
Les études de santé, tant générales que spécifiques aux risques professionnels, sont focalisées sur l’homme « moyen » Ainsi les tableaux des maladies professionnelles sont inadaptés car ils ont été pensés pour les secteurs des mines, de la chimie ou du BTP. Ils sont largement inadaptés à la réalité du travail féminin caractérisé par des expositions multiples de faible intensité ou de courte durée, tout au long d’un parcours professionnel, souvent discontinu. De ce fait, il existe une moindre reconnaissance et donc un défaut d’indemnisation. Les dernières données indiquent une triste réalité. Si une baisse globale de 11 % des accidents du travail est constaté entre 2001 et 2019, elle touche surtout les hommes, alors qu’une hausse de 42 % est constatée chez les femmes. Plus inquiétant encore, est la hausse de 110 % dans les secteurs à prédominance féminine. Par ailleurs, du fait de la gravité des accidents du travail touchant les femmes, ces dernières ont des durées d’arrêt de travail plus longues que les hommes. Les femmes sont également davantage touchées par les troubles musculosquelettiques. Ils constituent 88 % des maladies professionnelles et là aussi le nombre de cas est plus élevé chez les femmes, avec un indice de gravité nettement supérieur à celui des hommes. Un autre élément à prendre en compte est le fait que les femmes sont plus souvent soumises à des horaires atypiques, en particulier dans les emplois peu ou pas qualifiés. Or, au-delà du retentissement sur l’état de santé en général, cette contrainte, en particulier le travail de nuit, est un des facteurs favorisant le cancer le plus fréquent chez la femme qu’est le cancer du sein. Or ce dernier ne figure dans aucun tableau des maladies professionnelles alors qu’après une longue action en justice, le conseil d’Etat vient de reconnaître son origine professionnelle pour une aide-soignante du fait de son travail de nuit pendant de nombreuses années. La pénibilité des professions du secteur sanitaire a d’ailleurs de lourdes conséquences sur l’état de santé des 80 % de femmes qui les assurent : 20 % des infirmières et 30 % des aides-soignantes arrivent à la retraite avec un taux d’invalidité plus ou moins important. Les infirmières peuvent remercier la ministre Bachelot qui a supprimé les 5 années de bonification dont elles bénéficiaient pour pouvoir partir à la retraite dans le meilleur état de santé possible ! Longtemps restées dans l’ombre, les violences sexistes et sexuelles sont fréquentes, notamment dans les métiers de la santé. A cela s’ajoute le fait qu’il n’existe pas de tableau de maladies professionnelles pour la souffrance psychique liée au travail, plus fréquente dans les métiers occupés par des femmes. Les femmes constituent aujourd’hui 49 % de la population active, il est donc urgent de modifier radicalement notre approche de la santé au travail et de régler la focale sur les femmes qui subissent une double peine en occupant majoritairement les emplois les moins valorisés, tout en subissant une invisibilisation de l’effet sur leur santé de conditions de travail particulièrement pénibles.
Dr Christophe Prudhomme
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