TÉMOIGNAGE. Il y a cinquante ans, cette commune du Morbihan s’élevait contre le nucléaire (OF.fr-10/04/25)

Dominique Baudel, auteur d’un livre qui retrace la mobilisation citoyenne antinucléaire en 1975 à Erdeven. | OUEST-FRANCE

Symbole du mouvement citoyen contre le projet d’implantation d’une centrale nucléaire à Erdeven (Morbihan), la main verte restaurée sera inaugurée dimanche. Dans un livre, l’historien Dominique Baudel revient sur cette lutte pacifique, qui a réuni 15 000 personnes à Pâques 1975.

Par Loïc TISSOT.

Elle trône sur une souche d’arbre, au village de Kerouriec, à Erdeven (Morbihan). Une main verte se dresse ici fièrement, à la vue de tous passants. Là, sur cette terre sableuse où poussent les genêts, elle symbolise le mouvement citoyen de Pâques 1975. Le 30 mars, il y a 50 ans, 15 000 personnes ont manifesté pacifiquement contre le projet d’installation d’une centrale nucléaire.

« On considère que le mouvement citoyen antinucléaire est né ici », estime Alain Rivat. Du 11 au 13 avril, entre Etel et Erdeven, l’association qu’il préside, Stop Nucléaire 56 Trawalc’h, célèbre la main verte à travers des tables rondes, des témoignages, des temps d’échange. Et dimanche matin, sera inaugurée sa restauration.

Parmi les intervenants, Dominique Baudel. Le professeur d’histoire-géographie, fraîchement à la retraite, est l’auteur d’un livre à paraître. Son titre dit tout : Erdeven, une histoire de la résistance bretonne au nucléaire. Lui qui a grandi dans le pays alréen, le concède : « J’ai découvert ce mouvement citoyen tardivement, à travers la présence de la main verte. »

S’il s’est plongé pendant deux ans dans l’écriture du livre, c’est pour ne pas oublier. « En très peu de temps, deux piliers du Crin, son président Michel Le Corvec et André Daniel, membre actif, sont décédés. La mémoire vivante s’effaçait ». Crin, cela signifie Comité régional d’information sur le nucléaire. Un comité né dans un bar à Etel. À travers les témoignages qu’il a glanés auprès de ses anciens militants, dont Anie Politzer, la notion « d’information » est primordiale et donne sens à leur action.

Lors du mouvement citoyen antinucléaire, le 30 mars 1975 à Erdeven. | ARCHIVES OUEST-FRANCE

Un premier round avant Plogoff

Il faut se remettre dans le contexte de l’époque. Après le choc pétrolier, où naît aussi une conscience écologique, le gouvernement français développe le plan Messmer du tout nucléaire. « Personne ne connaissait rien à la chose. » 43 sites sont hypothétiquement concernés. Erdeven la littorale, au substrat granitique propice, est dans la liste bretonne. Lorsque l’information commence à circuler dans la presse, sur les intentions d’EDF, des hommes et des femmes vont justement aller chercher l’information.

La France doit-elle investir davantage dans sa dissuasion nucléaire pour répondre aux tensions internationales ?

Ils sont rectifieur, patron de bar, graphiste ou kiné. S’ils portent des convictions affirmées, ils ne sont pas politisés. « À travers des réunions publiques, ils apportent des éléments sur les conséquences possibles pour la santé, sur la neutralisation d’espaces naturels ». Très vite, pêcheurs et ostréiculteurs, conscients de l’impact potentiel sur leur production, se sont opposés. 1 500 personnes à Lorient, 1 500 à Vannes : « Partout, il y a une soif de savoir. On perçoit que ce n’est pas anodin. En se disant : c’est quoi ce truc-là ? »

La main verte trouve sa place à Pâques 1975 à Erdeven. | ARCHIVES OUEST-FRANCE

Dans le même temps, EDF, exécutant de la politique gouvernementale, s’adresse aux élus. « Ceux-ci ne montrent pas d’opposition manifeste. Certains y voient une opportunité. La plupart restent prudents ». La pêche locale est en déclin, l’agriculture vit le remembrement, le tourisme est à ses balbutiements. Y voient-ils un débouché économique pour le territoire ?

C’est après une visite à la centrale nucléaire de Chinon, et au vu de la contestation populaire, que les élus « sont revenus avec des doutes. Les uns après les autres, les conseils municipaux émettent des avis contre le projet ». L’opposition locale monte d’un cran et en arrive à la mobilisation du 30 mars. Puis, à un silence radio des autorités gouvernementales. Une lutte ici pacifique, qui prendra une autre tournure en 1981, à Plogoff.

À paraître, « Erdeven, une histoire de la résistance bretonne au nucléaire », de Dominique Baudel, aux éditions Fine pluie, 12 €. Pour retrouver le programme des débats, du 11 au 13 avril : https://www.stop-nucleaire56.org/

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Source: https://www.ouest-france.fr/environnement/nucleaire/temoignage-il-y-a-cinquante-ans-cette-commune-du-morbihan-selevait-contre-le-nucleaire-2b19e7d2-13b0-11f0-b074-2db8b3f45359

URL de cet article: https://lherminerouge.fr/temoignage-il-y-a-cinquante-ans-cette-commune-du-morbihan-selevait-contre-le-nucleaire-of-fr-10-04-25/

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