
En pleine grève générale, ce mercredi 9 novembre, nous avons suivi le président du Parti du travail de Belgique à la rencontre des ouvriers mobilisés. Grâce-Hollogne (Wallonie) et Zaventem (Brabant flamand), Belgique, envoyé spécial de l’Humanité.
Il est 8 heures du matin en ce mercredi 9 novembre lorsque des travailleurs de l’aéroport de Liège aperçoivent venir à leur rencontre, depuis leur piquet de grève installé à l’entrée du site d’Aviapartner, un homme de grande taille portant des lunettes rectangulaires. Les grévistes le signalent aussitôt par son prénom : « C’est Raoul ! » Raoul Hedebouw, député fédéral à la Chambre des représentants depuis 2014, et président du Parti du travail de Belgique (PTB) depuis le 1er janvier 2022. Poignées de main, accolades, tapes sur l’épaule, salutations en français ou en néerlandais, éclats de rire… On pourrait croire à des retrouvailles entre amis, mais la plupart des grévistes discutent avec « Raoul » pour la première fois. Ils décrivent la précarité de leurs conditions d’existence, la déqualification de leur travail, leur fierté de faire grève. « Essence, gaz, électricité, alimentation… On n’en peut plus ! Les prix ne cessent d’augmenter », confie Göksen Duran, syndicaliste FGTB au sein de l’entreprise Worldwide Flight Services . « Avant je dépensais 150 euros par mois en essence, ajoute-t-il. Maintenant, c’est plus de 300 euros. Et pourtant, mon salaire n’a pas doublé. »
Depuis 1996, une loi définit les marges maximales d’évolution des salaires des travailleurs belges. Cette année, et pour les deux prochaines années, le Conseil central de l’économie fixe cette marge à 0,0 %. Certes, les salaires sont indexés sur le coût de la vie, mais cette indexation ne comprend pas les prix de l’énergie. En Belgique, ceux-ci ne sont pas régulés : il n’existe aucun bouclier tarifaire, seule la loi du marché s’applique. Des petits commerçants ne chauffent plus leurs boutiques et y travaillent vêtus d’un anorak. Des boulangers, étranglés par leurs fournisseurs d’énergie, cessent leur activité. Des ménages souscrivent des crédits à la consommation pour pouvoir payer leurs factures.
« il sait parler aux gens »
« Je paie actuellement 890 euros par mois de gaz et d’électricité, s’indigne un gréviste. Une fois que j’ai payé cette facture et le crédit de ma maison, j’ai utilisé la totalité de mon salaire de 1 400 euros. »
En observant Raoul Hedebouw écouter ces ouvriers, puis les interroger sur l’origine de leur engagement syndical, on pourrait penser que cette scène de la vie politique belge ressemble à tant d’autres ; qu’un élu de gauche est simplement venu « se montrer ». Mais, à ses regards amicaux, sa voix chaleureuse, ses plaisanteries mordantes, on perçoit toute la sincérité d’Hedebouw, militant parmi les militants. Au terme de son échange avec les salariés, le président du PTB leur donne son numéro de téléphone portable. Nous le suivons sur un autre piquet de grève, installé sur un rond-point de l’aéroport. Hedebouw y discute avec des chauffagistes d’une petite entreprise non syndiqués, en grève pour la première fois de leur vie. Puis nous nous rendons sur un troisième piquet, à la rencontre d’avitailleurs de l’aéroport. Là, à nouveau, au terme de la conversation, le député donne son numéro de téléphone. « Au PTB, nous n’avons pas abandonné l’analyse marxiste de la société, explique-t-il. Je n’ai donc pas peur de dire que les syndicalistes, les grévistes forment l’avant-garde de la lutte des classes. Ils mènent ce combat concrètement, c’est pourquoi il est si important pour moi d’être à leurs côtés. Cette proximité n’est pas seulement “politique”, ce n’est pas un calcul. C’est aussi émotionnel. Je me nourris de ce terreau, de ces luttes. Celles et ceux qui les mènent sont ma raison de vivre. »
Debout face à un brasero, Luc, agent d’entretien, explique que, lorsqu’il consulte les réseaux sociaux, il regarde parfois des vidéos du président du PTB sur son téléphone. Il cherche ses mots afin de décrire ce qu’Hedebouw lui inspire : « Raoul, il sait parler aux gens, il n’a rien perdu de ses origines populaires. »
Plus loin, un travailleur indépendant exprime sa colère contre la société : il affirme qu’il faudrait « aider davantage les Belges que les immigrants étrangers », que la vie est trop dure pour les honnêtes travailleurs. Lorsqu’il aperçoit Hedebouw, il se dirige spontanément vers lui et lui parle, flatté de pouvoir échanger quelques mots avec le dirigeant politique. « Partout en Europe la conscience de classe s’est étiolée au cours des dernières décennies, explique en aparté le président du PTB. C’est donc à nous de la restituer pour que ce jeune homme ne se trompe pas de colère. »
Jean-Baptiste MALET
source: https://www.humanite.fr/social-eco/raoul-hedebouw/raoul-hedebouw-militant-parmi-les-militants-770580