SFR : Patrick Drahi et sa dette abyssale font craindre un plan de licenciements géant (H.fr-23/07/25)

Les salariés redoutent de devoir payer les pots cassés d’Altice, lourdement endetté. © Laurent CERINO/REA

Tout à sa tâche de diminuer sa gigantesque dette, Altice, maison mère du deuxième opérateur français, laisse planer le doute sur l’avenir du groupe. Les syndicats craignent une vente à la découpe, avec des licenciements massifs.

Par Mathilde TEXIER.

« Le manque de visibilité est très angoissant pour les salariés. » L’inquiétude décrite par Abdelkader Choukrane, délégué syndical central Unsa chez SFR (syndicat majoritaire), provient des récentes spéculations autour d’une vente à la découpe de l’opérateur, détenu par Patrick Drahi.

Le milliardaire, connu pour son goût pour le LBO (leveraged buy-out), ou « rachat par endettement », avait mis la main sur SFR, alors propriété de Vivendi, en 2014 au prix de 13,5 milliards d’euros. Une opération financée en grande partie par de la dette. Celle d’Altice France, maison mère de SFR, s’élève actuellement à 24 milliards d’euros et fait l’objet d’une restructuration.

Le groupe avait annoncé fin février être parvenu à un accord avec ses créanciers : une réduction de 8,6 milliards d’euros de sa dette, pour la faire passer à 15,5 milliards d’euros, en échange de 45 % de son capital et d’un versement de 1,6 milliard d’euros en cash. Et en mai dernier, l’agence Bloomberg croyait savoir qu’Altice était entré en discussions avec plusieurs opérateurs pour la vente de SFR, valorisé à 30 milliards d’euros. Une vente à la découpe impliquant Orange, Bouygues et Free. Le groupe n’a ni confirmé ni infirmé ces informations.

Un climat social tendu

« L’absence de démenti de la part de notre direction nous inquiète énormément, alerte Abdelkader Choukrane. Les 5 000 emplois supprimés en 2017, suivis de 2 000 autres en 2021, sont encore dans tous les esprits. »

« Généralement, c’est l’entreprise rachetée qui subit les suppressions d’emplois. Mais pour l’ensemble des opérateurs, le rachat d’un morceau de SFR va forcément créer des doublons. Nous nous attendons donc à des plans de départ ou de licenciement dans le secteur », prévient Laurence Dalboussière, présidente de la CFE-CGC Télécoms.

D’où un climat tendu à SFR. Lors de la dernière réunion du CSE central, le 17 juillet, les élus ont refusé de rendre leur avis sur la procédure de sauvegarde accélérée. Selon Abdelkader Choukrane, Altice France aurait conclu un accord avec ses créanciers, lui permettant de vendre l’opérateur sans leur autorisation ni celle du conseil d’administration, à condition que le groupe parvienne à en tirer une valeur de 8 milliards d’euros. « Les problèmes financiers d’Altice ne devraient pas reposer sur SFR », fulmine Olivier Lelong, délégué syndical central CFDT chez SFR. D’après l’Unsa et la CFDT, le plan présenté « organise et prépare la vente ou le démantèlement de SFR ».

De son côté, Altice France affirme que « le sujet de préoccupation du moment est l’implémentation de l’accord avec les créanciers qui permettra de réduire la dette, de repousser les échéances et de diminuer les intérêts. C’est une bonne nouvelle pour l’entreprise et ses salariés et sans impact sur ces derniers ».

Une audience s’est tenue mardi 22 juillet au tribunal des activités économiques de Paris. Le procureur de la République a requis l’adoption du plan de restructuration à l’exception de trois sociétés SFR : SFR SA, SFR Fibre et Completel. Une réquisition allant dans le sens des observations du CSE central de l’opérateur.

« Si SFR sort de la procédure de sauvegarde accélérée, l’accord signé entre Altice et les créanciers tombe à l’eau », explique Abdelkader Choukrane. Une demi-victoire, car « cela ne mettrait pas en péril la vente », selon le délégué syndical. Le tribunal de commerce de Paris rendra sa décision le 4 août.

L’intervention de l’État sollicitée

Pour autant, certains syndicats ne sont pas totalement opposés, sur le principe, à une consolidation du marché des télécoms. « Le passage à trois opérateurs permettrait une hausse des prix. Ce serait une bonne nouvelle pour les salariés », détaille Jean-Luc Decaudin, délégué central FO et secrétaire du CSE central chez Bouygues.

Prudent concernant une possible vente de SFR, il dénonce « la guerre des prix engagée par SFR qui oblige les autres opérateurs à réaliser des économies, ce qui détruit indirectement les emplois ». Un constat partagé par Laurence Dalboussière. « Les prix très bas des abonnements mobiles ne représentent pas leur véritable coût. Pour les diminuer, les opérateurs sous-traitent à l’étranger », regrette cette dernière.

La CFE-CGC appelle donc une intervention de l’État dans cette possible vente, afin de forcer les opérateurs à relocaliser les emplois dans l’Hexagone. Pour Abdelkader Choukrane, c’est mal parti : « Marc Ferracci (le ministre de l’Industrie NDLR) assure dans les médias qu’il va veiller sur les consommateurs, l’investissement et la souveraineté numérique. Mais il n’a pas eu un mot pour l’emploi. »

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Source: https://www.humanite.fr/social-et-economie/altice-media/sfr-patrick-drahi-et-sa-dette-abyssale-font-craindre-un-plan-social-geant

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