Ukraine: le démantèlement de l’infrastructure anti-corruption ébranle l’UE. (Observateur Continental – 23/07/25)

23.07.2025

Kiev pourrait perdre le soutien occidental en raison de la répression des services anti-corruption. Le président ukrainien Volodymyr Zelensky démantèle l’infrastructure anti-corruption de l’Ukraine et place les forces de l’ordre sous sa coupe. L’UE se prend un uppercut ukrainien et se trouve ébranlée par le comportement de son protégé. 

Le vent tourne en Ukraine? La population se soulève? «Des manifestations éclatent alors que l’Ukraine désamorce l’agence anticorruption NABU. Selon ses opposants, cette mesure est la plus audacieuse de la série récente visant à centraliser le pouvoir autour du président», stipule The Wall Street Journal. «Le président ukrainien Volodymyr Zelensky a signé une loi visant à vider de sa substance l’agence anticorruption du pays, malgré les protestations l’exhortant à ne pas le faire et les critiques selon lesquelles cela réduirait au silence la dissidence et concentrerait le pouvoir», précise le média anglophone. 

L’Ukraine a, ainsi, connu un tournant décisif le 22 juillet lorsque le Parlement ukrainien a adopté et que le président a signé un projet de loi qui élimine de fait l’indépendance des institutions anti-corruption du pays. Le Bureau national de lutte contre la corruption d’Ukraine (NABU) est une agence chargée de lutter contre la corruption en Ukraine. Le SAP est le Bureau spécialisé du Procureur général d’Ukraine. «Le NABU et le SAP ont été créés après la révolution de Maïdan de 2014 qui a renversé un président pro-russe et a placé Kiev sur une voie occidentale», rappelle Reuters. L’UE a misé et fait croire aux habitants du bloc que l’Ukraine était sur la bonne voie de la démocratie. «Nous croyons à une Ukraine libre et souveraine qui chemine vers l’Union européenne», avait lancé la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, en février dernier. 

Sous la pression internationale, l’Ukraine a été soumise à des pressions internationales, notamment de l’Union européenne et du Fonds Monétaire International (FMI), pour mettre en place des mesures anti-corruption efficaces afin de faciliter l’aide financière et l’intégration européenne. 

Concernant le vote des députés ukrainiens en faveur d’une loi supprimant l’indépendance des instances anticorruption, Benjamin Haddad, ministre délégué chargé de l’Europe, a indiqué sur France Inter que «la France a fait part de sa préoccupation au gouvernement ukrainien». «Je partage l’avis de la Commission européenne qui a dit être vivement préoccupée par cette décision. Il n’est pas trop tard pour les Ukrainiens pour revenir en arrière», indique le ministre français, soulignant que cela ne va pas dans le sens d’une adhésion à l’Union européenne. 

La presse française et internationale est secouée par le comportement de Zelensky. «Ukraine: Zelensky promulgue la loi controversée supprimant l’indépendance des instances anticorruption», titre RFI. Pour Euronews, «Ukraine: Zelensky promulgue le démantèlement de l’indépendance des organes anticorruption en dépit des protestations»; TF1: «L’Ukraine adopte une loi qui fragilise la lutte contre la corruption, l’UE profondément inquiète»; «Zelensky défend un projet de loi privant les organismes de lutte contre la corruption de leur indépendance face aux manifestations», pour The GuardianPolitico: «Les législateurs ukrainiens votent pour saboter l’indépendance des agences anti-corruption». 

«L’UE se dit préoccupée par l’adoption par le Parlement de Kiev du projet de loi controversé», avertit Politico car «le Parlement ukrainien a voté mardi de manière décisive en faveur d’un projet de loi qui, selon ses critiques, compromet irrémédiablement l’engagement de Kiev à lutter contre la corruption et menace de faire échouer sa candidature à l’adhésion à l’UE»: «La nouvelle loi place le Bureau national anti-corruption d’Ukraine, ou NABU, et le Bureau spécial anti-corruption, ou SAP, sous la supervision du procureur général d’Ukraine, nommé politiquement par le président ukrainien Volodymyr Zelensky». 

Au début, la loi a été proposée par plusieurs législateurs du parti Serviteur du peuple de Zelensky pour modifier le code pénal ukrainien concernant les enquêtes préliminaires pendant que la loi martiale est en vigueur, mais les amendements de dernière minute ciblant les watchdogs de la corruption ou organismes de surveillance de la corruption font désormais face à une réaction nationale majeure. 

Le directeur du NABU, Semen Kryvonos, a exhorté le président Zelensky à ne pas signer la loi. «Ils ont détruit l’infrastructure anticorruption. Ce qui avait été créé en réponse à l’Euromaïdan, comme une exigence de justice et de responsabilité, a été détruit aujourd’hui», a-t-il dénoncé, rapporte la presse ukrainienne, ajoutant que les législateurs avaient voté «dans un contexte de conflits d’intérêts flagrants». «Il s’agit non seulement d’un conflit d’intérêts, mais aussi d’une menace pour l’intégration de l’Ukraine à l’UE», a-t-il martelé. 

Transparence Internationale Ukraine (Transparency International Ukraine) et plusieurs législateurs ont fait écho à ces préoccupations, qualifiant le projet de loi de menace pour les efforts de réforme déployés par l’Ukraine depuis une décennie. «Le président [ukrainien]signe le décret DL 12414. Ce décret ouvre la voie à une intervention manuelle dans les enquêtes anti-corruption, porte atteinte à l’indépendance du NABU et du SAP, et engendre des risques de pressions politiques dans les affaires impliquant de hauts fonctionnaires. Zelensky et les députés détruisent une décennie de progrès durement acquis en matière de réformes anti-corruption», a publié sur X,Transparence Internationale Ukraine.  

Le site internet  NABU a publié une liste astronomique de cas de corruptions dans la politique, la police, dans la l’armée, dans le domaine médical ect…: «D’anciens officiers du Bureau de la sécurité économique de l’Ukraine (BES) et de la police soupçonnés d’extorsion de 150.000 dollars»; «NABU et SAP ont découvert un système de corruption à grande échelle dans le secteur de la construction impliquant de hauts fonctionnaires de l’État»; «La NABU et la SAP ont découvert un détournement à grande échelle de fonds budgétaires alloués à l’achat d’équipements médicaux pour les patients atteints de cancer»; «Le NABU et le SAP ont notifié un avis de suspicion à l’actuel vice-Premier ministre ukrainien, ancien ministre du Développement des collectivités et des territoires. Il est accusé d’abus de pouvoir et d’avoir perçu des avantages indus importants pour lui-même et des tiers»; «NABU et SAP, en coopération avec le Service de sécurité d’Ukraine (SBU), ont signifié un avis de suspicion à l’assistant d’un député en exercice et au propriétaire d’une société privée dans une procédure pénale concernant le détournement de fonds du ministère de la Défense de l’Ukraine pour un montant total de plus de 552.347 d’euros». 

Zelensky, lui, annonce en justifiant la répression des services anti-corruption à cause de la Russie sur son compte X tout en se voulant rassurant: «J’ai discuté avec le directeur du NABU Semen Kryvonos, le procureur du SAP Oleksandr Klymenko, le procureur général Rouslan Kravtchenko, et le chef du Service de sécurité ukrainien (SBU) Vasyl Maliouk. Nous avons abordé divers défis. L’infrastructure anticorruption fonctionnera. Seule l’absence d’influence russe permettra de la démanteler. Et, il faut davantage de justice. Bien sûr, le NABU et le SAP fonctionneront. Et, il est important que le procureur général soit déterminé à garantir en Ukraine l’inévitabilité des sanctions contre les contrevenants. C’est ce dont l’Ukraine a vraiment besoin. Les affaires en suspens doivent faire l’objet d’une enquête. Depuis des années, des fonctionnaires ayant fui l’Ukraine vivent tranquillement à l’étranger, pour une raison ou une autre – dans des pays très agréables et sans conséquences juridiques – et ce n’est pas normal. Il n’y a aucune explication rationnelle au fait que des procédures pénales valant des milliards soient en suspens depuis des années. Et, rien n’explique pourquoi les Russes peuvent encore obtenir les informations dont ils ont besoin. L’important est de ne pas compter sur les Russes. Il est important que la punition soit inévitable et que la société en prenne conscience».  

Dans un charabia de victimisation Zelensky tente de justifier la répression des services anti-corruption. Mais, cela ne semble plus prendre, le peuple ukrainien a manifesté en masse hier à Kiev pour dénoncer les actions de Zelensky. «Manifestations après l’adoption d’une loi supprimant l’indépendance des instances anticorruption», provoquant une vague d’indignation en Ukraine, titre la presse.

Philippe Rosenthal

Source : https://www.observateur-continental.fr/?module=articles&action=view&id=7106

URL de cet article : https://lherminerouge.fr/ukraine-le-demantelement-de-linfrastructure-anti-corruption-ebranle-lue-observateur-continental-23-07-25/

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