
La définition du corporatisme est une attitude qui vise à défendre exclusivement les intérêts d’une catégorie professionnelle donnée. Cette définition correspond tout à fait à l’opposition exprimée par la Conférence des doyennes et doyens de médecine, le Conseil national de l’Ordre des médecins et l’Association nationale des étudiants en médecine de France, à la réintégration anticipée dans les facultés en France des étudiants français partis faire leurs études à l’étranger. Leur communiqué commun parle d’une mesure « injuste et inéquitable » et est empreinte d’un mépris brutal évoquant des étudiants soit en situation d’échec dans le processus d’accès aux études de médecine, soit voulant se soustraire à ce parcours auquel sont soumis d’autres étudiants.
Mais qu’en est-il vraiment ? Il n’est pas acceptable de traiter de « mauvais » des étudiants confrontés à un numerus clausus imposé depuis des années et qui n’a pas vraiment disparu, avec un taux d’intégration des candidats dans la filière médecine qui est en moyenne de 17 %. La poursuite de ce malthusianisme dans la formation des médecins est une catastrophe pour les patients qui ne trouvent pas de médecin traitant, sont confrontés à des fermetures de services ou d’hôpitaux et à une explosion des dépassements d’honoraires pour avoir accès à un spécialiste. Alors traiter de « mauvais » ceux qui ont une motivation intacte et partent faire leurs études à l’étranger dans des conditions difficiles et très coûteuses est particulièrement insultant. Par ailleurs cela dénote un sentiment de supériorité mal venu qui voudrait faire croire que la formation en France est bien meilleure que dans d’autres pays européens. Ce qui n’est certainement pas le cas face au constat de conditions d’études et d’encadrement qui sont à l’origine d’un nombre de cas de souffrance psychique pouvant mener au suicide qui explose en France chez les étudiants en médecine. Comme le dit la parabole, nous sommes toujours plus sensibles aux défauts d’autrui, si infimes soient-ils, qu’à nos propres défauts, si flagrants soient-ils.
Bien entendu, il est nécessaire d’accueillir le plus rapidement possible dans les facultés françaises les étudiants partis à l’étranger qui le souhaitent. Nous avons besoin d’eux pour qu’ils puissent s’installer en France et soulager les contraintes démographiques qui pèsent négativement sur notre système de santé.
Il va falloir également faire comprendre à la corporation médicale que ses prises de positions récentes, comme celle évoquée dans cette chronique ou encore celle contre la régulation de la liberté d’installation, sont intolérables. Ce d’autant que la motivation est de pouvoir bénéficier de la situation de pénurie et est bassement matérielle car elle repose sur la logique de tout ce qui est rare est cher, ce qui permet de négocier en position de force un certain nombre d’avantages. Mais attention, car ce repli corporatiste entraîne une colère légitime de la population à l’origine d’une véritable perte de confiance dans une profession qui en bénéficiait largement jusqu’à récemment.
Dr Christophe Prudhomme
°°°
URL de cet article:https://lherminerouge.fr/stop-au-corporatisme-billet-dhumeur-du-dr-christophe-prudhomme-fb-21-07-25/