
Une succession de défaillances a permis à l’ancien chirurgien, jugé depuis bientôt trois mois par la cour criminelle du Morbihan, de continuer d’exercer. Et d’agresser de jeunes patients. Les témoins, présidents de Conseils de l’ordre départementaux et anciens hauts fonctionnaires, ce lundi 19 mai 2025, n’ont eu de cesse de se renvoyer la balle.
Par Yvan DUVIVIER.
Excusez-moi, mais là vous me perdez »,
adresse la présidente de la cour criminelle du Morbihan à l’ancien directeur adjoint de l’Agence régionale d’hospitalisation de Bretagne (ARH). Il y a effectivement de quoi s’égarer, ce lundi 19 mai 2025, dans les méandres d’une chronologie certes concentrée dans le temps – entre juin 2006 et mars 2007 – mais éclatée entre les différentes instances, du local, les hôpitaux de Quimperlé (Finistère) et de Jonzac (Charente-Maritime), au national, le ministère de la Santé.
En cette avant-dernière semaine du procès, Joël Le Scouarnec, l’ancien chirurgien poursuivi pour le viol et l’agression sexuelle de 299 de ses anciens patients, l’ARH est pointée du doigt pour ne pas avoir saisi, comme son ministère de tutelle lui enjoignait, la chambre disciplinaire de l’Ordre des médecins. Y a-t-il eu des pressions
alors que se jouait le devenir d’un plateau technique de l’hôpital de Quimperlé ? Une ancienne haute fonctionnaire reconnaît plutôt des défaillances dans le circuit entre les différentes institutions
.
Mi-juin 2006, le conseil de l’ordre des médecins du Finistère (CDOM) est informé par le président de la Commission médicale d’établissement (CME) de la condamnation du chirurgien. Une sanction légère
se souvient François Simon, président du CDOM : Selon ma collaboratrice, à l’hôpital, il prenait des enfants en charge mais pas très fréquemment. Et quand c’était le cas, on ne le laissait pas seul
.
« Une sorte de reprise de conduite »
La hiérarchie est prévenue et pourtant, le chirurgien est titularisé le même été 2006. Il quitte Quimperlé au printemps suivant, cible l’hôpital de Pontivy mais le directeur de l’ARH dissuade le directeur de l’hôpital local de l’embaucher. C’est à Jonzac que Joël Le Scouarnec atterrit et les avocats, tant de la partie civile que de la défense, relèvent que ça arrangeait tout le monde
qu’il quitte la Bretagne.
En 2008, le Conseil de l’ordre national met en garde
celui de Charente-Maritime avant qu’il ne valide sa demande de transfert. Son président d’alors, Joël Belloc doit dire si le nouveau venu a une moralité suffisante pour exercer
. Or, explique-t-il à la cour en visioconférence, « un certain temps était passé sans signalement particulier. Il y avait eu une sorte de reprise de conduite
« .
Avec le recul, il reconnaît qu’il aurait fallu interdire à Joël Le Scouarnec tout contact avec les enfants
. Mais il ne l’a pas proposé et son conseil ne l’a jamais voté. Interpellé enfin par l’avocate de l’Ordre cette fois national, Joël Belloc se tend, juge leur constitution de partie civile « inadéquate : l’Ordre national est notre tuteur, il aurait pu lui-même porter plainte
« .
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