
Après le projet de doublement des franchises (en suspens après la mobilisation du 10 septembre), le gouvernement « démissionnaire » entend s’en prendre à nouveau au cœur de la Sécu de 1945 : le remboursement à 100 % des soins pour les maladies graves.
Par Soriane FRID.
Alors qu’ils se savaient sur le départ, les membres du gouvernement Bayrou se sont empressés de préparer le terrain à leur collègue ministre des Armées, Sébastien Lecornu.
En effet, entre le 4 et le 8 septembre, trois projets de décrets ont été présentés pour publication à la Caisse nationale d’assurance maladie (Cnam).
Le 4 septembre, le décret portant sur le doublement des franchises médicales a été soumis au conseil de la Cnam et même si le vote est négatif (seul le patronat a voté pour), ce n’est qu’un avis consultatif et le décret peut paraître.1
Le 11 septembre, c’est un décret s’attaquant aux droits des bénéficiaires de l’aide médicale d’État (AME) qui devait être présenté. Il ne l’a pas été grâce à la puissante mobilisation du 10 septembre.
En deux semaines, deux décrets s’attaquant à l’accès aux soins et à la Sécurité sociale ont été présentés. Mais ce gouvernement, qui veut qu’on arrête avec l’idée que l’assurance maladie, c’est gratuit2, n’a qu’une seule obsession : en finir avec la Sécu de 1945 afin de conforter le capital.
Et pour cela, nous avons appris par voie de presse qu’un projet de décret a été déposé par les ministres Vautrin et Neuder, le 8 septembre, jour où ils passaient de ministres en activité à ministres démissionnaires.
Ce projet de décret est une attaque frontale sur ce qui vertèbre la Sécu à savoir la prise en charge à 100 % des affections longue durée (ALD).
À l’ordre du jour au conseil de la Cnam ce 23 septembre
En effet, ce décret qui doit être présenté pour avis consultatif au conseil de la Cnam, le 23 septembre, prévoit de mettre un terme au remboursement intégral (ou 100 %) dont bénéficient les assurés en ALD pour certains médicaments et pour les frais de soins médicaux opérés durant une cure, au nom du budget de guerre.
Et quand on parle des cures à la Sécu, il faut comprendre la prise en charge des soins. L’hébergement est à la charge partielle ou totale de l’assuré. Les chiffres pour calmer les ardeurs des commentateurs du dimanche. Pour les assurés dont le revenu annuel est inférieur à 14 664,38 € (soit environ 1 200 € par mois) le montant du forfait d’hébergement s’élève à 150,01 € pour l’intégralité de la cure ! Vous comprenez donc que même avec une prise en charge des soins à 100 %, il faut avoir les moyens de se loger en cure !
Les économies envisagées (90 millions d’euros pour les médicaments et 25 millions d’euros pour les frais médicaux liés aux cures) ne sont rien à côté des 80 milliards d’exonérations de cotisations sociales au profit des patrons. Une paille aussi face aux 9 milliards de fraudes aux cotisations !3
Le but est clair : il s’agit de remettre en cause les principes fondamentaux de la Sécurité Sociale de 1945.
Il faut savoir que la prise en charge des affections de longue durée est un des piliers de 1945. Même s’il n’avait pas été possible de prendre en charge les soins à 100 % pour l’ensemble des travailleurs et leur famille du fait de la pression de la mutualité, les ordonnances du 19 octobre 1945 ont mis en place l’assurance maladie de longue durée (art 32 à 44). Ce sont ces articles qui ont vu apparaître les prises en charge à 100 % et qui ont conféré un rôle majeur aux services médicaux des organismes de Sécurité Sociale.
Ce sont les ordonnances du 19 octobre 1945 qui font qu’aujourd’hui encore (du moins jusqu’au 1er octobre 2025) c’est l’état de santé de l’Assuré qui conditionne la nature des prestations.
Grâce à ces ordonnances qui ont organisé la prise en charge de la « longue maladie »4, sur avis de votre médecin traitant, le médecin-conseil du service du contrôle médical examine la demande de passage en longue maladie. Dans un contexte où c’est l’état de santé qui détermine l’ouverture des droits, rares sont les refus de prise en charge en longue maladie.
Ce passage en « longue maladie » permet aux assurés rentrant dans ce cadre de bénéficier notamment de « ° la couverture des frais de toute nature pour permettre au malade de guérir et de recouvrer sa capacité de gain » (art 35).
L’article 40 de ces ordonnances précisant : « L’assuré à qui est accordé le bénéfice des dispositions du présent chapitre ne supporte aucune participation aux frais médicaux, pharmaceutiques, d’hospitalisation et de cure. »
Une attaque inédite
Tout le monde imagine ici que le patronat, qui ne supporte en rien la Sécu, est hors de lui de voir qu’une partie des assurés échappent aux assurances privées car sont pris en charge à 100 %.
Les attaques pour remettre en cause les ALD ont été nombreuses mais personne jusqu’à présent n’avait osé s’attaquer frontalement à ce pilier de la Sécu de 1945.
Mais la Macronie n’hésite pas et elle a un soldat dévoué pour effectuer le sale boulot en la personne de Thomas Fatôme, haut fonctionnaire, proche d’Edouard Philippe, accessoirement directeur de la Cnam.
En effet, pour pouvoir s’attaquer aux ALD, il faut se débarrasser du service du contrôle médical. Et c’est par décret (contre la censure des députés puis du Conseil constitutionnel) que la dissolution du service médical a été actée à compter du 1er octobre 2025.
Le service médical sera sous les ordres des CPAM donc du payeur.
C’est dans ce contexte que ce gouvernement propose ce décret ! L’ultimatum posé par les confédérations syndicales ne faisant pas trop trembler Macron et Lecornu, vu que ce projet de décret est toujours dans les tuyaux comme celui sur les franchises ou l’aide médicale d’État…
Pour les stopper, il faut être à l’unisson du mot d’ordre scandé en manif : « Grève, Blocage, Macron dégage »
C’est la mobilisation de la classe à travers les mobilisations du 10 puis du 18 septembre qui a contraint le gouvernement à ne pas publier les décrets sur les franchises. Il faut maintenir la pression et discuter autant que possible de l’amplification de la mobilisation afin que cesse l’offensive contre la Sécu.
Qu’ils dégagent tous car « La Sécu, elle est à nous ! On s’est battu pour la gagner ! On va se battre pour la garder ».
Actualisation (23 septembre) : devant l’opposition des syndicats, les projets de décrets sur la remise en cause de la prise en charge des affections de longue durée (ALD) ont été retirés de l’ordre du jour du conseil de la Caisse nationale d’assurance maladie, ce 23 septembre. |
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