
Le prix du lait payé aux producteurs laitiers est loin de suivre l’inflation. À l’appel de la FDSEA, ce mercredi 3 août 2022, remontés, une douzaine d’entre eux ont vidé les rayons du centre Leclerc de Vannes (Morbihan).
« C’est normal ! Je suis à 100 % avec eux ! » Ce client du centre Leclerc de Vannes (Morbihan) fait preuve de mansuétude en ce mercredi 3 août 2022 alors qu’une douzaine de producteurs laitiers vident méthodiquement le rayon de lait UHT. À charge, ensuite, aux employés de la grande surface de les restocker dans les réserves.
Dans le cadre d’un mouvement initié dans tout l’Hexagone par la Fédération nationale des productions de lait (FNPL) durant ce mois d’août, un relevé des prix devait être réalisé à l’appel de la section syndicale Morbihan. « C’était ce qui était prévu pour la première quinzaine du mois, avant d’aller vers d’autres modes de manifestations telles que vider les rayons, explique Marie-Andrée Luherne, présidente de la FDSEA 56. Mais, remontés, les collègues ont finalement décidé de mettre en application ce que nous avions prévu pour plus tard dans le cadre d’une montée en puissance de nos actions. »
Car la colère gronde dans les fermes laitières alors que, selon les producteurs, une brique de lait de consommation demi-écrémée est vendue en hard-discount, 0,78 centime d’euros en France contre 0,99 centime en Allemagne et 1,05 centime en Belgique. « Tous les feux sont au vert. Mais les producteurs de lait français sont les moins bien payés en Europe, et ce, malgré les nombreuses contraintes, les charges de carburant, d’aliments… en constante évolution et les efforts fournis pour produire un lait de qualité, haut de gamme », souligne Jean-Jacques Michard, responsable de la section lait à la FDSEA Morbihan.
Bloquer les usines de lait
Ciblé l’enseigne Leclerc n’est pas dû au hasard. « Michel-Edouard Leclerc se gargarise à longueur d’antenne d’être le moins cher. Mais cela se fait au détriment des agriculteurs. Ça suffit ! Bientôt, les éleveurs vont être obligés de vendre leurs vaches et, à terme, il n’y aura plus de production de lait en France. Au final, c’est aussi le consommateur qui en subira les conséquences avec une absence de traçabilité, une qualité incertaine », martèle Marie-Andrée Luherne.
Selon le syndicat, les producteurs ne toucheraient qu’entre 400 et 450 € pour 1 000 litres de lait. « Invivable ! » Dès le 1er septembre 2022, c’est donc un alignement sur les chiffres allemands qui sont réclamés, soit plus de 500 €. Une filière d’autant plus à bout que les relevés de prix dans le rayon de la grande surface n’ont fait qu’exacerber les tensions. « Selon les prix qui nous ont été révélés, la grande surface gagne 20 centimes par litre, soit 100 € par palette. Elle paye 590 € les 1 000 litres, après transformation du produit, passage entre les mains des centrales d’achat… Et nous, nous n’avons que 400 ou 450 €. Tout le monde gagne sa vie sauf nous. »
Désormais, le syndicat ne cache pas qu’en l’état, il ne sera pas possible de retenir les troupes. Ainsi, parmi les producteurs présents, circulait clairement l’idée de bloquer la vingtaine d’usines spécialisées en France qui assure la mise en bouteilles et la fabrication de briques de lait. « Au bout de quinze jours, plus aucune enseigne de la GMS n’aura de lait. Alors, peut-être qu’elles accepteront de discuter avec les producteurs… » Une situation à surveiller donc comme… le lait sur le feu.
Patrick CROGUENNEC