
Par Marie-Paule LEMONNIER
Le projet de loi « pour contrôler l’immigration et améliorer l’intégration » est examiné en procédure accélérée au Sénat depuis le 6 novembre.
Le gouvernement veut ainsi se donner les moyens de restreindre drastiquement la régularisation des travailleurs sans papiers, de rendre intolérable les conditions de vie de ceux qui sont sur le territoire français et d’expulser davantage et plus vite ceux qui n’auraient plus le droit d’y rester.
Le débat au Sénat débute avec plusieurs mois de retard. Incertain d’avoir la majorité sur ce texte et confronté aux révoltes suscitées par la réforme des retraites, le gouvernement a préféré en retarder les discussions.
Désigner la population immigrée comme responsable
Ce projet de loi est discuté dans un climat de division de la population, savamment orchestrée par le gouvernement et désignant la population immigrée comme coupable.
La proposition d’un référendum sur l’immigration par Emmanuel Macron dans un courrier adressé aux dirigeants des partis politiques le 5 novembre est une étape supplémentaire dans ce sens.
L’article 3 est au centre des débats entre les Républicains (LR), le Rassemblement national (RN), l’Union centriste et le gouvernement à la recherche d’une majorité qu’il n’est pas sûr d’obtenir. Aujourd’hui, encore, l’emploi du 49.3 pour faire passer le texte n’est pas exclu.
Cet article 3 prévoit l’attribution d’une carte de séjour temporaire pour les travailleurs sans papier dans les « métiers en tension ». Cette mesure, demandée par le patronat, lui permettrait de garder une main-d’œuvre sous payée dans des secteurs comme le ménage, le bâtiment, la restauration… puis de l’expulser en fonction des « aléas de l’économie ». Ainsi par exemple, pourraient être expulsables dès la fin de l’année prochaine tous ceux qui travaillent sur les infrastructures des jeux Olympiques.
Faire de la vie des sans-papiers un enfer
Plusieurs articles du projet de loi visent à rendre encore plus précaire la situation des immigrés.
Ainsi, les personnes déboutées d’une demande de droit d’asile devraient immédiatement quitter leur logement avec retrait automatique de leurs droits, alors qu’aujourd’hui, cela reste à la discrétion de l’Office français de l’immigration et de l’intégration.
Les possibilités de regroupement familial seraient considérablement restreintes, avec l’introduction de critères de connaissance de la langue française et de ressources accessibles uniquement aux travailleurs les plus aisés, ce qui va dans le sens d’une immigration choisie.
une remise en cause des libertés individuelles les plus élémentaires
Le remplacement de l’aide médicale d’État (AME) par l’aide médicale d’urgence (AMU) laisserait des milliers de sans-papiers sans soins. Un patient présente des douleurs liées à un cancer. L’AMU ne permet de faire que des soins urgents (traitement de la douleur) mais pas le cancer. Une tribune de 3 000 médecins parue dans Le Monde s’élève contre la suppression de l’AME.
Une obligation de quitter le territoire français (OQTF) et des arrêtés d’expulsion pourraient être prononcés sur la notion « de menace à l’ordre publique », notion floue et soumise à l’arbitraire, dont on peut craindre l’utilisation par un gouvernement qui a fait condamner 1 000 jeunes (dont 600 peines de prison) à la suite des révoltes urbaines de juillet. Une OQTF entraînerait systématiquement la radiation des organismes sociaux et de Pôle Emploi, l’exclusion des jeunes majeurs de l’Aide sociale à l’enfance.
Les mineurs entre 16 et 18 ans pourraient être enfermés dans des centres de rétention avec ou sans leur famille.
Enfin le caractère automatique de l’attribution de la nationalité française à 18 ans est supprimé. La nationalité ne leur sera accordée qu’après une démarche active, ce qui de fait exclura un grand nombre de jeunes fragilisés. La loi sur l’immigration en cours de discussion au Sénat est une loi dirigée contre les immigrés qu’elle cherche à jeter coûte que coûte hors de France. Une seule solution : régularisation de tous les sans-papiers.
Réunion « transpartisane » au Sénat, du PCF à Renaissance Une conférence de presse « transpartisane » sur le projet de loi immigration s’est tenue au Sénat le 6 novembre, réunissant des parlementaires allant du PCF à Renaissance, en passant par EELV et le PS. Une initiative à laquelle se sont même ralliés les sénateurs du groupe centriste RDSE, informe Public Sénat sur son site. LFI n’était bien sûr pas là. Tout cela pour défendre un bout (l’article 3) de projet de loi présenté par Darmanin ! « Voilà pourquoi ils ont détruit la Nupes. Pour rejouer le mythe de “l’aile gauche” de la macronie », a réagi sur X le député LFI Paul Vannier. Et d’ajouter : « Au mépris du programme, des électeurs et des travailleurs sans papiers qui sont la chair à canon politicienne de cette recomposition de la gôche d’avant ». Bien dit ! |
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