Retraites : la parole à Patrice Moulun, syndicaliste (IO.fr-8/10/24)

6 000 manifestants ont convergé à Vire (Calavdos), circonscription d’Elisabeth Borne, le 1er avril 2023 (photo Lou Besnoit / AFP)

« Je me pose des questions à la lecture du communiqué de toutes les confédérations en date du 7 octobre intitulé “64 ans, c’est toujours non ! ” »

Par Patrice MOULUN

Comme beaucoup de militants syndicalistes de la CGT, j’ai participé à l’organisation de la journée du 1er octobre dernier à l’appel de la confédération. Comme beaucoup, je n’ai pas été bien surpris par l’ampleur de la mobilisation : si une partie du corps militant de l’organisation a répondu présent, force est de constater que les manifestations n’étaient pas massives.

Cela devrait nous faire réfléchir sur l’efficacité de nos initiatives et sur notre capacité à entraîner les salariés avec nous : je regarde ce qui se passe de l’autre côté de l’Atlantique, aux Etats-Unis, et je constate que des syndicats, là-bas, écoutent peut-être davantage leur base car ils organisent avec leurs syndiqués des initiatives qui me semblent beaucoup plus efficaces.

Par exemple, lorsque les dockers américains ont décidé de s’engager dans l’action pour obtenir des augmentations de salaires, ils n’ont pas décidé de faire des actions d’une journée, ils ont organisé la grève et pris les dispositions pour bloquer massivement, et pour une durée illimitée, les plus gros ports américains. Résultat : en à peine trois jours de grève, ils ont gagné 62 % d’augmentation de salaire.

Cela devrait nous faire réfléchir quand même, parce que je ne pense pas que les salariés américains seraient plus combatifs « par nature » que les salariés français.

Certes, c’est à un mois des élections présidentielles américaines, donc les employeurs subissent peut-être plus de pressions politiques qu’en « temps normal » pour céder aux revendications, mais je pense malgré tout que les modalités d’action décidées par les salariés américains, trouvant une écoute auprès de syndicats, ont un rapport avec le fait qu’ils ont gagné, eux. Et ils ne sont pas les seuls aux Etats-Unis, loin de là.

De ce point de vue, j’ai quand même été scotché par le communiqué de la confédération, publié le soir même du 1er octobre, intitulée « La mobilisation paie ! » : qu’on puisse écrire, à propos du 1er octobre, que la « mobilisation a forcé le Premier ministre à reconnaître l’échec de la politique économique sociale et environnementale d’Emmanuel Macron et à annoncer l’augmentation du Smic de 2 % au 1er novembre et la remise en cause d’une partie des exonérations de cotisations sociales » ou encore « l’enterrement de la violente réforme de l’assurance chômage et la relance d’une négociation » me laisse, pour le moins, perplexe…

L’augmentation du Smic était de toute façon automatique et prévue au 1er janvier. Est-ce que le fait d’avancer de deux mois cette augmentation automatique constitue une grande victoire à mettre au compte de la mobilisation ? Personnellement, j’en doute… D’autant qu’au lendemain de son discours de politique générale, Michel Barnier a annoncé que la revalorisation des retraites serait « retardée » de 6 mois…

Quant à la réforme de l’assurance chômage dont les économies attendues ont été revues à la hausse à près de 5 milliards par an, qui peut croire que le gouvernement l’a définitivement abandonnée ?

Tout cela m’inquiète d’autant plus que, si je m’étais réjoui de la clarté avec laquelle la confédération s’est exprimée sur la question des retraites, en réaffirmant nettement – y compris dans le cadre de la préparation du 1er octobre – l’abrogation de la réforme Macron, je me pose des questions à la lecture du communiqué de toutes les confédérations en date du 7 octobre intitulé « 64 ans, c’est toujours Non ! ».

L’insistance qui est mise dans la nécessité de « suspendre » la loi retraites de Macron – l’abrogation est dorénavant conditionnée à la suspension – et dans la participation « à tous les rendez-vous de concertation et de négociation sur toutes les questions de retraite » me fait dire qu’on veut tendre la main à ce gouvernement, alors qu’il est totalement illégitime et rejeté par l’immense majorité des salariés et les retraités.

Je me souviens des propos de Michel Barnier dans son discours de politique générale la semaine dernière, qui attendait des confédérations syndicales qu’elles s’engagent dans « une relation exigeante et constructive avec l’Etat. Je fais confiance aux partenaires sociaux pour s’engager dans cet esprit et négocier dès les prochaines semaines, sur l’emploi des seniors et sur notre système d’indemnisation du chômage. ».

Négocier sur l’emploi des seniors, dans quel but ? Les faire travailler plus longtemps ? Que vont en penser les travailleurs confrontés aux 170 plans sociaux qui frappent notamment l’industrie, les personnels hospitaliers, les enseignants et les agents du service publics qui sont aujourd’hui dans le viseur d’un gouvernement fragile et totalement illégitime ?

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Source: https://infos-ouvrieres.fr/2024/10/08/retraites-la-parole-a-patrice-moulun-syndicaliste/

URL de cet article: https://lherminerouge.fr/retraites-la-parole-a-patrice-moulun-syndicaliste-io-fr-8-10-24/

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