Trump, Xi & le G-2 en Corée du Sud. (SOFS – 01/11/25)

Illustration : domaine public

Pas d’accord en vue sur l’exportations des semi-conducteurs innovants. La Chine ne s’inquiète pas. Selon la tendance technologique, la Chine n’aura plus besoin des États-Unis d’ici deux à trois ans.

👁‍🗨 Trump, Xi & le G-2 en Corée du Sud

Par Pepe Escobar, le 31 octobre 2025

La Chine n’est pas inquiète. Selon les pronostics technologiques, elle n’aura plus besoin des États-Unis d’ici deux à trois ans.


La dernière version très médiatisée du G-2 a donc eu lieu et pris fin. Cette rencontre a laissé l’impression d’un apaisement temporaire de la colère tarifaire de Trump.

Naturellement, une avalanche de commentaires axés sur l’apaisement des “tensions commerciales” était à prévoir, mais ce qui a vraiment compté, en termes pratiques, c’est l’absence d’“accord” global après 1 h 40 de discussions en Corée du Sud, conclues par une poignée de main et quelques sourires.

Or, toute créature dotée d’un QI supérieur à la température ambiante savait dès le départ ce que Trump voulait obtenir de Pékin. Essentiellement trois choses :

  1. L’assouplissement des restrictions sur les exportations de terres rares, car toute l’industrie militaro-industrielle américaine, avec son cortège d’industries de haute technologie intégrées, ne saurait être “affectée” par une rupture de la chaîne d’approvisionnement, et en créer une est impossible en moins de cinq ans.
  2. La Chine devrait acheter d’énormes quantités de produits agroalimentaires américains, en particulier du soja, sous peine de voir la base électorale de Trump se révolter et de compromettre les élections de mi-mandat, voire la prochaine victoire présidentielle. Steve Bannon, l’atout toxique, a déjà officiellement annoncé que Trump briguerait un nouveau mandat.
  3. La Chine se verrait également contrainte d’acheter d’énormes quantités de pétrole américain à un prix exorbitant, tout en réduisant de manière drastique ses importations énergétiques en provenance de Russie. Moscou serait ainsi “contrainte” de revenir à la “table des négociations” à propos de l’Ukraine.

La Chine n’envisage même pas une seconde de discuter du point 3, compte tenu du rôle de l’énergie dans le partenariat stratégique global entre la Russie et la Chine.

Les concessions obtenues sur les points 1 et 2 sont toutefois plutôt mineures et assez vagues.

Le ministère chinois du Commerce a officiellement annoncé l’annulation par Washington des droits de douane de 10 % sur le fentanyl et la suspension, pour une année supplémentaire, des droits de douane réciproques de 24 % prélevés sur tous les produits chinois, y compris ceux provenant de Hong Kong et Macao, sur le principe “un pays, deux systèmes”.

Les concessions sur le soja n’ont surpris personne. Le Brésil a manqué de clairvoyance en augmentant le prix de son soja de 530 à 680 dollars la tonne. Pékin commençait à s’interroger sur l’opportunité d’acheter davantage à ses frères des BRICS, la Chine étant le premier partenaire commercial du Brésil. Pékin a donc su tirer parti de la dévaluation du dollar américain et de la récolte exceptionnelle aux États-Unis, où les agriculteurs sont prêts à accorder une remise de 10 %, pour finalement obtenir un accord avantageux, avec en prime l’apaisement des partisans nationaux du grand manitou.

Manœuvrer le “vaisseau amiral”

Au lieu de se vanter d’accords qui n’existent peut-être que dans son imagination, Trump ferait mieux de prêter attention à l’interprétation chinoise de ce G-2.

L’accent a été mis sur la coopération, l’apaisement des humeurs de Trump et le rappel d’une subtile leçon d’histoire, dans une perspective à long terme. La terminologie choisie par Xi illustre parfaitement la métaphore que la Chine affectionne :

“Face aux intempéries, aux vagues et aux défis, nous devons maintenir le cap, naviguer sur un océan complexe et faire voguer tranquillement le vaisseau amiral que sont les relations sino-américaines”.

D’autres textes ministériels chinois ont même poussé plus avant la métaphore du “vaisseau amiral” de Xi. Ils insistent sur le concept de “réussite mutuelle et prospérité commune”. Rien de nouveau de la part de la Chine. Mais la suite a été surprenante et sans équivoque :

“Le développement et la relance de la Chine ne font pas obstacle à l’objectif du président Trump de ‘rendre sa grandeur à l’Amérique’”.

Autrement dit, les dirigeants de Pékin sont désormais suffisamment confiants quant au regain de puissance de la Chine et à une “situation objective”, c’est-à-dire aux réalités de l’échiquier géopolitique et géoéconomique. Ils estiment donc que les États-Unis et la Chine ne sont pas nécessairement condamnés à une confrontation à somme nulle.

Mais comment savoir si Trump le saisit pleinement ? Ses conseillers sinophobes, en revanche, en sont loin.

Il est également crucial de replacer le G-2 en Corée du Sud dans le contexte des événements de la semaine précédente, notamment des différents sommets de l’ASEAN à Kuala Lumpur, que j’ai évoqués ici.

La nouvelle dynamique commerciale entre l’ASEAN + 3 (Chine, Japon et Corée du Sud) et le Partenariat régional économique global (RCEP), qui englobe la majeure partie de la région Asie-Pacifique, témoigne de la capacité de l’Asie de l’Est à réagir de manière concertée aux caprices tarifaires impérialistes.

Et concernant la yuanisation cruciale et progressive de la planète, Pékin a également officialisé cette semaine le renforcement des accords pétro-yuan avec les monarchies pétrolières arabes, tout en invitant tous ses frères et partenaires des BRICS à utiliser le système chinois de paiement interbancaire transfrontalier (CIPS), en d’autres termes, le yuan numérique.

Par ailleurs, Li Chenggang, vice-ministre du Commerce et représentant du commerce international de la Chine, a détaillé les répercussions des mesures de contrôle des exportations de terres rares sur le commerce extérieur chinois de produits de technologie verte.

Il a notamment souligné que ces contrôles sont avant tout motivés par les impératifs de sécurité :

“La croissance verte relève d’une philosophie de croissance (…). En résumé, garantir la sécurité est essentiel pour assurer un essor optimal qui permet de renforcer la sécurité”.

Les pays du Sud y seront sensibles. Pas forcément le Pentagone.

Pas un mot sur les semi-conducteurs ou Taïwan

Juste après le G2, Xi s’est une nouvelle fois illustré lors de la première session de la 32è réunion des dirigeants économiques de l’APEC, en proposant un plan en cinq points pour promouvoir une mondialisation économique inclusive au profit de la “communauté Asie-Pacifique” (et non “Indo-Pacifique”, un concept sans fondement) :

Xi Jinping s’est adressé directement aux pays du Sud, appelant à des “efforts conjoints” pour “préserver un système commercial multilatéral”, favoriser un “environnement économique régional ouvert”, garantir la stabilité et le bon fonctionnement des chaînes industrielles et d’approvisionnement, promouvoir la numérisation et les pratiques écologiques du commerce, et encourager “un développement inclusif et bénéfique pour tous”.

Un programme quelque peu différent de celui de Trump 2.0.

La Chine accueillera l’APEC en 2026 et les États-Unis le G20 la mêmes année. Ce G-2 en Corée du Sud marque certainement une pause symbolique, voire un temps mort. Mais personne — y compris Trump — ne sait ce qui peut lui passer par la tête.

Deux derniers points d’importance : aucune des deux parties n’a mentionné d’éventuelles concessions américaines sur le contrôle des exportations de semi-conducteurs innovants. Il n’y aura donc pas d’accord. La Chine ne s’inquiète pas. Selon les tendances technologiques, la Chine n’aura plus besoin des États-Unis d’ici deux à trois ans.

Et pas un mot sur Taïwan. Tout est possible, mais il se peut que quelqu’un ait chuchoté à l’oreille de Trump (qui ne lit pas) les propos acerbes de Zhou Bo, chercheur au sein du centre de stratégie et de sécurité internationale à l’université Tsinghua de Pékin, à ce sujet.

Il n’y aura donc ni provocation ni escalade. Du moins pour l’instant.

Source : https://ssofidelis.substack.com/p/trump-xi-and-le-g-2-en-coree-du-sud

URL de cet article : https://lherminerouge.fr/trump-xi-le-g-2-en-coree-du-sud-sofs-01-11-25/

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