
Deux jours après la mort de deux de leurs collègues lors d’une attaque dans l’Eure, les agents pénitentiaires de Brest poursuivent l’opération prison morte, vendredi 17 mai. Un des agents d’extraction, Reynald Cochennec, raconte son métier.
Par David CORMIER.
« Quand on fait de l’extraction, forcément, il y a des risques. Nos véhicules portent les symboles de l’État, le profil des détenus n’est pas celui d’enfants de chœur, il y a des gens qui n’ont plus peur de rien. Et nos véhicules ne sont pas adaptés. Ici, on a demandé plusieurs fois un véhicule banalisé, c’est tout le temps refusé, par idéologie », estime-t-il.
Reynald Cochennec, 51 ans, fait partie depuis 2019 des douze agents d’extraction de la maison d’arrêt de Brest. Il y en aura peut-être trois de plus en octobre 2024. Sur un personnel d’environ 120 membres, dont une petite centaine de surveillants. « Après, il y a des agressions tous les jours dans les murs. Les risques sont différents », note-t-il.
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Un service dédié à Brest depuis 2018
Il y a toujours eu, à Brest, ce travail d’extraction vers l’hôpital ou un autre établissement pénitentiaire. Mais jusqu’en 2011, ce sont les policiers et les gendarmes qui emmenaient les détenus au tribunal. Depuis, le pôle d’extraction de Lorient apporte sa contribution régulièrement. Moins depuis la création, en 2018, d’une équipe dédiée à Brest.
« J’ai fait ce choix de travailler à l’extraction, pour continuer à faire plusieurs choses, au fil de ma carrière. Tous les agents n’aiment pas forcément sortir des murs, mais cela permet de diversifier », raconte celui qui est aussi délégué syndical FO. « Il n’y a pas de port d’arme dans l’enceinte alors il a fallu s’y former, à l’arme à feu et au bâton télescopique. Ainsi que la procédure d’extraction. Le fait d’avoir un service dédié est important aussi parce qu’il y a des automatismes à acquérir ».
Ce sont des gens qui n’ont jamais fait d’extraction de leur vie qui nous expliquent comment cela se passe !
Selon le niveau d’escorte, le nombre d’agents évolue. Ils sont trois pour deux détenus. « On demande aussi à pouvoir mettre notre arme devant plutôt que sur le côté parce que c’est beaucoup plus facile d’intervenir quand on est dans le véhicule, à l’avant notamment. Tout cela, ce ne sont pas des demandes lunaires et, malheureusement, ce qu’il s’est passé nous donne raison. Ce sont des gens qui n’ont jamais fait d’extraction de leur vie qui nous expliquent comment cela se passe ! »
Pas toujours le même chemin
Alors, régulièrement, Reynald et ses collègues prennent la route avec un ou deux détenus, n’empruntant pas toujours le même chemin pour rallier les destinations les plus habituelles. « On est toujours sur le qui-vive. Mais, si à chaque fois qu’on prend le volant, on a la peur au ventre, c’est comme à l’intérieur : on ne peut pas vivre comme cela ». Une seule fois, lors d’une de ses premières missions, un détail l’a inquiété : à la sortie de l’hôpital, un homme rôdait autour du véhicule.
Poursuite du mouvement
Initié la veille, le mouvement national de prison morte s’est poursuivi ce jeudi 16 mai 2024, à Brest. Les agents, toujours sous le choc de la violence de l’attaque, se sont tenus au courant des négociations des syndicats, à Paris, avec le ministère de la Justice. Les annonces gouvernementales de mercredi ont été jugées insuffisantes. En fin d’après-midi, il a été décidé de poursuivre le mouvement. « Nous attendons de plus amples informations, mais c’est reparti », explique Thierry Labro, délégué syndical Ufap-Unsa à Brest. « Nous avons informé la direction que le mouvement se poursuit ».
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