Traite d’êtres humains en Champagne : de 1 à 4 ans de prison pour les sous-traitants de la vendange (H.fr-21/07/25)

La dirigeante d’une société de prestations viticole, et deux hommes soupçonnés d’avoir participé au recrutement sont sur le banc des accusés. © Alexis Jumeau/ABACAPRESS.COM

Une société de prestation de service avait embauché 57 travailleurs étrangers pour les vendanges sans leur verser de salaire et en les hébergeant dans des conditions indignes. Trois personnes ont été condamnées à de la prison ferme ce lundi 21 juillet par le tribunal de Châlons-en-Champagne.

Par Marie TOULGOAT.

Coupable de traite d’être humain. C’est le verdict que le tribunal de Châlons-en-Champagne a prononcé ce 21 juillet à l’encontre de trois personnes. L’une d’elles, responsable de la société de sous-traitance viticole Anavim, a écopé de quatre ans de prison dont deux fermes. Deux autres hommes, ses bras droits, ont été condamnés à une année de prison ferme. « Ce sont des décisions assez lourdes, on sent que le tribunal envoie un message à destination des sociétés de prestation », félicite Philippe Cothenet, secrétaire adjoint de la CGT Champagne.

Ces trois personnes et une société donneuse d’ordre avaient comparu le jeudi 19 juin, sous les yeux attentifs de plusieurs dizaines de travailleurs originaires du Sénégal, de Mauritanie ou encore de la Marne. En septembre 2023, alors que les vendanges en Champagne battaient leur plein et que promesse leur avait été faite d’un salaire de 80 euros par jour, ceux-ci ont été exposés à des conditions de travail et d’hébergement parfaitement indignes.

« On était traités comme des esclaves »

C’est un contrôle de l’inspection du travail qui avait mis au jour, à la mi-septembre 2023, l’inhumanité dont ont été victimes ces vendangeurs étrangers, découverts « dans un état de fatigue et d’abandon évident ». Sans contrat de travail ni même de déclaration préalable à l’embauche pour la majorité d’entre eux, les forçats étaient conduits dans les vignes à l’arrière de camionnettes pour y travailler plus de dix heures par jour, sous des températures caniculaires. Pour seule nourriture, ces travailleurs recevaient « un plat de riz » le soir et un « petit sandwich congelé » le midi, avait rappelé au cours de l’audience Lucien Masson, président du tribunal. Malgré leur travail acharné, aucun d’eux n’a vu l’ombre d’un centime.

L’hébergement proposé par l’employeur ne proposait pas plus de répit. Au lieu des chambres d’hôtel qui leur avaient été promises alors qu’ils grimpaient dans le bus dépêché Porte de la Chapelle à Paris pour les amener jusqu’en Marne, les travailleurs ont découvert une maison en cours de rénovation. Sur place, pas de lits mais des dizaines de matelas gonflables au sol, des installations électriques dangereuses, des sanitaires souillés donnant directement sur le lieu de vie. Pour seule cuisine, une planche de bois avait été installée en équilibre précaire sur un tas de gravats. « On avait chaud le jour et froid la nuit, on ne mangeait pas beaucoup, on était traités comme des esclaves », témoignait alors Kalulou, un travailleur originaire du Mali.

Lors de l’audience, la gérante kyrhize de la société du prestataire de services Anavim, ainsi que deux de ses hommes de main, ont déployé des efforts surhumains pour se défausser de leurs responsabilités. À en croire les deux bras droits, ils n’étaient que de simples exécutants, sensibles aux conditions de vie de travailleurs et qui n’ont d’ailleurs même pas été payés pour leur travail de recrutement des vendangeurs. Leur employeuse, pourtant propriétaire de la maison délabrée et chargée de rédiger les contrats de travail, ne s’estimait pas plus responsable devant le tribunal. « Je n’étais pas au courant », répète-t-elle pour toute défense.

Si le tribunal a reconnu coupable des individus, la société donneuse d’ordre, une coopérative viticole, n’a été condamnée qu’à 75 000 euros d’amende, son dirigeant n’étant pas poursuivi. « On a effeuillé l’arbre mais les branches ne sont pas tombées”, regrette Ghislain Bride, secrétaire adjoint de l’union départementale CGT de la Marne. Le système de sous-traitance en cascade est dysfonctionnel, il faut interdire les sociétés de prestation », assure-t-il. Premier donneurs d’ordre, les maisons de champagne propriétaires du raisin ramassé n’ont toutefois pas été inquiétées.

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Source: https://www.humanite.fr/social-et-economie/chalon-en-champagne/traite-detres-humains-en-champagne-de-1-a-4-ans-de-prison-de-prison-pour-les-sous-traitants-de-la-vendange

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