Sionisme : des jalons pour une histoire coloniale -2 (PRC-17/07/25)

Aux origines de la droite sioniste

En 1920, une scission traverse le mouvement sioniste, Vladimir Jabotinsky, originaire d’Odessa, fonde un mouvement qu’il appelle lui-même « révisionniste ». Pendant la guerre civile russe, il soutient le fasciste ukrainien Simon Petlioura dont les troupes ont assassiné autour de 60 000 Juifs dans des pogroms. Défait par l’Armée rouge, Petlioura se réfugie en Tchécoslovaquie. Jabotinsky va évoluer ailleurs.

Les sionistes révisionnistes sont protégés par les fascistes de Mussolini. Mussolini appelait Jabotinsky « Notre fasciste juif », et son mouvement avait une radio, installée à Civitavecchia, près de Rome.

En 1923, Jabotinsky fonde à Riga, le Betar, une organisation fasciste, qui s’entraînera militairement en Italie et se spécialisera dans les attentats contre les habitants en Palestine mandataire. Le Betar a aussi eu des accointances avec les nazis et existe toujours aujourd’hui en France, où il fait le coup de poing contre les antisionistes.

En 1931, Jabotinsky et ses amis créent l’Irgoun, organisation militaire qui souhaite concurrencer la Haganah, la milice de la gauche sioniste. Son chef, dès 1931 est le futur premier ministre Menahem Begin. Lors de la grande révolte arabe (1936 à 1939), alors que l’armée britannique et la Haganah combattent les révoltés palestiniens, l’Irgoun multiplie les attentats contre les marchés palestiniens.

En 1939, lors de la publication par les autorités britanniques du « livre blanc » qui prône l’arrêt des migrations d’Européens juifs, toutes les factions armées sionistes se révoltent. Au moment de l’invasion de la France par les troupes hitlériennes, la Haganah et l’Irgoun mettent un moratoire à leur lutte armée. Cela provoquera une scission dans l’Irgoun. Avraham Stern fonde le Lehi, aussi appelé « groupe Stern », qui organise des attentats contre les Britanniques, écrit que le sort des Juifs du ghetto de Varsovie est bien meilleur que celui de ceux qui sont en Palestine. Le « groupe Stern » approche à plusieurs reprises les nazis. Après l’exécution de Stern par les Britanniques, en 1942, le nouveau chef du Lehi est Yitzhak Shamir, lui aussi futur premier ministre de l’entité sioniste. Le Lehi sera spécialiste des attentats contre tous les services publics, entre 1945 et 1948, faisant sauter notamment, le 22 juillet 1946, l’hôpital King David. Il assassinera aussi, le 17 septembre 1948, le comte Folke Bernadotte, haut représentant de l’ONU chargé de négocier le partage de la Palestine et son adjoint le colonel Sérot. Les assassins ne seront jamais poursuivis, pire, le Lehi fera partie du premier gouvernement de Ben Gourion, en 1948, gouvernement de coalition.

Par la suite tous les gouvernements, jusqu’en 1977, seront dirigés par la gauche laïque de Ben Gourion et de ses successeurs, avec parfois l’appui des « Sionistes libéraux » (centristes) de Chaïm Weizmann.

Un changement décisif en 1967, les religieux acceptent le sionisme

Quand le sionisme apparaît, les religieux juifs y sont opposés. Le congrès fondateur du sionisme aura lieu en 1897 à Bâle et non à Munich, en raison de l’opposition quasi unanime des rabbins allemands.

Pourtant, un certain nombre de religieux vont bientôt assouplir leur position. En 1922, le parti religieux Agoudat Israël, fondé en 1912 en Pologne, crée une branche en Palestine mandataire.

S’ils ne participent pas à la guerre de 1948, les religieux se verront confier des tâches par les gouvernements travaillistes, tel le contrôle des actes de naissance et des enterrements, et la détermination de qui est autorisé à faire son aliyah[1].

Il est temps de citer de nouveau Pierre Stamboul[2] : « La conquête de la Cisjordanie en 1967, décidée par un gouvernement de gauche et réalisée par des généraux laïques va tout changer. C’est le cœur de la Terre Sainte biblique qui est désormais contrôlé par Israël. Moshé Dayan et Yitzhak Rabin font la conquête du mur des Lamentations et des milliers d’israéliens viennent y prier. Avant 1967, les sionistes religieux sont minoritaires. Après tout va changer. ».

Les travaillistes, dès 1967 lancent la colonisation de la Cisjordanie et de la Bande de Gaza. Les premiers colons seront pourtant issus du courant national-religieux, opposé à la gauche. La machine qu’elle a fabriquée commence à lui échapper. Tout est prêt pour le renversement des sionistes de gauche.

Comment expliquer le tournant de 1977 et ses conséquences ?

En 1977, pour la première fois, le Likoud, parti de droite, très réactionnaire, issu de la mouvance révisionniste du sionisme, arrive en tête des élections, capable de constituer une coalition qu’il dirige, les travaillistes, au pouvoir depuis 30 ans, en sont chassés.

Les religieux, qui autrefois n’étaient pas territorialistes, se sont ralliés au projet sioniste. Ils représentent aujourd’hui plus d’un quart de l’électorat et sont opposés à tout retrait des territoires occupés en Cisjordanie. Cette phrase si rabâchée « Dieu a donné cette terre au peuple juif » que Ben Gourion utilisait uniquement comme prétexte, les nouvelles générations l’ont, peu à peu, prise à la lettre. C’est le socle du renversement politique, passant des sionistes laïques opportunistes aux sionistes ultra réactionnaires gobant tous les poncifs auxquels les travaillistes n’ont jamais cru.

Pourtant, ce n’est pas le seul élément expliquant la chute des travaillistes en 1977, et, à plus long terme, leur quasi-disparition du paysage politique de l’entité sioniste. Les colons n’étaient pas tous religieux. On y comptait aussi des « banlieusards », habitants de la périphérie des grandes villes de l’entité sioniste. Ils ont trouvé dans les colonies des logements à bas prix et des conditions de vie bien meilleures que dans les grandes villes de l’entité sioniste.

La droite sioniste a aussi bénéficié des voix des Séfarades (Juifs berbères d’Afrique du Nord) et de Mizrahim (Juifs arabes, originaires le plus souvent d’Irak). Ils avaient vécu, de la part des Ashkénazes, un racisme et un mépris important, au point qu’on les appelait les Shvarts (noirs en yiddish). Les séfarades, plus croyants en moyenne que les Ashkénazes ont créé un parti religieux qui leur est propre, le Shas, participant à toutes les coalitions avec le Likoud.

Parmi les électeurs de la droite sioniste, on compte aussi les émigrants russes, arrivés à la fin des années 90 et dans les années 2000, dont la principale figure fut Avigdor Liebermann, autrefois ministre des Affaires étrangères. Ces gens étaient surdiplômés, souvent issus des écoles soviétiques et souvent laïques. Ils se sont sentis déclassés dans une société sioniste où n’existait qu’un embryon de protection sociale. Aussi, la colonisation est devenue essentielle pour eux. Liebermann vit dans une colonie de Cisjordanie.

Enfin, ajoutons un dernier élément, l’évolution des militaires. Ariel Sharon, militaire formé par le Palmach, l’élite de la Haganah, est entré en politique sous les couleurs du Likoud. Les anciens généraux Rafael Eitan et RehavamZeevi, issus de la gauche, ont animé des mouvements fascisants.

L’État colonial sioniste aujourd’hui

Résultat, la droite sioniste, religieuse ou pas, est aujourd’hui ultra majoritaire dans l’entité sioniste. Ne nous faisons pas d’illusion sur les oppositions à Netanyahu dont on nous rebat les oreilles. Benny Gantz, centriste, présenté comme le principal opposant à Netanyahu, a déclaré, alors qu’il était général d’active et commandant en chef de l’armée d’occupation, en juillet 2014, lors de l’opération « bordure protectrice » : « Je ramènerai Gaza à l’âge de pierre ».

Quant aux actuels manifestants, ils défendent leurs « otages » ou la Cour Suprême de l’entité sioniste, mais ne protestent surtout pas contre le génocide. Ladite cour a, rappelons-le, légalisé la détention administrative sans jugement ni chef d’inculpation, la torture (un arrêt du 29 décembre 2022 permet l’incarcération dans des cellules de 3 m²) et l’expulsion des Palestiniens de 8 villages de Cisjordanie.

Sur les divisions internes à la société sioniste et les illusions qu’elles pourraient générer, retrouvons Pierre Stamboul : « Les divisions très profondes de la société israélienne, laïques contre religieux, séfarades et mizrahim contre ashkénazes, colons contre Juifs européanisés, et russes contre tous… traversent aussi l’extrême-droite. Mais ces contradictions ne posent pas la question de la colonisation ni de la destruction de la Palestine. Elles ne représentent pas une alternative. ».

En conclusion

Les sionistes du début, majoritairement sociaux-démocrates ont créé, avec leur État colonial, une machine infernale qui leur a échappé, et n’ont rien fait pour l’empêcher. Ehud Barak, dernier premier ministre travailliste, en 2000 a pu déclarer, après une proposition refusée par Arafat d’un partage où Israël garderait Jérusalem Est et la majorité des colonies : « Nous avons fait des offres généreuses que les Palestiniens ont refusées. Nous n’avons plus de partenaires pour la paix ». On peut penser comme le militant antisioniste Michel Warschawski, que cette déclaration a fait basculer définitivement la majorité de l’opinion de l’entité sioniste dans le camp de la guerre à outrance et de la colonisation. Les dirigeants travaillistes suivants ont participé aux gouvernements « centristes » de Sharon et Olmert. Quant à la présidente du Parti travailliste de 2021 à 2024, MeravMichaeli, elle a été membre du gouvernement de l’ultra réactionnaire Naftali Bennet, un colon.

La « gauche », en Israël comme dans tous les États impérialistes, ne signifie rien d’autre qu’un fer au feu du Capital. Le vrai clivage est entre celles et ceux qui veulent renverser le capitalisme, les Révolutionnaires et celles et ceux qui, d’une manière ou d’une autre, s’en accommodent. Dans l’entité sioniste, et partout dans le monde à propos de la Palestine, ce clivage est un peu particulier, il est entre sionistes et antisionistes.

Comme nous l’avons maintes fois écrit, il ne peut y avoir de compromis possible avec le sionisme, de « solution à deux États » ou de bantoustan palestinien.  Le projet sioniste et sa réalisation sont la seule et unique cause de la guerre coloniale qui dure en Palestine depuis près de 80 ans. La seule paix possible devra commencer par le démantèlement de l’État colonial sioniste.

Il faut, plus que jamais, un discours clair, anticolonialiste, antisioniste, dénonçant les acteurs, les complices de la colonisation de substitution mise en œuvre en Palestine, les complices du génocide de l’entité sioniste qui ressemble de plus en plus à celle de l’Ouest états-unien, perpétrée là aussi par des colons européens !!! Il faut une position claire, un soutien total au peuple palestinien, à sa résistance, sous toutes ses formes, des gestes de tous les jours, au combat armé. Il n’est pas possible de soutenir la lutte pour une Palestine libre sans soutenir la Résistance armée, dans toutes ses composantes et dans toutes ses actions ; sans réclamer la fin de l’État colonial d’apartheid, car son existence empêche une véritable paix. Il faut donc sortir de toutes les positions « torts partagés », dans un paysage politique marqué par la faiblesse historique à gauche de l’anticolonialisme et de l’antiimpérialisme en France.

Le Parti Révolutionnaire Communistes soutient plus que jamais les revendications fondamentales du mouvement de libération nationale palestinien : fin intégrale de l’agression militaire sioniste, droit au retour des réfugiés et formation d’un État palestinien sur le territoire de la Palestine mandataire.

L’État colonial sioniste tombera. On ne peut dire quand, mais il tombera. C’est le sens de l’histoire.

[1] L’aliyah est l’arrivée en Israël pour s’installer de futurs colons « juifs », estampillés tels par les autorités civiles et religieuses de l’entité sioniste.

[2] Pierre Stamboul : « Du projet sioniste au génocide » 2024 Acratie

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Source: https://www.sitecommunistes.org/index.php/monde/proche-et-moyen-orient/3482-sionisme-des-jalons-pour-une-histoire-coloniale-2

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