Santé mentale : grande cause nationale, petite cause budgétaire (LI.fr-5/11/25)

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Par Mobina SHAMELI

En 2025, la santé mentale est devenue la « grande cause nationale » du gouvernement Barnier. Un geste symbolique, aussi solennel que creux, censé placer le bien-être psychique des Français au sommet des priorités publiques : « Déstigmatiser », « prévenir », « accompagner », « améliorer l’accès aux soins ». Les ministres se succèdent à la tribune, multipliant les promesses et les campagnes de communication. Mais dans les services de psychiatrie, dans les familles, dans les associations, la lassitude est palpable. Année après année, les gouvernements macronistes proclament leur volonté d’agir pour la santé mentale sans jamais remettre en cause les logiques d’austérité qui détruisent le système de santé à la racine. Notre article.

Santé mentale : grandes promesses ou grands abandons ?

Après avoir fait de la « protection de l’enfance » la grande cause de son second quinquennat, Emmanuel Macron a laissé derrière lui un catalogue de promesses non tenues. Sous le gouvernement Barnier, la santé mentale a été proclamée « grande cause nationale » de 2025. Une proclamation de plus, portée par des exécutifs illégitimes qui, sous la présidence d’Emmanuel Macron, confondent politique publique et communication institutionnelle. Les ministres se succèdent, les slogans changent, mais la méthode reste la même : annoncer et promettre, sans jamais traduire les paroles en actes. Jamais la santé mentale n’a été autant évoquée dans le débat public et jamais les malades n’ont été aussi seuls.

Au bout du compte, il ne demeure que des promesses creuses. La « grande cause » de 2025 sert surtout à masquer un désengagement structurel de l’État, alors même que cette « grande cause nationale » repose sur un investissement dérisoire de 1,66 € par personne. La population reste ainsi abandonnée face à la dégradation silencieuse des services publics, en particulier du soin psychique.

Selon la DREES, entre 2013 et 2023, la psychiatrie publique française a perdu entre 12 % et 21 % de ses capacités d’accueil selon les catégories : –12,1 % en psychiatrie générale et jusqu’à –21 % dans le secteur public. De son côté, la Cour des comptes a alerté sur une offre de soins psychiatriques « marquée par un recul de l’offre et un manque de ressources humaines », soulignant une organisation des soins devenue inégale, sous-dotée et de plus en plus difficile d’accès.

Pour aller plus loin : Comment Macron a détruit la psychiatrie publique en sept ans

Les grands oubliés des promesses creuses : familles et aidants

L’article « Le combat des familles » de Louise Auvitu, publié dans Le Nouvel Observateur, met en lumière le quotidien bouleversant des proches de personnes souffrant de troubles psychiques sévères : bipolarité, schizophrénie, dépression chronique, etc. Ces familles tiennent à bout de bras un système de soins défaillant, confrontées à la solitude, à la culpabilité, à la peur du regard des autres et à la nécessité de combler les manques de l’État.

Selon l’Unafam, près de 3 millions de personnes vivent avec des troubles psychiques sévères. Derrière ces chiffres, il y a aussi une réalité alarmante sur le quotidien des aidants. Plus de 5 millions de proches assurent quotidiennement le suivi et l’accompagnement. Ces aidants sont souvent la première ressource financière de leur proche (38 %), et 40 % d’entre eux déclarent être fragilisés économiquement par cette charge. Leur santé pâtit également de cette responsabilité : mauvais sommeil, anxiété et dépression huit fois plus fréquente que dans la population générale, mais leur souffrance reste trop souvent invisible, car ils privilégient celle de l’autre.

« Accompagner une personne qui a une maladie psychique, ça s’apprend », rappelle Emmanuelle Rémond, présidente de l’Unafam. Mais encore faut-il que des professionnels compétents soient là pour former et soutenir ces familles. Derrière les slogans vides de la « grande cause » : inclusion, accompagnement, prévention ; se cache trop souvent une réalité inquiétante. Le soin est reporté sur les épaules des proches, qui deviennent infirmiers, psychologues et soutiens financiers à plein temps. Les programmes de psychoéducation sont utiles, mais ne remplacent jamais un suivi médical complet. Pendant que le système les laisse à bout de forces, ces aidants continuent de se battre en silence, portant une souffrance invisible pour protéger ceux qu’ils aiment.

Le prix des restrictions budgétaires

Pendant que le gouvernement se contente de slogans sur la santé mentale, les budgets hospitaliers continuent de s’éroder. Le projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) 2026 prévoit une progression de l’ONDAM (objectif national de dépenses d’assurance maladie) pour les établissements de santé limitée à +1,6 %, un niveau historiquement bas selon les fédérations hospitalières. Entre 2018 et 2025, plus de 7 milliards d’euros de coupes ont touché les établissements de santé via la compression de la tarification à l’activité et la non-remplacement des départs à la retraite.

Les conséquences sont dramatiques. En psychiatrie, le ratio de soignants par patient chute, les psychologues du secteur public cumulent les vacations, et les infirmiers désertent les services. Les services ferment la nuit, les urgences psychiatriques débordent, et les médecins généralistes deviennent les derniers recours d’une population abandonnée.

Le drame survenu aux urgences psychiatriques de Toulouse en février 2024 illustre cette réalité. Un patient, brancardé depuis dix jours, s’est donné la mort alors qu’il attendait un lit d’hospitalisation. Cet événement tragique montre de manière brutale les effets humains du sous-financement et de la saturation du système. Au-delà des statistiques, ce sont des vies qui se jouent dans l’attente d’une prise en charge adéquate.

La prévention et l’accompagnement restent essentiels, mais ils ne compensent pas la fragilisation du service public. Derrière la rhétorique des politiques de santé mentale se dessine une logique néolibérale : individualisation des responsabilités, psychologisation de la détresse sociale et substitution du soutien collectif par des dispositifs numériques. La santé mentale se transforme en marché. Les plateformes de téléconsultation, de coaching en ligne et les applications de méditation se développent rapidement et sont présentées comme innovantes, tandis que le système public peine à répondre aux besoins réels de la population.

Des actes au lieu des slogans

À force de multiplier les « grandes causes » sans y consacrer les moyens nécessaires, le macronisme a réduit la santé publique à un simple exercice de communication. La santé mentale méritait un plan de refondation ambitieux ; elle n’a eu droit qu’à des slogans et des campagnes d’affichage. Derrière ces chiffres, c’est une France invisible et épuisée qui souffre, réclamant non pas des annonces, mais des moyens concrets pour être soignée et accompagnée dignement.

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Source: https://linsoumission.fr/2025/11/05/sante-mentale-grande-cause/

URL de cet article: https://lherminerouge.fr/sante-mentale-grande-cause-nationale-petite-cause-budgetaire-li-fr-5-11-25/

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