
Les sept grévistes, qui avaient dénoncé leurs conditions de travail dégradées et le traitement indécent des résidents, ont fait condamner leur ancien établissement.
Par Cécile ROUSSEAU.
Les sept grévistes ont eu gain de cause sur presque toute la ligne. Le conseil de prud’hommes de Pontoise (Val-d’Oise) vient de condamner la société Epinomis, ex-maison mère de l’Ehpad du château de Neuville-sur-Oise, pour harcèlement moral, discrimination syndicale et manquements à son obligation de sécurité.
Une victoire éclatante pour ces anciennes salariées, majoritairement des aides-soignantes, qui avaient mené 133 jours de mobilisation en janvier 2022, la plus longue jamais enregistrée dans le département et menée par la CGT dans un établissement de santé.
Harcèlement et pressions au sein de l’Ehpad
La justice a reconnu cette grève commelégitime, estimant que celle-ci « ne résulte pas d’un désaccord ponctuel, mais d’un climat durable de discrimination, de dégradation des conditions de travail et de manquements répétés aux droits fondamentaux des salariés. (…) La direction a refusé tout dialogue et ignoré les constats alarmants dressés par les représentants du personnel, les institutions de contrôle (inspection du travail, ARS) et les salariés eux-mêmes ».
Siham Touazi, infirmière et ex-déléguée CGT, se réjouit de ce jugement : « C’est assez exceptionnel comme résultat. Nous sommes encore dans un État de droit. La société a été lourdement sanctionnée. » Outre les jours de grève qui devront être intégralement payés pour un montant de 67 000 euros, Epinomis a été condamnée à verser 295 000 euros de dommages et intérêts.
Attaquée pour diffamation par son ancien employeur, procédure pour laquelle elle a été relaxée en première instance, l’employée avait vécu l’enfer entre les murs de l’Ehpad. « Des attestations à charge contre moi, des changements de planning de dernière minute… On m’imposait des jours de congé et de récupération », égrène la cégétiste qui avait déjà été victime de deux tentatives de licenciement et se dit encore aujourd’hui « broyée » par ces méthodes. « Les autres salariées étaient aussi sous tension : certaines partaient du jour au lendemain. Toutes les techniques étaient bonnes pour nous pousser à bout. »
« Les fruits, c’est fini ! » : des économies qui confinent à l’absurde
Les prud’hommes ont également pointé « le manque de personnel récurrent, accentuant la charge de travail, le manque de matériel et des pressions constantes ».
Des conditions de travail dégradées au diapason de celles d’accueil des personnes âgées. Alors que certains résidents payaient 7 000 euros mensuels dans cet Ehpad de luxe, les protections et la nourriture manquaient.
« Le livre les Fossoyeurs de Victor Castanet, sorti quinze jours après le début de la grève, a confirmé ce système de rationnement et de maltraitance institutionnelle, poursuit Siham Touazi. Des collègues cachaient des protections dans les faux plafonds et les extincteurs pour se constituer un stock tellement nous étions en pénurie. Lors de mon procès pour diffamation, on m’a demandé de justifier pourquoi j’avais dit à des résidents qu’il n’y avait plus de fruits à manger, mais parce que c’était vrai ! Un jour, la direction nous avait dit : « Les fruits, c’est fini ! » pour faire des économies. » Un nouveau procès devrait toutefois se tenir : Epinomis a fait appel de cette décision.
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