
Christophe Taane, le père du jeune homme tué par un tireur armé d’une kalashnikov, le 28 octobre 2023 dans le quartier de Pontanézen, à Brest (Finistère), craint qu’il n’y ait « pas assez de moyens » déployés après cette « exécution ». Et il redit son inquiétude qu’on « nous laisse tomber ».
Par Frédérique GUIZIOU
Fabio Taane avait 22 ans. Le samedi 28 octobre 2023, ce jeune artisan-peintre est mort, abattu d’une rafale de kalashnikov dans le quartier, réputé sensible, de Pontanézen, à Brest (Finistère). Le 8 novembre 2023, deux jeunes de 21 et 23 ans, suspectés d’être impliqués dans ce meurtre en bande organisée ont été placés, l’un sous contrôle judiciaire, l’autre sous statut de témoin assisté.
« Et depuis, rien ! Absolument rien n’a bougé », regrette Christophe Taane, 48 ans. Mon fils a été assassiné. Dans des conditions similaires à une exécution. À Brest, pas à Marseille. Et par des Brestois, pas des mafieux. On n’a jamais vu ça ici ! » Interrogé, le procureur de Brest, Camille Miansoni, le confirme : « Rien de nouveau sur l’affaire. »
« Pas assez de pression, de gardes à vue »
Le père du jeune homme estime qu’il n’y a « pas assez de moyens sur l’enquête » : « Quand les policiers veulent trouver quelqu’un, ils mettent le paquet, ils ne relâchent pas la pression, ils enfoncent des portes, multiplient perquisitions et gardes à vue. »
Il estime qu’il y a trop peu d’interrogatoires : « En garde à vue, quelqu’un peut finir par lâcher quelque chose. Car quelqu’un sait quelque chose mais reste silencieux. Pendant que des meurtriers se trimballent tranquillement dehors. »
Ce père de famille n’arrive pas « à se sortir de la tête » qu’il a « échoué à protéger » son fils aîné : « Fabio avait plein de projets. Il voulait prendre un appart, visiter sa grand-mère au Portugal. Il ne montrait aucune peur, aucun malaise, il avait confiance en l’avenir. »
« Peur qu’on nous laisse tomber »
Il ne supportera pas d’attendre encore longtemps : « J’ai trois autres enfants. N’importe quel parent serait fou d’inquiétude. C’est grave. Horrible. »
Le pire, pour Christophe Taane, serait que s’installe l’indifférence. Parce que le drame s’est produit à Pontanézen, ce quartier où l’on réactive régulièrement le Groupe local de traitement de la délinquance : « J’ai peur que la mort de mon fils passe à l’as, qu’on nous laisse tomber parce qu’on est de Ponta. Comme si c’était moins grave, limite normal, vu que notre quartier a une mauvaise réputation. »
Il reste convaincu que ce meurtre, qui aurait été « commis de sang-froid, un samedi soir, dans un quartier où l’on se fait pourtant contrôler en permanence », peut être résolu. Il ne cesse de penser au « guet-apens » : « Alors que tournait la Bac – des gars irréprochables, au top, lors des événements —, des tireurs avec des cagoules et des kalashnikovs ont pu se mettre en embuscade, ont su trouver mon fils. Pile là où il s’était garé par hasard, pour discuter avec ses potes. » Des copains qui auraient reçu des menaces de mort. Les dernières, juste avant les tirs, disaient « Tu es le prochain sur la liste ».
Une « histoire d’ego »
Fabio Taane a été atteint de trois balles alors qu’il se trouvait sur le siège passager, dans une voiture aux vitres teintées : « Il y a un commanditaire derrière. Qui a organisé, qui a poussé à l’acte. Peut-être était-il présent ? »
Ces questions ne lui laissent aucun répit : « Tout tourne autour d’une récente bagarre. Mon fils était un vaillant, il ne se laissait pas faire, toujours prêt à défendre les autres, confie Christophe Taane. C’est d’autant plus navrant de penser qu’il s’agit sans doute d’une histoire d’honneur, d’ego. »
« Je n’ai reçu aucun geste »
Et l’actualité aggrave sa souffrance. À la radio, il entend « Gérald Darmanin parler de « crime odieux » après la mort du jeune Thomas dans la Drôme, en soulignant les « 70 auditions » réalisées par la gendarmerie ». Puis il écoute le garde des Sceaux Éric Dupond-Moretti promettre que « les auteurs seront jugés par une cour d’assises, composée d’un jury populaire, comme le sont tous les crimes de sang ».
« Moi, je n’ai reçu aucun geste de la part du maire ou des élus, conclut Christophe Taane. Mais, moi aussi, je veux la justice pour Fabio. Je veux que ceux qui ont assassiné mon fils comparaissent aux assises. »
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