Répression antisyndicale : « Les gendarmes m’ont posé des questions politiques », affirme le délégué CGT Christian Porta (H.fr-4/06/24)

Christian Porta à Metz, le 4 mai 2024. © Adrien Labit / Collectif DR

Alors que l’Inspection du Travail refuse son licenciement, Christian Porta, le délégué syndical CGT du boulanger industriel Neuhauser à Folschviller, en Moselle, a été convoqué mardi matin à la gendarmerie qui voulait tout d’abord le placer en garde à vue. Le Procureur de la République s’y est opposé. Entretien

Entretien réalisé par Jean-Jacques REGIBIER.

« C’est un véritable bras de fer qui s’engage pour tester notre résistance », observe Dorothée Unterberger, la secrétaire générale CGT de l’Union syndicale des travailleurs de l’agroalimentaire et des forêts (USTAF), qui juge « incroyable » la convocation à la gendarmerie du délégué CGT, « alors que c’est l’entreprise qui ne respecte pas les décisions administratives ».

Leader syndical très connu en Moselle, Christian Porta a été licencié le 23 avril par la direction du groupe Invivo, le grand groupe français de l’agrobusiness qui a racheté l’usine de boulangerie industrielle de Folschviller. Saisie par la CGT, l’Inspection du travail s’est opposée au licenciement en démontant point par point les arguments de la direction, mais la direction est passée outre et a confirmé le licenciement du délégué.

La direction d’Invivo a entrepris une démarche auprès du ministère du Travail pour faire annuler la décision de l’Inspection de travail. La décision devrait être rendue cet été. En attendant, c’est la gendarmerie qui a convoqué Christian Porta mardi matin. Une centaine de ses collègues sont venus le soutenir devant le poste de gendarmerie.

Sur quels motifs avez-vous été convoqué à la gendarmerie ce matin ?

La direction d’Invivo qui m’a licencié est en train de perdre sur tous les dossiers puisque l’Inspection du travail a demandé ma réintégration, mais elle continue la pression contre moi. Cinq cadres de l’entreprise sont allés porter plainte contre moi au motif que je « harcèlerais » la direction, et suite à ces plaintes, la gendarmerie voulait me mettre en garde à vue pour m’interroger. Mais le procureur de la République a décidé qu’aucun élément ne pouvait être retenu pour autoriser une G.A.V., et finalement, j’ai passé une audition en étant libre en début de matinée.


Quelles sont les questions qui vous ont été posées par les gendarmes ?

C’étaient des questions extrêmement étranges, des questions très très politiques. Par exemple, ils m’ont demandé ce qu’on faisait pendant les réunions du Comité Social et Économique (CSE), pourquoi les représentants syndicaux bloquaient certains projets en demandant des expertises, ils m’ont même accusé de ramener de la politique dans l’entreprise. J’ai vraiment eu l’impression que c’était des questions écrites par la direction.

Où en êtes-vous de votre situation actuelle dans l’entreprise ?

Dans un premier temps, j’ai gagné, l’Inspection du travail a demandé ma réintégration suite à mon licenciement de l’usine, mais la direction n’a pas respecté cette décision et ils m’ont tout de même licencié. Invivo a ensuite contesté la décision de l’Inspection du travail de Moselle devant le ministère du Travail, on attend la réponse. J’ai le droit d’exercer mes mandats syndicaux mais la direction ne les reconnaît pas tous. Par exemple, je suis membre du CSE, et bien que l’Inspection du travail ait demandé ma réintégration, la direction refuse ma présence aux réunions du CSE. J’ai juste le droit d’accéder au local syndical.

Comment analysez-vous les attaques que vous subissez dans le contexte national ?

On fait vraiment face à une attaque du patronat qui veut nous faire payer les mobilisations massives contre la réforme des retraites, et les grèves sur les salaires comme celles que nous avons faites à Invivo. Comme on est dans une conjoncture réactionnaire, le patronat en profite pour attaquer les délégués syndicaux dans les entreprises.

Cette vague de répression qui s’intensifie touche aussi les syndicalistes qui apportent leur soutien à la Palestine, comme Jean-Paul Delescaut (Secrétaire de l’Union départementale CGT du Nord, Jean-Paul Delescaut a été condamné par le tribunal à un an de prison avec sursis pour son soutien à la Palestine, NDLR).

Comme mon licenciement d’un grand groupe de l’agrobusiness a été bien relayé en France, ce qui est en train de m’arriver est assez inédit. J’ai vraiment contre moi l’avant-garde du patronat qui se radicalise et essaie de donner le ton pour tous les autres patrons. Il y a plein de cas similaires aujourd’hui en France.

Nous sommes contactés aussi bien par des collègues de petites entreprises comme Rougier et Plé (magasin parisien de fournitures pour artistes où quatre salariés ont été convoqués pour un entretien disciplinaire après avoir fait grève pour les salaires, NDLR), ou Dassault (les salariés des deux sites Dassault de Mérignac et Martignas ont fait grève en mars pour de meilleurs salaires, NDLR), et tous nous disent qu’ils vivent la même chose chez eux. Il y a tout intérêt à organiser une réponse large.

Précisément, est-ce que vous ressentez une solidarité contre ces attaques que subissent les syndicalistes ?

Il y a un très fort soutien, on le sent sur les réseaux sociaux par exemple, mais aussi par le soutien que nous apportent localement les associations, et les groupes politiques comme le PCF, les Verts ou la France insoumise. Jacques Maréchal, le secrétaire PCF de Moselle ou Marine Tondelier, la secrétaire d’EELV, sont venus devant l’usine, et aujourd’hui (mardi 4 juin, NDLR), FI pose une question orale au gouvernement sur la répression syndicale. Il faut dire que la situation est grave.

En ce qui concerne mon audition à la gendarmerie, le procureur de la République n’était même pas au courant que j’allais être mis en garde à vue, alors que le dossier est complètement vide, c’est hallucinant. Aujourd’hui mes collègues sont en grève. Si les gens veulent participer à la caisse de grève, c’est un bon moyen de nous aider.

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Source: https://www.humanite.fr/social-et-economie/repression-antisyndicale/repression-antisyndicale-les-gendarmes-mont-pose-des-questions-politiques-affirme-le-delegue-cgt-christian-porta

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