Quand un bot pro-israélien se retourne contre son propre camp. (l’Orient Le Jour – 30/01/25)

Quand un bot pro-israélien se retourne contre son propre camp
AFP / OLIVIER MORIN

Un bot conçu pour promouvoir la communication israélienne a contredit la ligne officielle, relayant des messages pro-palestiniens et exposant les dérives des campagnes d’influence, selon Haaretz.

Conçu pour amplifier le discours pro-israélien et contrer les critiques sur le réseau X, dans un contexte de guerre à Gaza depuis le 7-Octobre, le programme informatique automatisé (ou « bot ») FactFinderAI a, pour ainsi dire, «buggé» en contredisant la ligne officielle israélienne et en relayant des messages favorables aux Palestiniens, selon les révélations mercredi du média israélien Haaretz.

S’il génère parfois ses propres publications en partageant des articles de presse pro-israéliens accompagnés de résumés ou de commentaires, son activité principale consiste à répondre aux publications d’autres utilisateurs. Ainsi, dans un message récent adressé à un post mentionnant le sénateur américain républicain Marco Rubio, devenu Secrétaire d’État, FactFinderAI a affirmé que « le contrôle de la bande de Gaza par le Hamas constitue une menace significative pour la stabilité régionale et la sécurité des civils israéliens et palestiniens ».

Mais au fil de ses interactions, le bot a généré de nombreuses incohérences : plutôt que de renforcer la communication officielle, il a produit des déclarations contradictoires, remettant en question certaines affirmations israéliennes. Censé mettre en avant les attentats perpétrés par le Hamas en Israël le 7 octobre 2023 pour justifier la réponse militaire d’Israël, le bot a nié qu’une famille israélienne entière avait été tuée lors de ces événements, contredisant ainsi les rapports officiels. Dans un autre message, il a appelé ses 3 000 abonnés à « faire preuve de solidarité avec Gaza », en partageant un lien vers une organisation humanitaire palestinienne.

Et ce n’est pas tout : FactFinderAI est allé jusqu’à poster des messages soutenant la reconnaissance d’un État palestinien, incitant l’Allemagne à suivre l’exemple de l’Irlande et d’autres pays européens. Réagissant à une publication pro-israélienne vantant la diversité ethnique au sein de l’armée israélienne, ce robot a mal interprété le message, qualifiant les soldats israéliens de « colons blancs dans l’Israël de l’apartheid ».

L’IA au service de la propagande israélienne

FactFinderAI n’est pas un cas isolé. Depuis le début de la guerre à Gaza, Israël a intensifié ses investissements dans les outils numériques visant à influencer le débat en ligne et à contrer les critiques sur ses actions militaires. Selon Haaretz, des documents ministériels montrent qu’au moins deux millions de shekels (environ 550 000 dollars) ont été alloués à des projets de « Hasbara » (diplomatie publique) exploitant l’intelligence artificielle (IA) depuis le 7-Octobre, notamment Hasbara Commando, un programme conçu pour générer automatiquement des commentaires favorables à Israël sur les réseaux sociaux. Certaines de ces initiatives bénéficient d’un soutien direct du gouvernement, comme l’a confirmé en réponse à l’enquête de Haaretz le ministère israélien des Affaires de la diaspora, qui affirme « intégrer des technologies innovantes, y compris l’intelligence artificielle, pour améliorer ses services et atteindre ses objectifs ».

D’autres initiatives sont portées par des acteurs privés mais restent étroitement liées aux réseaux de Hasbara. Selon l’enquête, FactFinderAI aurait des liens avec des militants pro-israéliens affiliés à Act.il, une organisation israélienne basée à l’université Reichman, à Herzliya, connue pour ses efforts contre le mouvement BDS, un mouvement international appelant à des pressions économiques et politiques sur Israël pour mettre fin à l’occupation des Territoires palestiniens et défendre les droits des Palestiniens. Des documents obtenus par Haaretz indiquent que l’un des objectifs initiaux de cette organisation était de développer des solutions technologiques pour la Hasbara, notamment une plateforme dédiée au suivi et à la réponse aux contenus anti-israéliens sur les réseaux sociaux.

Une campagne d’influence numérique ciblant l’Occident

Une enquête du groupe israélien de surveillance des médias Fake Reporter, citée par Haaretz le 19 mars 2024, a révélé qu’Israël menait une campagne d’influence en ligne à l’aide de centaines de faux comptes sur les réseaux sociaux. L’opération vise spécifiquement les audiences progressistes occidentales, y compris les parlementaires américains, en diffusant du contenu destiné à renforcer l’adhésion à la politique israélienne.

Un rapport du New York Times de juin 2024, citant des responsables israéliens, a révélé que le ministère israélien des Affaires de la diaspora a alloué environ 2 millions de dollars à une campagne d’influence secrète ciblant les législateurs américains et le public. Cette opération a utilisé des centaines de faux comptes de médias sociaux se faisant passer pour des Américains afin de diffuser des contenus pro-israéliens, en se concentrant particulièrement sur les législateurs démocrates noirs tels que le leader de la minorité de la Chambre des représentants, Hakeem Jeffries, et le sénateur Raphaël Warnock. La campagne a utilisé des outils d’intelligence artificielle, dont l’agent conversationnel ChatGPT, pour générer des messages et a créé trois sites d’information fictifs en anglais présentant des articles pro-israéliens.

Un des axes majeurs de cette campagne consiste à amplifier les accusations selon lesquelles des employés de l’agence des Nations unies pour les réfugiés palestiniens (UNRWA) auraient participé aux attaques du 7-Octobre. Ces allégations, pour lesquelles aucune preuve tangible n’a été fournie, font partie d’un effort plus large d’Israël visant à convaincre les pays occidentaux de couper leurs financements à l’agence de l’ONU. L’UNRWA joue pourtant un rôle clé dans l’acheminement de l’aide humanitaire aux Palestiniens, tandis qu’Israël est accusé par plusieurs organisations de droits de l’homme, y compris Human Rights Watch et Amnesty International, d’imposer une famine à Gaza.

Source : https://www.lorientlejour.com/article/1445839/quand-un-bot-pro-israelien-se-retourne-contre-son-propre-camp.html

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