« Stabilité » avec Macron, ou la rupture ? (IO.fr-5/02/25)

Main dans la main dans un front anti-LFI, le PS et le RN sauvent Macron-Bayrou.

Par Gabriel CARUANA .

Lundi 3 février, Bayrou a donc finalement annoncé recourir au 49.3 pour faire voter le budget de l’État et celui de la Sécurité sociale. Le Premier ministre s’y est résolu, non pas la mort dans l’âme, mais avec le soulagement d’être assuré de ne pas être censuré. La raison ?

Le Parti socialiste, accompagné vraisemblablement du Rassemblement national, et avec la bénédiction des directions syndicales, s’est engagé à laisser vivre le gouvernement Bayrou et, ce faisant, à lui permettre d’appliquer sa politique réactionnaire. Cet accord de non-censure a connu une accélération ces derniers jours.

Lionel Jospin, ancien Premier ministre du Parti socialiste, champion toutes catégories de la privatisation, déclare doctement dimanche 2 février : « J’appelle, pour ce qui me concerne, les socialistes, et même l’ensemble des forces de gauche, à ne pas voter la censure (…). Il se passerait que l’administration ne serait plus dirigée, que, dans la situation financière dramatique qui est la nôtre, il n’y aurait ni budget ni loi de financement de la Sécurité sociale ».

Le but est donné : faire tenir Bayrou et Macron coûte que coûte, qu’importent le contenu du budget et la réalité des prétendues concessions.

Le PS en toute servilité

Jamais en reste de servilité, le député PS Jérôme Guedj, qui avait refusé l’investiture du Nouveau Front populaire, en rajoute une couche le lendemain 3 février dans le journal patronal Les Échos (tout un symbole) : « Je ne suis pas favorable à une censure. (…) Ce budget de la Sécurité Sociale est plus acceptable que celui de Barnier. (…) J’ai confiance dans la négociation avec les partenaires sociaux et c’est déjà une victoire que d’avoir permis qu’elle existe. (…) Si le compromis atterrit sur les 63 ans (…) il faudra reposer la question des retraites dans la perspective de la présidentielle de 2027 ». Car toute la question est bien là : faire avaler maintenant la réforme des retraites rejetée et honnie.

C’est tout le sens du conclave/concertation installé par Bayrou pour « que la réforme soit plus juste et plus acceptable ». Face à la mobilisation de millions dans la rue et dans les urnes pour l’abrogation, il faut en finir avec cette exigence et passer à la collaboration.

Il a même prévu une délégation permanente de discussion entre le gouvernement, les organisations patronales et syndicales. Est-elle mise en place ? Nous n’en savons rien, mais toujours est-il que toutes les confédérations syndicales participent la fleur au fusil à la concertation/conclave pour « une réforme plus juste et plus acceptable ».

Sophie Binet à la rescousse

Interrogée sur le sujet par BFMTV lundi 3 février, Sophie Binet, secrétaire générale de la CGT, se fond dans les pas des déclarations du Parti socialiste : « Notre objectif c’est l’abrogation. Si le compromis c’est 63 ans, c’est déjà un recul par rapport à aujourd’hui où nous sommes à 62,5 ans ». Ainsi l’abrogation n’est plus qu’un « objectif », et les 62,5 ans, une référence, apparemment indépassable. Les adhérents et militants de la CGT apprécieront…

Interrogée sur le vote de la motion de censure, Sophie Binet rajoute que le budget ne comporte « pas suffisamment de justice fiscale » mais que « la CGT n’a pas à prendre position (…), nous avons besoin de stabilité pour le pays ».

« Pas suffisamment de justice fiscale » : les salariés licenciés de chez Michelin ou de chez Auchan, de ces entreprises qui ont touché des milliards de fonds publics et versés de copieux dividendes, apprécieront… Quant à la nécessaire « stabilité », la CGT, qui n’avait pas signé la déclaration commune entre le Medef et toutes les autres confédérations syndicales au lendemain de la chute du gouvernement Barnier, les rejoint maintenant dans cette exigence. La journaliste de BFM lui fait d’ailleurs ce commentaire : « Vous dites un peu comme le PS… ». On ne saurait mieux dire…

Quelques heures après, dans l’après-midi, le bureau national du Parti socialiste a annoncé qu’il ne voterait pas la motion de censure présentée par LFI tout en assurant « qu’il restait dans l’opposition ». Qui peut croire de telles énormités ?

Et qui croit-il tromper en annonçant déposer une autre motion de censure sur les déclarations scandaleuses du Premier ministre à propos de la « submersion migratoire » ? Cette motion sera mise à l’ordre du jour on ne sait quand et tout le monde sait qu’elle ne recueillera pas de majorité à l’Assemblée nationale.

Si le PS voulait vraiment faire tomber le gouvernement Bayrou/Retailleau et sa béquille RN, il en a une occasion rêvée avec la censure du budget. Ces manœuvres, ces embrouilles, pour désespérément sauver le gouvernement sont à mille lieues de la réalité du pays.

Un rejet grandissant

À chaque sondage, les cotes de confiance du gouvernement et du président s’effondrent. 60 %, 70 % de rejet, à chaque fois les chiffres sont plus importants. Comment s’en étonner ? Leur politique connaît une « stabilité » remarquable. Le ministre de l’Éducation nationale met en place en ce moment ses opérations de carte scolaire.

Contrairement aux déclarations du PS et aux prétendus reculs, dans tous les départements, ce sont suppressions de postes, fermetures de classes, suppressions d’heures de cours et d’enseignement…

Pour ne prendre qu’un exemple relaté dans ces pages, en Haute-Loire, dès que les prévisions ont été connues, les représentants syndicaux ont alerté leurs collègues qui ont alerté les parents, les élus, la population.

Parce qu’ils refusent le conclave avec Bayrou, ils en ont tiré les conséquences pratiques : aucun « pacte de stabilité » avec le gouvernement, le syndicat c’est la défense des revendications.

Et c’est ainsi que dans les écoles, mais aussi les lycées et collèges, manifestations, rassemblements, occupations d’école, rassemblements à l’inspection académique se multiplient tels une traînée de poudre.

Dimanche matin à Yssingeaux, dans une manifestation pour défendre la classe menacée on a entendu crier à plusieurs reprises « Macron démission ». Un « comité intercommunal de défense de l’école publique » s’est constitué, avec les représentants syndicaux. Les informations circulent, chaque initiative en appelle une autre, des décisions sont prises.

LFI, force organisée pour la rupture

Et dans chacune de ces initiatives, les groupes d’action de la France insoumise, et leur députée référente Andrée Taurynia ont été présents et manifesté leur soutien. Quoi de plus naturel, quand on censure le gouvernement à l’Assemblée, on le censure aussi sur le terrain, avec la population, dans chacun de ses actes. C’est vrai pour les fermetures de classes comme dans chaque grève ou action collective, et c’est bien ce qui inquiète.

Tout faire pour empêcher cette rencontre entre ces millions qui cherchent à résister et la force politique organisée pour la rupture, la France insoumise, c’est certainement ce qui explique la fébrilité de ces derniers jours. Mais pourtant ils ne sont pas sortis d’affaire ces dirigeants syndicaux, responsables politiques du RN au PS, tous attachés à la « stabilité » du gouvernement.

Ce dimanche se tenait le deuxième tour de l’élection municipale de Villeneuve-Saint-Georges. Malgré une propagande haineuse déchaînée contre elle, la liste de la France insoumise menée par Louis Boyard réalise 1 897 voix contre 1 398 pour la liste menée par le PC en 2020. Avec 39 % des voix, la progression est de 11 points.

Voilà ce qui inquiète tous les partisans de la « stabilité » avec Macron.

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Source: https://infos-ouvrieres.fr/2025/02/05/stabilite-avec-macron-ou-la-rupture/

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