Elle est la première maman à avoir accouché dans le camion des pompiers depuis la suspension de l’activité de la maternité à Guingamp (Côtes-d’Armor). Habitant Gurunhuel, Éléonore Bourges n’a pas eu le temps d’arriver à Saint-Brieuc, Eulalie est née près de la RN 12, à Plélo.

Éléonore Bourges et Grégoire Trébosc ont accueilli Eulalie dans le camion des pompiers, à défaut d’une salle d’accouchement à Guingamp. | OUEST-FRANCE
Je savais, en montant dans le camion des pompiers, que je n’accoucherais pas à l’hôpital de Saint-Brieuc.
Habitant Gurunhuel (Côtes-d’Armor), Éléonore Bourges se préparait à accoucher de son troisième enfant à la maternité de Guingamp, où son fils aîné, Julien, est né il y a douze ans. Tout le suivi de sa grossesse, qui s’est bien passée
, se déroule à Guingamp, auprès d’une sage-femme libérale sauf pour les rendez-vous obligatoires. C’est l’équipe de la maternité qui nous a conseillé de faire ainsi, faute d’effectifs suffisants dans le service.
À 45 min de la maison, située à 20 min de Guingamp
Avec son conjoint, Grégoire Trébosc, qui sera papa pour la première fois, ils déposent le dossier d’admission le 3 avril 2023 dans le service guingampais. Puis tombe, dix jours plus tard, l’annonce de la suspension des accouchements à compter du 26 avril pour deux mois. Le couple est concerné car le terme est prévu le 3 juin 2023. Je n’y croyais pas à la fermeture, raconte la maman âgée de 37 ans. Quand Julien est né ils en parlaient déjà, mais avec tous les accouchements qu’il y a…
Ils se rapprochent de l’hôpital de Saint-Brieuc, à 45 min du domicile, contre 20 min pour Guingamp. C’était une solution plus logique pour nous.
C’est là qu’Éléonore a mis au monde sa fille Anna, âgée de 7 ans. On connaît bien le service pédiatrie, on savait par où rentrer et comment arriver, poursuit Grégoire. Mais on craignait les bouchons à Plérin
pour le jour de l’accouchement.
« À nous de nous débrouiller »
Pour transférer le dossier, c’était à nous de nous débrouiller, se souvient Éléonore. Il n’y avait pas d’informations à Saint-Brieuc ni à Guingamp, qui prévenait les mamans les plus proches du terme.
Le couple l’indique d’ailleurs : Ce n’est pas très rassurant car même les professionnels ne sont pas informés. Ça peut être stressant, pour les démarches, savoir comment ça se passe, surtout si c’est le premier enfant.
Rendez-vous est pris début mai pour l’inscription et visiter le service de Saint-Brieuc. Des groupes pour découvrir le service sont organisés pour les mamans de Guingamp, indique Éléonore. On a été très bien accueilli.
Car elle n’est pas la seule : Une cadre du service nous a dit que tous les deux jours, une femme qui devait accoucher à Guingamp va à Saint-Brieuc
, se souvient Grégoire.
Le couple doit revenir deux jours plus tard pour la visite obligatoire du huitième mois. Ça fait de la route, et il faut s’organiser pour les enfants, le travail. Si ça avait été à Guingamp, où je travaille, j’aurais pu m’absenter une heure ou deux ; là, il fallait que je pose une demi-journée de repos
», raconte Grégoire. « Heureusement, se souviennent-ils, la sage-femme a été arrangeante et a pu faire cette consultation le jour du dépôt du dossier.
Un aller-retour de gagné.
« On a de la chance d’avoir nos permis »
Puis survient la nuit du 30 au 31 mai 2023 et les premières contractions. Grégoire se souvient très bien car il a tout noté dans un cahier, c’est une naissance pas banale
. Les futurs parents appellent à 7 h l’hôpital briochin pour prévenir de leur arrivée. Puis trois minutes plus tard pour les alerter qu’on n’allait pas arriver à temps
. Ils appellent le 15, qui envoie une équipe médicale et prévient les pompiers de Belle-Isle-en-Terre. Ces derniers arrivent à 7 h 40 et repartent à 8 h avec la maman. Il n’y avait pas de place pour moi
, raconte Grégoire, qui prend sa voiture personnelle. On a de la chance d’avoir nos permis.
L’équipe du Samu doit retrouver les pompiers au rond-point de Kernilien, près de Guingamp, ce sera finalement près d’un rond-point de la sortie la Braguette, proche de la RN12, à Plélo, que la petite Eulalie va naître à 8 h 25. Le frein à main à peine tiré, la tête arrivait déjà
, se rappelle Éléonore, qui salue les pompiers, qui ont été très rassurants
.
Réunis deux heures après la naissance
L’équipe médicale arrive quelques minutes après, puis Grégoire. J’étais à hauteur de Plérin quand un pompier m’a prévenu de faire demi-tour, que la petite était née et que tout le monde allait bien.
Une ambulance du Samu arrive à son tour pour transporter Eulalie en couveuse jusqu’à Yves-Le Foll, elle avait attrapé un peu froid. Grégoire ne pouvait pas rentrer dans le camion pour éviter les courants d’air ».
Direction Saint-Brieuc, chacun dans son véhicule. Ça a été le moment le plus stressant car Eulalie était dans une ambulance, Grégoire dans sa voiture, moi avec les pompiers. On n’a pas pu se retrouver tous les trois un moment.
Ils sont enfin réunis deux heures plus tard.
« S’il y avait eu des complications, j’aurais été énervé contre la suspension »
Heureusement, tout s’est bien passé. S’il y avait eu des complications, j’aurais été énervé contre cette suspension
, rappelle Grégoire, qui se dit aussi frustré de ne pas avoir pu assister à la naissance
de son premier enfant. C’est important pour les futures mamans d’avoir une maternité proche
, poursuit-il.
Pour la famille aussi. On a de la chance que nos proches aient le permis pour venir nous voir à Saint-Brieuc, d’autant plus que c’est plus loin pour eux qui travaillent tous à Guingamp.
Grégoire, qui a multiplié les allers-retours jusqu’à la sortie d’Éléonore et Eulalie, approuve : J’aurais trouvé dur que personne ne vienne à la maternité ou que, moi-même, je ne puisse pas venir.
Au final, tout s’est bien déroulé pour Éléonore et Eulalie, qui va très bien
, rassure la maman. Espérons qu’il en sera de même pour les futurs parents qui se retrouvent dans la même situation.
Dans le « code des pompiers », ce type d’interventions s’appelle un « Accouchement imminent ». Dans le département, il y a eu 80 départs en 2020 ; 100 en 2021 ; 75 en 2022 et 35 depuis le 1er janvier 2023. Il n’y a pas d’augmentations significatives ni de pics particuliers dans le secteur de Guingamp »,
fait savoir le Sdis (Service départemental d’incendie et de secours) des Côtes-d’Armor, joint par téléphone.
Auteur : Pauline LAUNAY
URL de cet article : TÉMOIGNAGE. « Une naissance pas banale » : sans maternité à Guingamp, leur fille naît sur la route (OF.fr 08/06/2023) – L’Hermine Rouge (lherminerouge.fr)