0,3 %.
Pensez-vous pouvoir rallier assez de partisans autour de ce changement ?
À défaut d’emporter le consensus, je pense qu’il y a sur ce projet matière à être majoritaire. Il peut convaincre à la fois ceux qui défendent la prise en charge des risques de la vie et ceux qui estiment que marchandiser le moment de la mort porte atteinte à la dignité de la personne.
En fait, la question funéraire concerne les morts, mais aussi les vivants. Il s’agit d’un rite de passage, qui est là pour ceux et celles qui restent. Ce qui rend d’autant plus nécessaire de faire en sorte que ce moment ne soit pas pollué par les questions d’argent.
Note
- Les charognards – Pompes funèbres : enquête sur le business de la mort, de Brianne Huguerre-Cousin et Matthieu Slisse, éditions du Seuil, octobre 2025. ↩︎
 
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