
Un habitant de Vannes, avocat au barreau de Rennes, attaque le projet d’extension du réseau de vidéosurveillance de la Ville de Vannes devant le tribunal administratif. Ainsi que l’expérimentation de deux caméras « intelligentes ».
Raphaël Balloul est installé à Vannes depuis sept ans. Il est aussi avocat au barreau de Rennes, spécialisé dans le droit public. Mais c’est bien en tant qu’administré, et en son nom propre, que ce Vannetais a attaqué, en décembre 2021, une délibération adoptée le 11 octobre 2021 par le conseil municipal de Vannes sur son projet d’extension du réseau de vidéosurveillance. Il prévoyait l’implantation de 68 nouvelles caméras d’ici 2026, pour un montant de 1,2 million d’euros (TTC), plus 0,8 M€ consacrés « à la remise à niveau du parc existant ». À terme, dans trois ans, Vannes devrait donc être couverte par 177 caméras ce qui en fera – c’est déjà le cas – la ville bretonne la plus équipée en la matière.
« Si l’on regarde le ratio par habitant, cela en fait même l’une des villes les plus dotées en caméras de France », observe Raphaël Balloul. Ce Vannetais s’interroge sur le bien-fondé de tels investissements. « Cela donne l’impression qu’à Vannes, on a toujours besoin de filmer plus. Or, il y aura inévitablement des endroits où les caméras ne filmeront pas ce qu’il se passe. C’est une fuite en avant ».

Deux caméras « augmentées »
L’avocat estime qu’il y a une « atteinte à la vie privée » dans cette multiplication des caméras à Vannes. Les arguments juridiques qu’il déploie pour demander l’annulation de la délibération portent sur l’autorisation formelle qu’aurait dû donner, selon lui, le préfet à cette extension. Il avance aussi le peu d’informations dont ont bénéficié les élus avant de voter. La délibération portait mention, en effet, de la nécessité d’adapter le réseau « à des développements d’intelligence artificielle ». Une précision qui, à l’époque, était passée inaperçue et n’avait fait l’objet d’aucun débat.
On comprend mieux de quoi il s’agit en lisant le cahier des charges de l’appel d’offres. Il prévoit l’expérimentation de deux caméras couplées à des systèmes d’intelligence artificielle, autrement appelées des caméras « augmentées ». La première, place Gambetta, sur le port, a pour objet « l’identification des piétons, leur classification (…) en prenant en compte « la taille et la forme du corps, l’habillement, les équipements associés, les comportements (marchant, courant, debout, etc.) ». La seconde, sur le giratoire du Liziec, se concentre sur les moyens de mobilité, dans le détail (marque, modèle, couleur…).
À Vannes, on a toujours besoin de filmer plus. Or, il y aura inévitablement des endroits où les caméras ne filmeront pas ce qu’il se passe. C’est une fuite en avant.
« On manque de garde-fous »
Pour Raphaël Balloul, l’usage de telles caméras intelligentes est problématique. « Ce qui est inquiétant, c’est qu’on change d’échelle. Cela ouvre la perspective à des surveillances multipliées. On pourra toujours mettre en avant le fait que cela permettra de secourir quelqu’un qui fait un infarctus ou repérer une agression, le fait est qu’on manque de garde-fous. Le cadre légal de tels dispositifs n’existe pas et c’est bien ce que dit la Cnil ».
La Commission nationale informatique et libertés a, en effet, publié un rapport, en juillet 2022, s’alarmant des risques « d’analyses généralisées des personnes, les dispositifs automatisés offrant un champ, une systématisation et une précision d’analyse impossible jusque-là pour un humain ».
L’avocat relève que la place Gambetta et le port sont des lieux où se déroulent des manifestations politiques, syndicales, sportives et ludiques.
La Ville de Vannes a fait savoir, par son service presse, qu’elle ne commentait pas une action de justice en cours. Devant la justice administrative, ses avocats ont démonté, point par point, les critiques formulées par le requérant et mis en avant l’efficacité des caméras dans la lutte contre la délinquance qui aurait baissé de « 57 % sur les zones vidéo protégées »
Loïc BERTHY