« Taxer moins et travailler plus » : avec l’adoption d’une nouvelle journée de travail gratuit, le Sénat applique à la lettre la philosophie du ministre de l’Économie (H.fr-21/11/24)

Le discours de Michel Barnier au Sénat, le 2 octobre 2024. © Vernier Jean-Bernard/JBV News/ABACAPRESS.COM

Le ministre de l’Économie Antoine Armand rejoue le refrain du « taxer moins et travailler plus » dans les colonnes du Parisien ce jeudi 21 novembre. Raccord avec cette philosophie, le Sénat à majorité de droite a adopté, mercredi 20 novembre, une mesure visant à instaurer une nouvelle journée de travail gratuit des salariés, dans le cadre du budget de la Sécurité sociale pour 2025. Un objectif commun : épargner les plus riches et les grands groupes.

Par Clémentine EVENO.

D’une main, défendre les patrons, et de l’autre, faire trimer toujours plus les travailleurs. Telle est la doctrine commune de la Macronie et de la droite. Dans le cadre du budget de la Sécurité sociale pour 2025, le ministre de l’Économie Antoine Armand défend en Une du Parisien, ce jeudi 21 novembre, « la ligne pro-business menée depuis 2017 » qui a pourtant conduit – à force de cadeaux aux plus riches (ISF, flat taxe…) et aux grands groupes – au déficit qu’il s’agit maintenant de faire payer aux salariés avec un mot d’ordre « taxer moins et travailler plus ».

« Attention à l’impôt de trop ! Les entreprises ne doivent pas être la variable d’ajustement », ose-t-il clamer alors que ses prédécesseurs n’ont cessé de multiplier les exonérations de cotisations comme les aides publiques sans condition (CICE, CIR…) pour un total de près de 200 milliards d’euros. Un sens du timing qui ressemble à une mauvaise blague : la veille, le Sénat a adopté une mesure visant à instaurer une nouvelle journée de travail gratuit des salariés, dans le cadre ce même PLFSS. Cette nouvelle règle profondément injuste a été proposée par la droite sénatoriale et adoptée à 216 voix contre 119.

Une mesure non définitive

« Nous ne faisons pas cette proposition de gaîté de cœur », mais « aujourd’hui, il nous faut trouver des moyens » pour « financer le mur du grand âge, le virage domiciliaire et la transformation de nos Ehpad », a tenté de justifier sénatrice centriste Élisabeth Doineau alors que le Sénat n’a pas repris les propositions de recettes nouvelles mises sur la table par la gauche.

Pour trouver des recettes nouvelles, il s’agit donc de faire travailler les actifs une deuxième journée « de solidarité » sans revenu supplémentaire. Soit, comme pour le lundi de Pentecôte depuis 2004, un jour travaillé pour lequel la totalité de la rémunération d’un salarié est affectée à la Sécurité sociale. En contrepartie de cette nouvelle « contribution de solidarité par le travail » – la formule trouvée par ses créateurs -, les employeurs verraient leur taux de contribution de solidarité pour l’autonomie passer de 0,3 % à 0,6 %.

La mesure n’est pas définitive à ce stade. Elle sera débattue la semaine prochaine lors d’une commission mixte paritaire réunissant députés et sénateurs, chargés de trouver un compromis sur ce texte promis au 49.3 lors de son ultime passage à l’Assemblée nationale.

« Une sacrée attaque contre le monde ouvrier »

La gauche s’est, à juste titre, indignée face à la proposition de la droite sénatoriale, fustigeant « une sacrée attaque contre le monde ouvrier » selon les termes de la sénatrice communiste Cathy Apourceau-Poly, qui a répliqué en proposant une « journée de solidarité des dividendes » pour faire contribuer les actionnaires. En vain.

Le Premier ministre Michel Barnier s’était montré « très réservé » face à cette nouvelle journée de « solidarité », Antoine Armand l’a jugé « intéressante ». Quant à son collègue chargé des Comptes publics Laurent Saint-Martin, il a estimé que la réforme ne devait pas être actée ainsi au détour d’un amendement mais lui donne tout de même son aval. « Que cela puisse être retravaillé avec les partenaires sociaux, je pense que ça peut être une bonne idée », car ce serait « hypocrite de rejeter ce débat d’un revers de main », a-t-il ajouté.

Les propos d’Antoine Armand salués par Gabriel Attal

Et le camp présidentiel ne compte pas en rester là. « Ma famille politique porte un message : ce n’est pas en matraquant les entreprises et en augmentant le coût du travail qu’on crée de l’emploi et de la croissance », martèle Antoine Armand dans Le Parisien.

« Le groupe EPR a raison d’insister : il faut aller le plus loin possible pour préserver les allègements de cotisations », insiste le ministre affichant son soutien à l’allongement de la durée du travail donc, mais aussi aux propositions macronistes sur la réforme de l’assurance chômage ou encore du transport sanitaire. « Je suis ministre de Michel Barnier et surtout j’appartiens à la famille Ensemble pour la République. Arrêtons d’avoir peur des mots : nous sommes dans une coalition. Cela signifie que des forces politiques qui ne sont pas d’accord sur tout travaillent ensemble », a-t-il ajouté.

De son côté, Gabriel Attal n’a pas manqué de réagir sur X en saluant l’interview « juste et responsable » du ministre. Avec les députés Ensemble, « nous continuons défendre la compétitivité de notre économie au service de l’emploi. Des chemins alternatifs à la hausse des charges existent. Merci au Premier ministre et au gouvernement pour leur écoute, le travail se poursuit avec eux », a-t-il assuré. Pour faire travailler plus les salariés, le « socle commun » pourrait ainsi trouver un terrain d’entente en commission mixte paritaire.

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Source: https://www.humanite.fr/politique/antoine-armand/taxer-moins-et-travailler-plus-avec-ladoption-dune-nouvelle-journee-de-travail-gratuit-le-senat-applique-a-la-lettre-la-philosophie-du-ministre-de-l

URL de cet article: https://lherminerouge.fr/taxer-moins-et-travailler-plus-avec-ladoption-dune-nouvelle-journee-de-travail-gratuit-le-senat-applique-a-la-lettre-la-philosophie-du-ministre-de-l/

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