
L’ONG Bloom dénonce la pêche au chalut comme « destructrice » des fonds marins souhaite sa fin au profit d’autres types de pêche. Dans le Pays bigouden (Finistère), où le chalut est très répandu, ces attaques crispent profondément. Laurianne Le Cossec, cheffe d’entreprise dans le monde maritime, plaide pour l’innovation qui « demande du temps » et défend « tous les types de pêche » au nom de la souveraineté alimentaire.
Depuis quelques semaines, l’ONG Bloom (*) prône une « déchalutisation » de la pêche européenne et liste publiquement les bateaux, dont de nombreux bretons, qui pêchent dans des zones protégées – une pratique légale mais strictement réglementée -. Une initiative qui crispe dans les ports bigoudens, où le chalut est une technique très répandue.
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À Lesconil, depuis trois ans, Laurianne Le Cossec est présidente de Glaz, un cabinet d’expertise maritime tourné vers l’innovation durable pour les marins. Sans se revendiquer porte-parole de qui que ce soit, elle monte cependant au créneau, « en tant qu’actrice de la filière » pour « soutenir tous les types de pêches. En fait, la souveraineté alimentaire de la France, qui n’est déjà pas gagnée du tout, en dépend. Si on supprime le chalut, je ne vois pas comment on remplira les assiettes dans les cantines ou les Ehpad », lance-t-elle.
Manger du poisson du Pacifique ?
Et surtout, si les apports du chalut étaient supprimés, « que mangerait-on ? Du poisson du Pacifique, pêché avec des normes sociales et environnementales qui n’ont rien à voir avec les nôtres ? Il faut quand même se rappeler que nous sommes un des pays les plus réglementés ! ».
Face aux études de l’ONG, elle souhaite aussi « remettre en contexte » la pêche française et assure qu’elle ne représente « que 1 % de la pêche mondiale ».
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Le chalut de fond, dénoncé par l’ONG, est une technique de pêche qui consiste à racler le fond de la mer avec un filet en forme de gigantesque poche. Le chalutage permet des apports plus importants que d’autres types de pêche.
Sur les conséquences environnementales dénoncées par Bloom, Laurianne Le Cossec relativise : « C’est une méthode qui est utilisée depuis l’après-guerre. Depuis trente ans, elle est très encadrée. Si le chalut détruisait tout sur son passage, il y a longtemps que la ressource aurait disparu. ».
Dans son travail quotidien, elle constate aussi un décalage des temporalités. « L’innovation est la porte de sortie pour la filière. Mais pour cela, il faut des fonds financiers et du temps. » Et par temps, elle entend que dans la filière halieutique, les transitions se calculent sur du moyen terme, « ce qui ne correspond pas aux attentes des ONG ou de certains dirigeants politiques ».
« De l’acharnement »
La jeune cheffe d’entreprise évoque aussi la « résilience » des marins-pêcheurs ces dernières années. « Quand on voit tout ce qu’ils ont fait pour s’adapter, oui, on peut se dire qu’en face, il y a de l’acharnement. En tant qu’habitante du territoire, je dirais même du mépris. » Laurianne Le Cossec souhaite « qu’on laisse les pêcheurs travailler dignement et qu’on n’oublie pas que la pêche est l’un des poumons de la Cornouaille ».
Que dit Bloom ?
(*) Fin mars 2025, l’organisation non gouvernementale Bloom a publié une étude sur la pêche au chalut. Dans son rapport, l’ONG parle d’une technique « destructrice » et demande que « cesse la déforestation sous-marine ». Elle prône une « déchalutisation » de la pêche et souhaite que les arts dormants (filets, lignes, casiers…) supplantent les arts traînants.
Parallèlement à ces deux rapports, l’ONG diffuse publiquement une liste de plusieurs milliers de bateaux qui pêchent au chalut dans les aires marines protégées. Des bateaux de plusieurs nationalités, mais aussi de taille et de méthode de pêches différentes. Dans cette « liste rouge » figurent de nombreux chalutiers de ports bretons.
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