
La restriction de pêche d’un mois, visant à limiter la capture accidentelle du dauphin commun dans le golfe de Gascogne, commence ce lundi 22 janvier 2024. Concernés, notamment parce que leurs bateaux font plus de 8 mètres, les fileyeurs de Concarneau (Finistère), dénoncent toujours des zones d’ombre.
Par Chloé SARTENA.
Un silence de plomb. La douzaine de fileyeurs du port de Concarneau (Finistère) est à quai. Même les goélands, unis dans l’effort, semblent se faire plus discrets. Le moral des pêcheurs est à l’image du ciel : bas. En ce lundi 22 janvier, commence le mois d’interdiction de pêche dans le golfe de Gascogne, afin de limiter la capture accidentelle de dauphins communs. Pendant ce mois de fermeture, les navires de pêche de plus de 8 mètres, qui utilisent certains engins « à risque », sont interdits. Cela concerne plus de 500 bateaux français.
« On préférerait être en mer plutôt que de tourner en rond » , soupire Romain Wallet, patron d’un fileyeur de 8,63 m. « Mais c’est impossible. Avec la VMS (système de surveillance par satellite), on est suivis par les gendarmes maritimes. On recevra une amende. » De quel ordre ? « Il faudrait que l’un d’entre nous se sacrifie pour le savoir », ironise le marin.
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Un manque de communication
Quand sera perçue la compensation financière, dont le montant devrait varier selon les chiffres d’affaires des trois années précédentes ? « Les comités de pêche disent ne pas plus savoir que nous. À croire qu’ils ne servent à rien. » Les structures professionnelles, et notamment le comité national des pêches, qui ne défend « plus les intérêts des pêcheurs », assénait David Le Quintrec, pêcheur à Lorient, lors de la réunion du 10 janvier 2024, réunissant une soixantaine de pêcheurs de la région, sont pointées du doigt par les pêcheurs depuis quelque temps.
Des conditions d’obtention floues
Sur la jetée apparaît Thibault Georget. Le patron armateur dénonce, lui aussi, des parts d’ombres. « J’ai deux fileyeurs. L’un est soumis à l’interdiction, l’autre non, il fait moins de 8 mètres. Ai-je le droit de recevoir l’indemnisation pour l’un, et aller en mer sur l’autre ? », s’interroge celui qui a informé le comité local de Quimper de « l’arrêt du plus grand », sans avoir eu de suites. Il y a pourtant urgence. « J’ai des crédits sur ce bateau que je viens de racheter. Et je ne sais pas combien gagnait l’ancien proprio, il ne me répond pas… Je fais comment ? », abonde l’homme qui pense recevoir autour de 10 000 €. « C’est peanuts (rien, N.D.L.R.). C’est ce qu’on fait en quinze jours. »
Quelle perspective ?
Quid du mouvement pour aller à Paris, lancé lors de la récente rencontre ? « Nous n’avons eu aucune nouvelle sur la date », indique Romain Wallet, les mains dans le cambouis. « Je m’occupe comme je peux. Là je répare ma courroie hydrologique. » De son côté, Thibault Georget compte en profiter pour s’occuper « de la paperasse pour les affaires maritimes, les comités de pêche. On va bientôt passer plus de temps à faire des papiers qu’à pêcher. »
Patron d’un chalut de fond, Jean-Paul Le Carre juge inutile l’interdiction imposée à ses camarades. « Ici, à cette période, les dauphins sont au large. L’État préfère vraiment dépenser autant d’argent pour en sauver quoi, 15 ? Ça fait cher le kilo ! », lance le pêcheur de 57 ans, pour qui ceux ayant « bien gagné avec le poulpe » l’année dernière « ne sont pas malheureux ». « Ils vont toucher autour de 80 % sans rien faire. Certains en profitent pour aller aux Antilles ! »
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