Sale temps pour la « macronie » (IO.fr-24/09/25)

Manifestation « Bloquons tout » du 10 septembre à Toulouse. (AFP)

Les travailleurs et la jeunesse cherchent la voie de l’action efficace pour en finir, pour gagner sur leurs revendications et pas pour que se poursuive la même politique. La crise de régime est bien l’expression de la panique qui agite les sommets de l’État face à ce rejet.

Par Gabriel CARUANA .

Un récent sondage Ifop-JDD révèle que le chef de l’État chute à 17 % d’opinions favorables, son plus bas niveau depuis 2017, alors qu’il est encore à 19 mois de la fin de son mandat. Sur le même registre, le site « Les indiscrets du Figaro » (20 septembre) fait dire à Sébastien Lecornu, s’adressant à son braque hongrois qui prend ses aises à Matignon : « Si j’étais toi, je ne m’y habituerais pas. »

Du côté du parti présidentiel Renaissance, le moral n’est pas non plus au beau fixe. « Le président n’a pas intégré que c’est fini », déclarait à qui voulait bien l’entendre Gabriel Attal en marge de la réunion de rentrée de ce week-end à Arras. Mal lui a pris. Lors de son discours de clôture, de nombreuses chaises de cadres du parti macroniste sont restées vides et seuls trois ministres du gouvernement démissionnaire étaient encore dans la salle : une réponse d’Emmanuel Macron lui-même aux attaques de son ancien Premier ministre.

Ce qu’exprime la mobilisation « Bloquons tout »

La crise est profonde. Pour tenter de désamorcer la mobilisation « Bloquons tout » du 10 septembre, Emmanuel Macron avait sorti de son chapeau l’avant-veille son ministre de la guerre, fidèle de la première heure, pour constituer un nouveau gouvernement. Peine perdue, ce furent des centaines d’initiatives qui ont fleuri sur tout le territoire, des grèves, des manifestations, des blocages, avec pas moins de 500 000 manifestants recensés.

Le 18 septembre, lors de la journée d’action intersyndicale, c’est le million qui a été atteint, avec nombre de grèves significatives. Pour le moment, Sébastien Lecornu n’a pas formé son gouvernement et la signification de ces mobilisations, c’est que la classe ouvrière, la jeunesse, la population ne veulent pas d’un énième replâtrage ni de nouvelles combines pour imposer toujours les mêmes décisions tournées contre leurs droits.

Cet état d’esprit est palpable dans les milliers de pancartes irrévérencieuses confectionnées qui ciblent Macron, Lecornu, le système. À la fin d’une manifestation en province, un lycéen s’exprime depuis le camion sono des syndicats : « Ce que je voulais vous dire, c’est que la jeunesse n’en peut plus, elle n’en peut plus du macronisme. » Il est chaleureusement applaudi. « Grève, blocage, Macron dégage », c’est le mot d’ordre repris dans nombre de cortèges.

Béquilles de droite et de « gauche » au régime

La crise de régime est bien l’expression de la panique qui agite les sommets de l’État face à ce rejet grandissant – et agissant – du président de la République, clé de voûte des institutions de la Ve  République qui permettent, avec tous leurs artifices, de prolonger et aggraver une politique de guerre, d’austérité, de remise en cause des droits sociaux.

« Il faut sauver le soldat Macron » semble alors être la devise de faux opposants, soutiens patentés du régime, qui tentent d’ultimes manœuvres alors que la France insoumise annonce dès maintenant une censure du gouvernement.

Marine Le Pen donne une interview au Journal du dimanche le 21 septembre, avec un titre sur deux pages on ne peut plus clair : « Nous sommes les seuls à défendre la Ve  République. » La présidente du parti d’extrême droite y pose ses conditions d’une non-censure du gouvernement Lecornu. Loin d’exiger la démission de Macron, elle se contente de demander une dissolution de l’Assemblée nationale.

Le Parti socialiste, qui cherche désespérément aussi un accord de non-censure, fait corps avec Emmanuel Macron dans sa démarche de reconnaissance de l’État palestinien, bouée de sauvetage du président affaibli qui se voit contraint, par toutes les mobilisations qui ne cessent pas, à chercher à apparaître comme prenant ses distances face à l’horreur du génocide, qu’il soutient avec Marine Le Pen et d’autres, quand des millions se sont mobilisés de par le monde pour qu’il prenne fin. Et il maintient les livraisons d’armes, les relations commerciales et diplomatiques avec Israël parce que c’est l’intérêt de l’ordre mondial des grands groupes capitalistes qu’il représente. Mais pour Netanyahou et Trump, il faut soutenir sans discuter l’extermination en cours et ne concéder aucun maigre ballon d’oxygène à l’exigence de la fin du massacre, à tout ce qui pourrait être, apparaître ou être ressenti comme une concession à tous ceux qui sont révulsés par ce qui n’est plus une guerre, mais une extermination génocidaire.

Les béquilles droite et gauche ne suffiront donc pas à mettre fin à la crise de régime.

« Travaux d’Hercule »

Le gouvernement de Sébastien Lecornu n’est pas encore constitué, ce qui inquiète le journal patronal Les Échos du 22 septembre : « Ce ne sont pas tout à fait les travaux d’Hercule. Mais la difficulté de la tâche y ressemble. »

Le même journal rapporte cette réflexion d’un observateur des discussions en cours : « Si on arrive à rapprocher le Medef et la CFDT sur des points du menu du conclave, cela aiderait le Premier ministre et le PS que la CFDT bascule dans une certaine neutralité. » Faut-il rappeler que le « menu du conclave » , c’était la retraite par points et à la carte, la réforme du financement de la protection sociale, et l’introduction de la capitalisation, c’est-à-dire la fin de la Sécurité sociale de 1945 ?

Le PS a relégué aux oubliettes l’abrogation de la réforme des retraites pour lui préférer une simple « suspension » : à nouveau être élu et, une fois chose faite, faire l’inverse du mandat reçu. On préférera, et nous ne sommes pas les seuls, la proposition de la France insoumise, faite à tous par la voix de Jean-Luc Mélenchon à la Fête de l’Humanité : s’unir sur la base du programme du NFP, de tout le programme.

Aucune combinaison possible avec Macron-Lecornu !

C’est dans ce contexte que ce mercredi 24 septembre, les organisations syndicales sont reçues ensemble par le Premier ministre suite à un « ultimatum » qu’elles lui ont adressé. Le ton a bien sûr changé depuis la chute du gouvernement Barnier où toutes s’étaient prononcées à leur manière pour la « stabilité ». Mais à y regarder de plus près, on constate que c’est seulement l’abandon de la retraite à 64 ans qui figure dans les exigences communes, et pas celle de l’abrogation de la réforme. Cette revendication était pourtant portée par des millions. S’agit-il de faciliter les négociations pour une non-censure ?

Et pourquoi agiter seulement la menace « d’une nouvelle journée de grève et de manifestation » ? Rentrer à nouveau dans un chapelet de journées d’action pour construire un prétendu « rapport de force de haut niveau » dans la durée ? Et pour quel objectif ? « Engranger progressivement des avancées » ? « Gagner un budget de progrès » ? Les travailleurs ont l’expérience de ces bobards avec la non-censure par le PS (et le RN) du budget 2025 de Bayrou. Ils les ont payés de leurs salaires bloqués, des suppressions de postes, de la casse de l’école et de l’hôpital, de la poursuite de la réforme des retraites…

Ce n’est pas ce que veulent celles et ceux qui se mobilisent avec détermination ces derniers jours. Ils cherchent la voie de l’action efficace pour en finir, pour gagner sur leurs revendications et pas pour que soit poursuivie la même politique, même édulcorée. Face à ce pouvoir très affaibli, mais qui s’accroche, ils savent que leur arme, c’est bloquer, bloquer par la grève. C’est ce qu’ils ont affirmé avec puissance et détermination le 10 puis le 18 septembre : aucune combinaison possible avec Macron et Lecornu !

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Source: https://infos-ouvrieres.fr/2025/09/24/sale-temps-pour-la-macronie/

URL de cet article: https://lherminerouge.fr/sale-temps-pour-la-macronie-io-fr-24-09-25/

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