
Cannes, déambulateurs, ouïe qui baisse… Professeurs, agents, assistants d’éducation du collège le Hérault, à Saint-Herblain, ont pris quelques années de plus. Ce jeudi 2 février, ils ont imaginé ce que serait leur collège avec des personnels de plus de 64 ans.
Ah ! Voilà mes élèves qui arrivent », lance Delphine Vigner, professeure d’anglais. « Mais non, ce sont les miens, la corrige sa collègue, Élisabeth Caillé, prof d’anglais elle aussi. Ma pauvre, tu perds la boule. »
Extrait de dialogue devant le collège le Hérault, ce jeudi 2 février, peu avant la reprise des cours. Courte pause pour des enseignants fatigués. « Même pas le temps de faire une sieste », soupire l’un d’eux, appuyé sur sa canne. Une autre rejoint péniblement le groupe, avec son déambulateur. Il faut parler un peu fort pour se faire entendre. « C’est mon sonotone », s’excuse, Benjamin Ventana, professeur de mathématiques. Cheveux gris, pantoufles, peignoir pour certains, béquilles… Pas la grande forme, les profs. Ils ont 64, 65, 67 ans… Et ça tire dur.
Scène d’anticipation. Les personnels du Hérault, déjà mobilisés les 19 et 31 janvier contre la réforme, ont décidé d’illustrer avec humour les conséquences du recul de l’âge de la retraite sur leur métier. Sur une trentaine d’enseignants, quasiment tous participent à la simulation. Agents d’entretien et d’accueil, assistants d’éducation, accompagnants d’élèves handicapés sont aussi de la partie.
Tous se sont vieillis de plusieurs années. Et depuis le matin, jouent le jeu. Difficulté à trouver la serrure de la porte de la classe, car la vue baisse un peu. Un fichu mal de dos qui oblige à s’appuyer sur le tableau. Une montée d’escaliers qui prend un peu de temps… Sur la plaque du collège, ils ont inscrit le mot Ehpad.
« Vous serez là quand on aura des enfants ! »
« Je me demande dans quel état je serai à 64 ans, dit Marie Levêque, 32 ans, professeure d’éducation physique. Et quels types d’activité je ferai avec eux. » Delphine Vigner a calculé que pour avoir ses 43 annuités, elle devra bosser jusqu’à 70 ans : « Pas sûre d’être encore dans le coup à cet âge-là. La mise à jour est plus compliquée à la soixantaine. »
« On renouvelle régulièrement nos pratiques, nos outils de travail, ajoute Valentin Ventana. On s’adapte aux élèves, aux diverses demandes institutionnelles. Ça demande de l’énergie. Cette énergie, on finira par ne plus l’avoir. » Lui aussi calcule : « Avant, il pouvait arriver que l’on ait en cours deux générations d’une même famille durant notre carrière. On va arriver à trois… »
Classes chargées, conditions de travail qui se dégradent, fatigue psychologique… Le ministre Pap Ndiaye a reconnu qu’il pouvait y avoir de l’usure chez les enseignants en fin de carrière. Pour l’alléger, il a évoqué un passage vers d’autres tâches, comme le tutorat, l’accompagnement. Ça laisse perplexe les profs du collège herblinois : « Vu les difficultés à recruter des profs… Pas sûr du tout que l’on envoie les fins de carrière sur d’autres missions. »
Et les élèves, qu’en pensent-ils ? « Si ça se trouve, vous serez là quand on aura des enfants », avance l’un. « Plus on vieillit, plus on perd la mémoire. Et on est plus lent… Nos cours risquent d’être moins efficaces », pense Léa, en troisième.
Pour rester dans le thème Ehpad, les personnels du collège ont prévu un goûter en fin de journée, avec les parents d’élèves. Au menu : boudoirs, compote de pommes et tisane…
Yasmine TIGOÉ