Après trois semaines d’incertitudes, l’État a officialisé ce mercredi que le sas d’accueil temporaire pour les SDF venus de Paris ne sera finalement pas installé à Bruz.
C’est l’épilogue du feuilleton mais peut-être pas de la polémique. Il y a quelques semaines, la préfecture annonçait à la ville de Bruz, 20 000 habitants au sud de Rennes, qu’elle l’avait choisie pour accueillir un sas d’hébergement temporaire pour sans-abri venus de Paris. Mais le maire, Philippe Salmon, s’émouvant de ne pas avoir été concerté, avait par ailleurs jugé les conditions indignes. La parcelle, enclavée près de la gare, est en effet polluée aux métaux lourds. L’association Aurore, chargée de gérer le lieu, avait elle aussi refusé « pour la même raison ».
Finalement, le sas d’accueil ne sera pas installé sur ce terrain, a annoncé ce mercredi la préfecture. « L’emprise foncière d’abord envisagée nécessiterait de trop lourds investissements, notamment du fait de la pollution du terrain », justifient les services de l’État en Ille-et-Vilaine. Ils rappellent en outre que ce centre s’inscrit dans un dispositif national visant à désengorger les hébergements d’urgence d’Île-de-France, aujourd’hui saturés.
Le sas installé à Montgermont pour quelques mois
En attendant le choix d’un lieu définitif, les premiers sans-abri venus de Paris seront hébergés dans un ancien hôtel Formule 1 à Montgermont, commune située cette fois au nord de la capitale bretonne. Le sas y était déjà en cours d’installation, dans l’attente que le dossier bruzois se décante. Plusieurs familles avaient été évacuées de l’hôtel, auparavant géré par le Samu social, pour permettre des travaux de remise en état. Une collégienne scolarisée à Rennes avait notamment été envoyée à Brest, comme l’avait révélé le Télégramme.
Une solution provisoire qui va donc durer… mais pour un temps seulement. La préfecture indique en effet que le centre d’accueil temporaire devra déménager après l’automne. L’association Aurore, que nous avons interrogée, prévoit d’y héberger « des femmes victimes de violences ou venant d’accoucher et qui sont sans solution d’hébergement ».
Et après cette date, quel sera le lieu définitif ? L’incertitude persiste. « Ce centre d’accueil prendra la forme d’un hébergement en structures modulaires sur un foncier appartenant à l’État, toujours sur le territoire de Rennes Métropole », explique la préfecture, sans dire encore son emplacement, ni quelle commune sera concernée.
Pas de dialogue
Le flou n’est donc que partiellement levé, après déjà trois semaines d’interrogations. Le 25 mai dernier, trois jours après l’annonce et la levée de boucliers, la préfecture expliquait qu’elle continuait d’étudier l’implantation sur le terrain de la gare de Bruz. Tout en n’excluant pas d’autres options. Depuis, c’est silence radio, malgré nos nombreuses relances. « Ce dossier, c’est de l’improvisation permanente », s’agace un acteur du monde associatif rennais.
Le premier bus acheminant des sans-abri de Paris jusqu’à la Bretagne doit arriver en début de semaine prochaine. Selon nos informations, il devrait majoritairement s’agir de familles. Des « volontaires », insiste la préfecture, alors que plusieurs associations ne cachent pas leur doute sur ce point. Toutes les trois semaines, le sas accueillera une cinquantaine de personnes, dont la situation administrative sera étudiée sur place. Elles seront ensuite réorientées dans l’un des quatre départements bretons, dans d’autres structures.
Interrogé sur le flou qui règne autour de ce dossier, Stéphane Martin, le directeur de la Fondation Abbé Pierre Bretagne, pose un regard sans concession : « Les services de l‘État se sont un peu éloignés des partenaires locaux sur ce sujet. On sent bien qu’il n’y a pas de dialogue. Les choses sont faites sans consulter les uns ou les autres. Ça pose question sur la façon dont ce projet est monté… On sera très attentif à ce qui va se passer ».
Par Quentin Ruaux et Romain Roux
URL de cet article : Sans-abri de Paris : pourquoi le projet d’accueil à Bruz est abandonné. ( LT.fr – 14/06/23 ) – L’Hermine Rouge (lherminerouge.fr)