Richard Ferrand nommé président du Conseil Constitutionnel à une voix près, grâce à l’abstention du RN (H.fr-19/02/25)

Au cœur du tollé qu’a soulevé cette annonce, ce mercredi 19 février, figure la position des députés RN. Ceux-ci avaient assuré ces derniers jours qu’ils prendraient leur décision après l’audition de Richard Ferrand. Ils ont finalement choisi de s’abstenir. © Lafargue Raphael/ABACA

Le fidèle d’Emmanuel Macron va présider l’institution de la rue de Montpensier. Mais sans légitimité démocratique, une majorité de parlementaires s’étant exprimés contre sa nomination. Il ne doit son salut qu’à l’extrême droite.

Par Emilio MESLET.

Dans un vote classique à la majorité absolue, il aurait été battu à plate couture. Toutefois, par la magie de la Constitution de la Ve République, Richard Ferrand peut ne pas perdre tout en ne récoltant qu’un tiers des suffrages. Même largement minoritaire, il sera donc le futur président du Conseil constitutionnel pour une durée de neuf ans, en remplacement de Laurent Fabius. Mais un président fragile et sans la moindre légitimité démocratique.

Deux tiers des voix au sein des commissions des Lois de l’Assemblée nationale et du Sénat étaient nécessaires pour bloquer cette nomination, décidée par Emmanuel Macron. Il n’a manqué qu’un seul bulletin « contre » pour que ce fidèle du chef de l’État rate la marche. Il ne doit son salut qu’à l’abstention des députés du Rassemblement national. À l’inverse de la gauche et des LR, qui ont massivement voulu empêcher Richard Ferrand d’atterrir rue de Montpensier.

« À Emmanuel Macron de régler le problème »

L’élu d’extrême droite Matthias Renault justifie ce « calcul froid » par une vision de « long terme », car « une grosse partie du programme » du RN dépend, s’il arrivait au pouvoir en 2027, de la lecture juridique de l’article 11 de la Constitution sur les référendums. « S’opposer à une nomination politique aurait conduit à l’émergence d’un profil pseudo-technique, pouvant s’opposer à l’usage de l’article 11 », explique le député dont le parti veut lancer un référendum a priori anticonstitutionnel sur l’immigration.

Question à laquelle Richard Ferrand a refusé de répondre. « Le RN, éternel allié de la survie de la Macronie », a dénoncé Mathilde Panot, présidente du groupe insoumis. Une formation lepéniste qui « a tout intérêt à affaiblir la juridiction chargée de veiller sur notre Constitution », assure le juriste Nicolas Hervieu. Certaines voix, notamment à gauche, continuent de réclamer qu’une autre personne soit nommée. « Il y a un problème de légitimité et d’assise qui va se poser, tacle la sénatrice socialiste Marie-Pierre de La Gontrie. À Emmanuel Macron de faire en sorte de le régler. »

Lors de ses auditions, mercredi, devant l’Assemblée nationale puis le Sénat, Richard Ferrand s’est pourtant posé en garant des institutions, conscient « des doutes qui surgiraient » après qu’Emmanuel Macron a proposé son nom. Il n’a pas été épargné par les questions des parlementaires. « Comprenez que vous pouvez être un candidat en mission présidentielle plutôt qu’un candidat garant des institutions », lui a lancé la députée écologiste Sandrine Rousseau.

Avant que son homologue communiste Elsa Faucillon appuie sur la faiblesse de la candidature : « Rien que le fait de vous être dit favorable à un troisième mandat d’Emmanuel Macron crée un doute important chez nos concitoyens. Dans la crise de régime que nous traversons, nous ne pouvons pas nous le permettre. »

Des compétences juridiques des plus modestes

En diète médiatique depuis l’annonce de sa nomination, Richard Ferrand avait affûté ses contre-arguments. Sans convaincre. « La loyauté primordiale à la Constitution l’emporte sur toute autre forme de reconnaissance », a-t-il assuré, faisant sien le « devoir d’ingratitude » vis-à-vis de l’Élysée qu’avait formulé Robert Badinter lors de sa nomination.

L’ancien président de l’Assemblée nationale (2018-2022) se dit « prêt » à se « dépouiller de (ses) habits militants » : « Avoir partagé des engagements ne crée pas nécessairement des liens de vassalité. Je n’ai, en garantie à vous offrir, que mon passé politique, qui est le meilleur témoin de cette indépendance d’esprit. » Une tirade osée venue de celui qui, en juin 2023, disait que la limitation à deux mandats présidentiels était « antidémocratique », affichant en creux sa volonté de voir Emmanuel Macron rempiler après 2027. « Je n’ai jamais affirmé cela », balaie-t-il désormais.

« Pouvez-vous nous en dire un peu plus sur votre formation juridique et ces fameuses deux années de droit dont on entend parler », l’a interrogé le député LR Olivier Marleix, mettant en doute ses compétences. Malgré ses dix ans passés au Palais Bourbon d’où il dit tirer une « expérience de la production des lois » et « de la nécessité de la séparation des pouvoirs », Richard Ferrand a convenu ne pas être « un spécialiste du droit, mais un serviteur de la République ».

Affirmation difficile à répéter lorsque l’on doit sa nomination à l’extrême droite. Surtout lorsque le président de la République disait il y a un an à l’Humanité : « J’ai toujours considéré (…) que les textes importants ne devaient pas passer grâce à leurs voix (celles du RN, NDLR). Ce distinguo suffit à dire où j’habite. »

°°°

Source: https://www.humanite.fr/politique/conseil-constitutionnel/richard-ferrand-nomme-president-du-conseil-constitutionnel-a-une-voix-pres-grace-a-labstention-du-rn

URL de cet article: https://lherminerouge.fr/richard-ferrand-nomme-president-du-conseil-constitutionnel-a-une-voix-pres-grace-a-labstention-du-rn-h-fr-19-02-25/

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *