Retraites : un accord CFDT-Medef est-il dans les tuyaux ? (IO.fr-19/06/25)

Marylise Léon (CFDT) et Patrick Martin (Médef), le 17 janvier (photo AFP).

C’est le mardi 17 juin que devait prendre fin le conclave sur les retraites. Le Premier ministre François Bayrou, qui ne doit sa survie qu’à la non-censure du PS et du RN, a décidé de le prolonger pour tenter d’aboutir à un « accord ».

Par Nicole BERNARD.

Pas de « bougé » sur l’âge de départ, mais… une hausse de la CSG ?

On se souvient parfaitement que la secrétaire générale de la CFDT, Marylise Léon, a justifié son maintien dans le « conclave » avec l’argument qu’il ne fallait surtout pas renoncer à se battre, partout, pour gagner quelque chose sur l’âge de la retraite imposé par la réforme de 2023.

Un « bougé », nous a-t-elle expliqué : « Revenir sur l’âge légal de 64 ans reste un objectif pour la CFDT » (La Tribune du 30 mars).

Depuis le 11 juin, on le sait, l’âge imposé par la réforme de 2023 ne bougera pas ! Selon la représentante de la CGC : « L’âge, on n’a plus le droit d’en parler » (Le Parisien, 13 juin).

Il n’y aura donc pas de « bougé »1. Cela n’empêche pas la secrétaire générale de la CFDT de trouver que « ce nouveau cadre – le conclave – a permis de vraies discussions ».

La preuve ? La CFDT ne propose-t-elle pas une hausse de la CSG pour les retraités qui ont les plus hauts revenus (?) car « il faut trouver des hausses de financement ». L’idée de faire cotiser les employeurs n’est évidemment pas à l’ordre du jour de ces « vraies discussions ». Ni la modification de l’âge de départ !

Le dispositif « carrières longues » menacé

Il se pourrait même que des salariés partent plus tard que ce qui est prévu par la réforme Macron. C’est ainsi que le Medef, avec qui la CFDT espère trouver un accord, veut revenir sur le dispositif des « carrières longues ».

Rappelons que ce dispositif a été créé en 2003 pour que la CFDT appuie la réforme Fillon de passage à 40 années de cotisations. Le dispositif « carrières longues » a fait que des centaines de milliers de salariés qui avaient commencé à travailler tôt ont pu partir avant l’âge légal. C’est un dispositif très ardu car la comptabilisation des trimestres est beaucoup plus restrictive que pour un départ à l’âge légal (c’est ainsi, par exemple, que toutes les périodes de maladie ne sont pas comptabilisées comme des trimestres cotisés).

Le Medef veut en finir avec les carrières longues. Avec un argument massue : il n’est pas prouvé, disent les patrons, que ceux qui commencent à travailler tôt ont moins d’espérance de vie ! Comptabilité sordide qui veut bien payer des retraites mais… pas trop longtemps. Dans les assurances, cela s’appelle le « taux de rendement interne » (TRI) et consiste à « égaliser, pour un assuré, la somme des contributions acquittées et celle des pensions perçues ».

Cette comptabilité sordide, répétons-le, fait florès sous le nom, plus sophistiqué, de rapport entre la retraite et l’espérance de vie.

Le président de la Cour des comptes le confesse : « Il y a une proposition qui m’intéresse beaucoup, c’est cette idée de piloter le système au regard de l’âge qui reste après la retraite ». Rappelons que la retraite de la Sécurité sociale est calculée selon les DROITS et non selon le rapport entre cotisations versées et durée de paiement de la retraite !

Il faut dire qu’avec l’effondrement des hôpitaux, la réponse à cette question se précise !

La CFDT va-t-elle faire une croix sur le dispositif des carrières longues qu’elle avait obtenu en 2003 ? Il semble bien.

Abandon des carrières longues ? Abandon de toute revendication sur l’âge de départ ? Et tout ça pour quoi ?

Tour de passe-passe autour de la « pénibilité »

Marylise Léon nous a expliqué que « l’emploi des seniors doit être une priorité. La France reste largement en dessous de la moyenne européenne. Nous avons encore 16 points d’écart avec l’Allemagne. (…) Si la France gagnait 10 points de taux d’emploi des seniors, il y aurait 700 000 personnes de plus en emploi ». C’est quoi la priorité ? Que les « seniors » ne puissent plus partir en retraite aussi tôt ?

Pour partir plus tard, la « question centrale, c’est la pénibilité ». Et, précisément, sur cette question, le Medef accepterait des revendications syndicales ?

S’agit-il de partir plus tôt ? S’agit-il que les points enregistrés sur le compte « pénibilité » rapprochent l’âge de départ ?

« Le compte pénibilité serait centré spécifiquement sur la prévention : formation, reconversion professionnelle, passage à temps partiel », selon le Medef (Libération du 12 juin).

Pas question, donc, de partir plus tôt ! Sauf pour les salariés qui, ne pouvant plus travailler en raison des conséquences de la pénibilité, sont inaptes ou invalides et ont donc vu leur revenu amputé !

Or, précisément, la CFDT déplore le faible taux de « seniors » au travail ! Mais si la pénibilité ne permet pas de partir plus tôt, à quoi sert sa reconnaissance ?

Une amélioration pour les mères de famille ?

La CFDT demande « l’amélioration de la situation des mères de famille ». Il est sûr que leur situation est catastrophique, en particulier depuis la réforme Macron.

Il est encore plus difficile, pour les salariées, de partir avec une retraite à taux plein puisqu’il faut attendre, quand vous êtes né en 1963, 62 ans et 9 mois à condition d’avoir 170 trimestres pris en compte (42 ans et demi).

Il ne faut, évidemment, pas croire ceux qui disent (comme Marylise Léon) que la majoration de durée d’assurance ne sert plus à rien (c’est-à-dire les trimestres accordés pour la naissance de chaque enfant) ! C’est un énorme mensonge. La majoration de durée d’assurance est encore plus utile qu’avant puisqu’il est plus difficile d’atteindre les conditions du taux plein2.

Concernant la retraite des femmes, la CFDT serait satisfaite si le Medef confirmait qu’il est d’accord pour ramener à 66 ans l’âge d’annulation de la décote.

Ainsi donc, des femmes pourraient partir à taux plein à 66 ans. Oui, 66 ans ! Attention, si la décote est annulée, la retraite est quand même proratisée selon le nombre de trimestres effectivement comptabilisés.

CFDT, où est ta victoire ?

Rendre les « partenaires sociaux » gestionnaires de « l’équilibre financier » ?

Dans cette affaire, ce qui intéresse la CFDT n’est manifestement pas le respect de la volonté populaire d’abrogation de la réforme Macron. Serait-elle plus motivée par l’idée qui réunit Bayrou, le Medef et Marylise Léon d’une gestion commune des retraites ?

Ou selon les termes du Medef : « L’objectif, c’est de favoriser l’émergence d’un consensus social autour des retraites, de dépassionner le sujet et d’éviter des réformes par à-coups qui cristallisent les tensions. » (Les Échos du 11 juin).

Ce qui veut dire ? Pour le patron du Medef, « les partenaires sociaux pourraient décider chaque année du niveau de revalorisation des pensions » (Libération du 12 juin). Patrick Martin sait pourquoi il fait cette proposition. La gestion des retraites complémentaires par les « partenaires sociaux » a été marquée, récemment, par leur volonté de faire passer l’équilibre financier avant la justice sociale.

Pendant ce temps, le Medef et le gouvernement comptent bien mettre en place la capitalisation.

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Source: https://infos-ouvrieres.fr/2025/06/19/retraites-un-accord-cfdt-medef-est-il-dans-les-tuyaux/

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