
Par Patrick CROGUENNEC
La CGT de l’Établissement public de santé mentale (EPSM) de Saint-Avé (Morbihan) s’inquiète d’un manque de moyens, de voir un personnel fatigué, d’une perte de sens dans le travail… Le tout, dans un contexte national peu propice à la psychiatrie.
Le drame de l’infirmière tuée au CHU de Reims, en mai 2023, a remis en lumière la crise profonde de la psychiatrie en France. À l’Établissement public de santé mentale (EPSM) de Saint-Avé (Morbihan), la CGT n’entend pas « attendre un autre drame pour tire la sonnette d’alarme », note Céline Lagrange, secrétaire adjointe du syndicat.
Aujourd’hui, les personnels doivent concilier les consignes éthiques et professionnelles, « le tout sans moyens, sans soutien, ni reconnaissance. Il y a une perte de sens dans son travail », tonne Pierrick Le Port, aide-soignant, secrétaire général du syndicat. La CGT a, lors d’une réunion des instances le 15 décembre 2022, appuyé sur « l’épuisement professionnel, une réelle souffrance, des patients de plus en plus difficiles… C’est du factuel pas du ressenti ». De quoi déclencher le droit d’alerte pour danger grave et imminent. « Ce côté juridique est le seul levier. La direction ne pourra pas dire qu’elle ne savait pas », souligne Ludovic Benabes, secrétaire général de la Fédération santé et action sociale Morbihan.
« Un établissement qui n’est plus attractif »
La CGT évoque la perte de plus de 70 lits en 2021 à l’EPSM, celle de 31 lits dans le service d’addictologie En Arbenn. « L’établissement a recours à des psychiatres intérimaires qui ne souhaitent pas rester. » Les patients seraient accueillis sur des lits d’appoint devenus permanents (chambres doubles). « Et la direction envisage de réduire la voilure sur les unités de proximité comme le centre médico-psychologique. Pourtant, c’est le premier contact pour quelqu’un qui ne va pas bien », précise Françoise Paulic, infirmière.
Le syndicat pointe du doigt les difficultés de recrutement à l’EPSM, « qui n’est plus attractif. Les gens partent. On a treize postes de soignants, aide médico-psychologique qui ne sont plus pourvus après le départ de collègues. Il manque aujourd’hui treize psychiatres quand le même établissement de Caudan a réussi à en attirer quatre. » Une problématique qui est encore plus accrue en Bretagne d’ailleurs où l’on compte six psychiatres pour 100 000 habitants, quand la moyenne est de vingt en France. Et, dans le même temps, la Région est aussi celle qui compte le taux de suicide le plus élevé de l’Hexagone.
« La moyenne d’âge des pédopsychiatres est de 72 ans»
Un contexte général de la psychiatrie en France que dénonce Ludovic Benabes : « La moyenne d’âge des pédopsychiatres est de 72 ans. C’est une catastrophe. On a clairement laissé tomber nos enfants. Pourtant, la valeur d’une société se juge à l’aune de la prise en charge de ses enfants et de ses anciens. » À partir de ces constats, la CGT demande un moratoire à l’EPSM, « car redonner de l’attractivité demande une réflexion globale ».
La direction n’élude pas les difficultés même si, par la voix de la directrice adjointe, Isabelle Le Borgne, elle met en avant, elle aussi, un contexte national de l’hôpital et de la psychiatrie défavorable. « Ensuite, qu’il y ait des interrogations à l’approche des congés, c’est compréhensible. Nous sommes, bien sûr, attachés à ce que ces personnels fortement sollicités aient leurs vacances. Après, il ne faut pas nier les difficultés de recrutement et le recours à l’intérim depuis deux ans. Depuis avril, ces intérimaires s’interrogent. Ils se positionnent, puis ne viennent plus. C’est une période de grosses incertitudes. »
17 000 patients en 2022
En revanche, bonne nouvelle, quatre psychiatres arriveront à la rentrée de septembre. « Nous avons douze postes de vacants et non treize, il n’y en aura donc plus que huit », se félicite Isabelle Le Borgne. Qui tient à souligner que l’EPSM a, malgré ces difficultés, tout de même accueilli 17 000 patients en 2022. Par ailleurs, le plan territorial de restructuration et de modernisation, notamment du site de Saint-Avé, va se traduire par une enveloppe d’investissements d’un montant de cinquante millions d’euros sous deux ans.
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