Travail dissimulé : Uber bientôt au pénal ? (H.fr-27/10/25)

Pour faire condamner Uber, les syndicats amassent des preuves du lien de subordination entre la plateforme et les travailleurs. © Mathieu Thomasset / Hans Lucas

Plus de dix ans après les premières enquêtes, un procès pour travail dissimulé contre la pionnière des plateformes de VTC devrait se tenir au tribunal correctionnel de Paris en 2026.

Pierric MARISSAL.

Foodora, Take it Easy et Deliveroo ont déjà été condamnées pour travail dissimulé, mais jusqu’ici Uber, la première et plus grosse des plateformes, ne faisait face qu’à des procédures aux prud’hommes. Le 21 octobre dernier, Me Jérôme Giusti devait, par exemple, représenter dix chauffeurs VTC indépendants, qui demandaient leur requalification en salarié à la Cour de cassation.

« C’est un vrai parcours du combattant, voilà plus de cinq ans que ces procédures ont été lancées aux prud’hommes, soupire l’avocat. Mais le procureur général suspend sine die le rendu de son avis. Je comprends alors qu’il se passe quelque chose, au pénal. » Un procès pourrait avoir lieu en 2026.

« Il faudra aller plus loin et attaquer Uber Eats »

On n’en sait toutefois guère plus de cette nouvelle procédure, le dossier n’étant pas ouvert aux requérants potentiels. Me Giusti, qui représente près de 500 chauffeurs Uber dans des procédures aux prud’hommes, entend les inviter à se constituer témoins, ou partie civile.

« Une condamnation au pénal, même si Uber fait appel, apporterait de sérieux arguments pour mes procédures au civil », glisse-t-il. Le syndicat INV, largement majoritaire chez les chauffeurs VTC, sait d’ores et déjà qu’il sera sur le banc des plaignants. « C’est une première, c’est miraculeux, et il faudra aller plus loin et attaquer Uber Eats », s’enthousiasme son secrétaire national, Brahim Ben Ali.

Des premières enquêtes contre Uber avaient été menées par l’Urssaf et l’Office central de lutte contre le travail illégal il y a dix ans. Elles avaient été mises en pause, et relancées en 2019 lors d’un vaste mouvement social des chauffeurs VTC. Depuis, silence radio. En off, des organismes de contrôle ont dit subir des pressions politiques, confirmées par la vaste enquête des Uber Files.

« Mais pourquoi la procédure se débloque maintenant, je n’en ai aucune idée », pointe Brahim Ben Ali. On ne connaît pas non plus la durée de prévention. Plus cette dernière sera large, plus la multinationale risquera gros en matière d’arriérés de cotisations.

Des centaines de dossiers aux prud’hommes

Pour cela, il va falloir prouver le délit de travail dissimulé, en démontrant que les chauffeurs sont des salariés d’Uber et non des indépendants. Le syndicat va donc s’employer à amasser des éléments de preuve de l’existence d’un lien de subordination entre la plateforme et les travailleurs. Les centaines de dossiers prud’homaux de chauffeurs en sont pleines.

Il y en aura même sûrement davantage que dans le procès Deliveroo, car le syndicat INV a invité ses chauffeurs à demander leurs données personnelles auprès de la plateforme, ce que permet le droit européen. De quoi aider à chiffrer leurs indemnités, mais aussi à obtenir des éléments de preuve.

« Par exemple, les données montrent qu’Uber contrôle les distances de freinage et la vitesse kilométrique des chauffeurs, pour vérifier qu’ils respectent bien le Code de la route. Si ça, ce n’est pas un indice de subordination ! » lance Brahim Ben Ali. Uber renâcle toujours à donner les raisons pour lesquelles elle déconnecte certains chauffeurs (c’est-à-dire leur interdit l’accès à la plateforme).

Brahim Ben Ali, sanctionné, a dû porter plainte auprès de la Cnil pour apprendre qu’Uber l’accusait d’avoir été menaçant lors d’une mobilisation devant le siège de la société. Ces données de déconnexion – pouvoir de sanction par excellence de la plateforme – seront des arguments de poids lors du procès à venir.

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Source: https://www.humanite.fr/social-et-economie/chauffeurs-vtc/travail-dissimule-uber-bientot-au-penal

URL de cet article: https://lherminerouge.fr/travail-dissimule-uber-bientot-au-penal-h-fr-27-10-25/

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