
Par Florence LAMBERT.
Faute d’une mise aux normes, un collectif d’associations réclame la suspension administrative de l’usine Yara, producteur d’engrais azotés à Montoir-de-Bretagne (Loire-Atlantique). Et appelle à un rassemblement citoyen samedi 14 octobre, devant la mairie de Saint-Nazaire.
L’usine de fabrication d’engrais azotés Yara, à Montoir-de-Bretagne, près de Saint-Nazaire (Loire-Atlantique), est classée Seveso seuil haut. Elle est dans le viseur d’un collectif d’associations pour ses manquements nécessitant une mise aux normes. Elle fait aussi peur, car les riverains craignent les risques de pollution ou d’explosion.
Yara, une usine dangereuse ?
Classée Seveso seuil haut, l’usine produit 450 000 tonnes d’engrais azoté par an, destiné aux agriculteurs de l’Ouest. Pour obtenir ce produit, le site de Montoir-de-Bretagne fabrique des ammonitrates, à base de nitrate d’ammonium, agent explosif. « Même peu probable », le risque d’explosion est dans tous les esprits, notamment depuis le drame de Beyrouth, le 4 août 2020, où 2 750 tonnes de nitrate d’ammonium ont explosé, causant la mort de 200 personnes et blessant 6 500 habitants. Lors de la réunion publique du 28 septembre, le collectif des associations de riverains et environnementales dont l’active ADZRP (Association environnementale dongeoise des zones à risque et PPRT – plan de prévention des risques technologiques), résumait ainsi le danger amplifié par la proximité du terminal méthanier : « C’est simple, si ça pète, il n’y a plus rien autour sur 5 km ! »
Yara, une usine polluante ?
L’usine d’engrais rejette des polluants dans l’air et dans la Loire. En ce qui concerne l’azote et le phosphore, ses rejets dans les eaux pluviales dépassent parfois les valeurs limites : « 60 kg de phosphore à comparer aux 2 kg autorisés », indiquait le sénateur Yannick Vaugrenard, en avril, et « jusqu’à 296 kg d’azote au lieu des 175 kg réglementaires ».
Dans l’air, ce n’est pas mieux. Depuis 2020, Yara est mis en demeure de réaliser des travaux limitant ces poussières, dont l’installation d’un système de traitement des rejets atmosphériques de la tour de prilling, le dispositif qui forme les billes d’engrais.
Autre sujet d’angoisse, la salle de contrôle où arrive toute détection de problème : « Elle ne se trouve pas aux normes, eu égard aux risques toxiques et de surpression. Les salariés ne sont pas protégés », souligne l’association ADZRP. Mis en demeure, Yara a réalisé quelques travaux.
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À quand remonte la dernière pollution ?
Au 28 juillet : treize tonnes d’acide se sont déversées dans les bassins de rétention. À cette pollution s’ajoute un accident du travail. Selon la préfecture de Loire-Atlantique, « il n’y a pas eu de pollution des eaux souterraines liée à cet incident ». La Dreal (Direction régionale de l’environnement, de l’aménagement et du logement), qui avait constaté « une rupture nette de la tuyauterie », a demandé à l’exploitant de mettre en œuvre des actions correctives. La préfecture indique que les canalisations en question ont été remplacées en août. L’inspection du travail surveille la fiabilisation et la sécurisation des interventions en cas de fuite.
L’entreprise est-elle sanctionnée ?
Yara, qui emploie 170 salariés à Montoir-de-Bretagne, a beau être mis en demeure par la préfecture pour mettre en conformité ses installations, conteste les procédures. Le directeur du site, Yann Lagadeuc, affirme pourtant payer des amendes. En juin dernier, un arrêté préfectoral exigeait le paiement de 519 000 € pour des rejets atmosphériques en poussière (80 400 € en 2022). Pour les non-conformités sur les rejets d’eau, les sanctions financières s’élèvent à 49 800 € en 2022 (32 000 € en 2020 et 61 500 € en 2021). « Yara continuera à être sanctionné financièrement tant que les non-conformités persisteront », précise la préfecture. Au pénal, une instruction pour pollution est en cours. La Dreal a porté plainte contre Yara fin 2020.
Que disent les associations environnementales ?
Une pétition est en cours et un rassemblement est prévu samedi 14 octobre, à 11 h, devant la mairie de Saint-Nazaire, puis à la sous-préfecture. Pour demander à l’État de procéder à la suspension administrative de Yara, afin de l’obliger à se mettre en conformité, indique Marie-Aline Le Cler, présidente d’ADZRP. Au total, dix-huit associations et organisations réclament la suspension administrative.
Que peuvent faire les élus locaux ?
« En trois mois, il s’est produit quatre incidents et tout le monde s’en fout ! » Le maire de Montoir-de-Bretagne, Thierry Noguet, a l’impression de se battre contre des moulins à vent. Toutes les autorités reconnaissent la persistance de Yara à ne pas se mettre en conformité, y compris le ministre de la Transition écologique, Christophe Béchu. Avec les neuf autres maires de l’agglomération nazairienne (la Carène), le maire explique pourquoi ces élus ne sont pas entrés en justice contre Yara : « L’État a l’entière responsabilité de surveiller cette installation et d’appliquer les sanctions financières maximales. » Matthias Tavel, député LFI, interpellait mercredi le Ministre en ces termes : « Le statu quo n’est plus acceptable ! »
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