
© Coust Laurent/ABACA
Le président de la République, Emmanuel Macron, reçoit une partie du gouvernement à l’Élysée, mercredi 21 mai, afin de discuter sur les conclusions d’un rapport sur les pratiques des Frères musulmans en France. Un rendez-vous qui a été instrumentalisé par une partie du camp macroniste, Bruno Retailleau et Gabriel Attal en tête, comme par l’extrême droite, pour servir leur agenda politique.
Par Tom DEMARS-GRANJA.
Un conseil de défense et de sécurité nationale, présidé par Emmanuel Macron en personne, examine, mercredi 21 mai, un rapport consacré aux Frères musulmans. Une enquête – dont les grandes lignes ont fuité dans les colonnes du Figaro– met en garde contre une « menace pour la cohésion nationale » avec le développement d’un islamisme « par le bas » et à l’échelon municipal.
Selon le document que l’Agence France Presse (AFP) s’est procuré, le rapport « établit très clairement le caractère antirépublicain et subversif des Frères musulmans » et « propose des moyens pour remédier à cette menace », résume-t-on au sein du palais présidentiel. Le président de la République, donc, comme le premier ministre François Bayrou, les ministres chargés des affaires étrangères, des finances, de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et des sports avaient donc rendez-vous à l’Élysée, à 11 h 30, afin de statuer sur comment lutter contre cet « entrisme ».
« Pouvoir sensibiliser l’État sur cette problématique »
Un rendez-vous sur lequel une partie de la classe politique et médiatique tente d’imposer leur récit. Le Journal du dimanche (JDD) et le Point – deux titres qui accompagnent allègrement la fascisation du débat public – ont par exemple sauté sur l’occasion pour saluer la pertinence d’un rapport « choc enfin dévoilé » pour le premier et qui pourrait sonner « la fin de l’angélisme » pour le second.
À l’issue de ce conseil, des mesures seront prises « dont certaines (seront) communiquées » mais d’autres resteront classifiées, a annoncé l’Élysée en amont. « L’une des vocations de ce rapport est de pouvoir sensibiliser l’État sur cette problématique », mais aussi « de faire connaître au grand public, aux élus locaux, la menace et comment elle procède », notamment à l’approche des élections municipales de 2026, affirme le gouvernement. « L’entrisme, c’est du temps long, c’est dissimulé, et c’est un discours qui est très policé de façon officielle », ajoute une source interrogée par le Figaro, qui pointe aussi des « dynamiques caritatives sur le terrain ».
Face au spectre de l’instrumentalisation du rapport à des fins islamophobes, l’Élysée a tenté de préciser son objectif. « Nous sommes tous parfaitement en ligne sur le fait de dire qu’il ne faut pas faire d’amalgame » avec les musulmans car « nous luttons contre l’islamisme et ses dérives radicales », a-t-elle ainsi annoncé. Le ministre de l’Intérieur – tout juste élu à la tête du parti les Républicains (LR) – Bruno Retailleau n’a pourtant pas hésité, face à des journalistes qui l’attendaient devant le siège de LR après sa victoire dimanche 18 mai, à agiter le spectre d’une « menace très claire vis-à-vis de la République, une menace sur la cohésion nationale », quitte à ressortir la carte d’une soi-disant « submersion ».
L’ancien sénateur, dont la proximité idéologique avec l’extrême droite n’est plus à prouver, estime même que « l’objectif ultime » des Frères musulmans « est de faire basculer toute la société française dans la charia ». Une prise de position difficile à tenir pour le conseil, qui a aussi annoncé vouloir se pencher sur les réseaux sociaux. Le tout afin de lutter contre ce qu’il considère être des canaux utilisés… « pour essayer de démontrer que l’État est islamophobe ». Le même Bruno Retailleau s’était déjà illustré fin avril, lors d’un entretien avec la Tribune dimanche, en relayant une fake news qui raconte que « le mot “islamophobie“ a été forgé par les Frères musulmans pour interdire toute critique d’une religion ».
« Une nouvelle offensive islamophobe »
Les débouchés politiques d’un tel rapport par le gouvernement Bayrou sont aussi pointés du doigt au vu de la dernière proposition en date du secrétaire général de Renaissance, Gabriel Attal. Le député des Hauts-de-Seine a proposé « pour les mineurs de moins de 15 ans, d’interdire le port du voile dans l’espace public ». L’ex-premier ministre justifie son annonce par une « atteinte à l’égalité hommes-femmes et à la protection de l’enfance ». Le parti, qui tiendra lundi 26 mai une convention thématique sur les questions régaliennes, souhaite ainsi instaurer « un délit de contrainte au port du voile contre les parents qui contraindraient leurs jeunes filles mineures à porter le voile ».
Une possible mesure dénoncée par plusieurs voix de gauche. La députée insoumise (17e circonscription, Paris) Danièle Obono fustige la « course à l’échalote islamophobe entre les candidats à la présidentielle au sein du bloc bourgeois ». Même son de cloche pour son compère Thomas Portes (3e circonscription, Seine-Saint-Denis) : « L’assassinat d’Aboubakar Cissé et l’explosion des attaques contre les musulmans ne sont apparemment pas suffisants pour les macronistes. Ce soir, Gabriel Attal lance une nouvelle offensive islamophobe. »
Côté Parti communiste français (PCF), le sénateur des Hauts-de-Seine, Pierre Ouzoulias, estime que Gabriel Attal « cherche un rebond pour oublier ses difficultés politiques, quitte à stigmatiser une partie de nos compatriotes ». Le vice-président du Sénat ajoute : « Courir après l’extrême droite, c’est courir à sa perte. Si Gabriel Attal était sincère dans son combat pour la laïcité et l’égalité entre les femmes et les hommes, il se battrait avec moi pour étendre la loi de 2004 aux écoles privées sous contrat. »
De même pour le député Générations (8e circonscription, Yvelines) Benjamin Lucas, qui tance « l’effet impressionnant du nouveau pontificat », à savoir que « Jean-Marie Le Pen est ressuscité ». Les conclusions de ce rapport ont ainsi à peine été dévoilées que la droite et l’extrême droite s’en emparent pour dérouler leurs obsessions racistes.
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