Réforme de la sûreté nucléaire : en grève, les salariés de l’IRSN protestent contre un démantèlement de l’Institut. ( Libération – 20/02/23 )

Un technicien à l’oeuvre dans l’un des stations pilotées par l’IRSN à Tournemire, en 2019. (Eric Cabanis/AFP)

Les salariés de l’Institut de radioprotection et sûreté nucléaire sont en grève ce lundi. Ils s’opposent à la réforme du système de contrôle de sûreté nucléaire annoncée au début du mois par le gouvernement, qui prévoit sa suppression.

Pourquoi bouleverser un système qui marche ? C’est la question que posent les quelque 1 700 salariés de l’Institut de radioprotection et sûreté nucléaire (IRSN), en grève ce lundi. Une semaine plus tôt, le délégué CGT de l’IRSN, Philippe Bourachot, avait annoncé la volonté d’appeler à la grève à l’issue de réunions de l’intersyndicale CGT /CFDT /CFE-CGC avec le personnel et la direction.

Les syndicats mettent en garde contre la volonté affichée par le gouvernement le 8 février dernier de réunir les compétences de l’IRSN, vigie et expert du risque radiologique, avec celles de l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN), gendarme du nucléaire civil, et du Commissariat à l’énergie atomique (CEA). L’exécutif avait donné jusqu’au 20 février aux responsables de ces institutions pour produire «une méthode de travail» en vue de cette réforme, qui s’inscrirait dans le cadre de la loi sur l’accélération du nucléaire, et se ferait sans impact sur l’emploi.

Cette réunification des deux autorités doit permettre de faciliter l’accélération des procédures de construction d’installations nucléaires. Le gouvernement souhaite ainsi «améliorer la crédibilité de l’ASN» et «renforcer ses compétences en matière d’expertise et de recherche et développement», selon le ministère, qui évoque un délai d’un an à un an et demi pour mettre en œuvre cette fusion.

Le Parlement pourrait être appelé à se prononcer sur le sujet via un amendement au projet de loi d’accélération des constructions nucléaires. «Notre directeur général nous a confirmé la volonté du gouvernement de porter un amendement au projet de loi», abonde Philippe Bourachot. Il a assuré que le «combat» va être de «faire en sorte que cet amendement ne soit pas intégré dans cette loi».

«Perte de compétence»

La direction de l’IRSN alerte contre la «perte de compétence» qui en résulterait. «Il s’agit d’éviter une perte de compétences en sûreté et radioprotection à court et moyen termes», selon son directeur général, Jean-Christophe Niel, au moment où le nombre de dossiers à suivre explose (nouveaux réacteurs, prolongement des anciens, enfouissement des déchets etc). «Cette nouvelle période suscite de fortes inquiétudes de la part des salariés de l’Institut (au nombre de 1 700, ndlr). Dans un marché de l’emploi tendu, je vais être très vigilant et préserver l’attractivité de nos missions.»

Une position relayée par François Jeffroy, délégué CFDT au sein du même institut : «Le projet consiste à découper l’IRSN en au moins deux morceaux : d’un côté l’expertise qui rejoint l’ASN, et de l’autre la recherche, qui rejoint le Commissariat à l’énergie atomique. Et ça va affaiblir l’expertise.»

Contrairement au directeur de l’IRSN, le président de l’ASN, Bernard Doroszczuk se dit favorable à l’intégration des experts au sein de l’organisme. «Le but n’est pas d’accélérer les procédures, mais dans une structure plus ramassée on peut fluidifier», expose Bernard Doroszczuk. Il a tout de même voulu se montrer rassurant – «on conservera les meilleures choses de part et d’autre» – tout en relevant que son organisme gère aussi déjà une part des expertises, toujours séparées du collège décisionnaire.

Côté politique, certains se sont opposés à cet amendement. Un procédé «un peu cavalier», a commenté une sénatrice socialiste. «Dans le pays le plus nucléarisé au monde, le système de sûreté a prouvé son efficacité. Pourquoi le remettre en cause ? Est-ce trop coûteux ? L’actualité liée au prolongement des centrales fait-elle qu’il faudrait aller plus vite et être moins regardant ? Je ne comprends pas», s’interroge Angèle Préville (PS). Son homologue du Modem Philippe Bolo s’interroge «sur les prétextes et motivations» de cette réorganisation.

Dans une tribune publiée dans Libération, le mathématicien et ancien président de l’Office parlementaire scientifique, Cédric Villani, a en outre déclaréque «lancer l’IRSN à l’aveugle dans cette incertitude institutionnelle, à l’aube d’une relance annoncée du secteur, c’est se mettre en situation de grande fragilité au pire moment». Quant au Sénat, il a déjà examiné le projet, désormais attendu à l’Assemblée nationale courant mars.

Par LIBERATION et AFP

Source : Réforme de la sûreté nucléaire : en grève, les salariés de l’IRSN protestent contre un démantèlement de l’Institut – Libération (liberation.fr)

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