
C’est la 1ère année que Suzanne, partie trop il y a à peine plus d’un mois, n’était pas là… Mais tellement présente dans les têtes, dans les mots, dans tous ces drapeaux rouges semblables au sien et dans l’émotion qui parcourait la foule. Car cette fois-ci, après avoir connu des rassemblements et manifs à bien trop peu, parfois sous un beau soleil, parfois sous la pluie et même quelquefois sous la neige, cette fois-ci oui, il y avait la foule. Cette foule nous l’attendions, nous l’espérions pour ce rendez-vous devenu annuel autour du 24 octobre, jour de son arrestation en 1984, devant la prison, lui qui est enfermé depuis 40 ans, simplement pour avoir défendu sa terre, la Palestine.
Depuis tant d’années nous faisons tout pour qu’arrive enfin la vague de protestation capable de renverser une telle atteinte aux droits élémentaires. Bien sûr nous ne serons jamais trop, mais cette année il y a des milliers de personnes (les chiffres de la presse nationale, pour la 1re fois présente, annoncent autour de 2500 personnes, chiffre jamais atteint, auquel il faut rajouter celles de multiples rassemblements en France, ce qui est aussi une première). Les « anciens », ceux qui année après année, depuis 2004, se sont ajoutés à cette lutte s’embrassent émus de mesurer combien les efforts de chacun, les obstinations de chacune, permettent l’avancée de tout un combat.
L’émotion a toujours été forte ici, dans cette manif pas comme les autres… Cette année encore plus.
Forte de se retrouver devant des grilles desquelles on voudrait l’arracher et auxquelles on tape avec des pierres ramassées sur le chemin comme dans une intifada dérisoire marquant tout à la fois notre impuissance rageuse et notre message de soutien que l’on voudrait immense à cet homme enfermé pour avoir aimé son pays au point d’y donner toute une vie de combat.
Forte parce que Georges Ibrahim Abdallah, qui a fait à l’ANC l’honneur d’accepter d’être notre président, nous entend on le sait.
Les prisonniers aussi et certains à travers leurs barreaux reprennent nos slogans avec tant de force et si nombreux que nous les entendons malgré la distance.
Cris partagés, révolte commune, Palestine aux cœurs et larmes aux poings.
Il y a beaucoup de jeunes, mais qu’ils soient jeunes ou vieux, certains venant pour la 1re fois, ils sont nombreux à se presser contre les grilles et ils tapent. Dans ce moment-là, beaucoup ne disent plus rien, ne reprennent même plus les slogans, ils tapent.
Ils tapent les mâchoires serrées.
Ils tapent contre Macron, contre Netanyahu, contre la colonisation, contre l’enfermement, contre toutes les guerres du monde, contre tous les racismes…
Ils tapent comme pour dire à Georges dans un cri silencieux qui résonne si fort : « on est là ! on voudrait être encore plus près ! On voudrait te serrer dans nos bras et t’emporter loin d’ici, vers les collines et les arbres du Liban, vers la paix enfin retrouvée dans une région débarrassée du sionisme ».
Arrivés devant la prison il y aura les discours. D’abord le message que Georges chaque année, adresse aux manifestants venus de tant de villes de France et même cette année, de Belgique et d’Allemagne. C’était Suzanne qui le lisait… Cette année c’est Rita, libanaise comme Georges.
Invariablement elle se termine par ses mots : « Ensemble, ce n’est qu’ensemble que nous vaincrons. La Palestine vivra et très certainement la Palestine vaincra »… C’est toujours lui qui le premier montre le chemin de l’optimisme et de la confiance.
Puis la déclaration unitaire. On aurait dû en rester là mais d’autres tiennent absolument à dire leur mot malgré l’indifférence grandissante que suscitent ces prises de parole à répétition.
L’essentiel n’est pas là.
Il est dans la détermination des regards qui se croisent, dans les gorges nouées des soeurs de combat d’urgence Palestine Marseille, dans les sourires complices, dans les embrassades et dans les poings levés.
L’essentiel il est dans tous ces cris qui entremêlent « Palestine libre » et « combat de Georges » tant les deux sont liés.
L’essentiel il est dans le combat qui continue et qui a franchi les frontières.
A Dakar la Plateforme mondiale anti-impérialiste qui réunit des forces progressistes de plusieurs dizaines de pays dans le monde et à laquelle participe l’ANC, applaudit à tout rompre à la vidéo que nous avons envoyée depuis Lannemezan. La conférence associe, dans une même exigence mondiale de libération, Mumia Abu Jamal et Georges Ibrahim Abdallah.
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Ce soir Georges m’a appelé. Toujours aussi incroyable. Il veut écrire aux Marseillais sans doute pour les saluer après leur mobilisation… Que voulez-vous que je lui réponde ? A part de répéter « Tu es de nos luttes, nous sommes de ton combat. Georges nous continuerons de toutes nos forces ». Si je lui dis ça il va me répondre « prends soin de toi, prenez soin de vous… ».
Source : https://www.facebook.com/photo/?fbid=530617566389353&set=a.228516326599480

La Déclaration de Georges Abdallah – 26 octobre 2024 :
Cher.es camarades, Cher.es ami.es,
Des années, des très longues années, derrière les abominables murs et c’est toujours la même détermination et le même enthousiasme en écho à votre mobilisation solidaire…
Vous savoir rassemblé.es aujourd’hui, ici, face à ces barbelées et autres miradors, à quelques mètres de ma cellule me remplit de force et me réchauffe le cœur. Cependant quelle émotion, Camarades, Ami.es, de constater que pour la première fois depuis tant d’années, ce n’est pas notre infatigable Suzanne qui lit cette courte déclaration. Notre très chère Suzanne s’est éteinte, comme vous le savez, il y a quelques petites semaines. Certainement elle demeure en vie, à tout jamais dans nos cœurs et notre mémoire telle une flamme vivifiante, tout particulièrement dans de pareilles circonstances.
Cher.es camarades, Cher.es ami.es,
Votre mobilisation solidaire ne laisse personne ici indifférent, voyez-vous l’ambiance dans ces sinistres lieux, toute cette ambiance carcérale, change quand l’écho de la vie agissante vient percuter la platitude sans nom d’un quotidien carcéral mortifère… Ainsi des codétenus sociaux, découvrent comme par enchantement, ne serait-ce que pour un petit moment, la beauté et la puissance des rapports humains foncièrement désintéressés, la solidarité en dépit de tant d’années derrière les barreaux… survivants dans la misère culturelle et affective, sans réels rapports avec la société depuis de longues années pour certains, cet éveil d’enthousiasme et d’humanité ne passe pas inaperçu ; ça se lit dans les yeux et ça se voit dans ces commentaires spontanés souvent sincères mais hélas sans lendemain.
Camarades et ami.es, l’écho de vos slogans, de vos chants et de tout le reste, passe outre ces barbelés et autres miradors, il résonne dans nos têtes et nous transporte loin de ces sinistres lieux.
Cher.es camarades, Cher.es ami.es,
A l’aube de cette quarante-et-unième année de captivité, vous trouver ici, dans la diversité de votre engagement, apporte un cinglant démenti à tous ceux et celles qui misaient sur l’essoufflement de votre élan solidaire. Il met en évidence que le changement des rapports de force en faveur des protagonistes révolutionnaires incarcérés est toujours fonction de la mobilisation solidaire assumée sur le terrain de la lutte anticapitaliste/antiimpérialiste.
Ainsi peut-on dire sans la moindre hésitation que le soutien le plus significatif que l’on peut apporter à nos camarades embastillés s’inscrit d’emblée dans l’engagement réel dans la lutte en cours. Ce n’est qu’en assumant la solidarité sur ce terrain que le maintien de nos camarades en prison commence à peser plus lourd que les possibles menaces inhérentes à leur libération.
Camarades et ami.es, par ce temps de crise globale du capitalisme mondialisé et l’exacerbation de toutes ses contradictions, ce temps de guerre, de massacre à grande échelle, de répression, de fascisation, de propagande et de manipulation, de grandes luttes et de mobilisation et surtout de ce sursaut enthousiasmant de la jeunesse agissante sur fond d’une barbarie inhérente au capitalisme moribond…. pour la première fois dans l’histoire de l’humanité, des millions de personnes assistent à un génocide en cours. Depuis plus de 380 jours, les génocidaires continuent à sévir à Gaza et en Cisjordanie et maintenant ils élargissent leur champ de guerre au Liban avec le soutien actif des principales puissances impérialistes de l’occident. Cependant grâce à la résistance héroïque des masses populaires palestiniennes et leurs avant-gardes combattantes, et surtout grâce aussi à la mobilisation solidaire massive un peu partout dans le monde, la Palestine résiste et réoccupe plus que jamais, sa place sur le devant de la scène internationale.
Ceci étant, Cher.es camarades, Cher.es ami.es, peut-être serait-il utile de rappeler que la solidarité internationale active s’avère une arme indispensable dans la lutte contre la colonisation de peuplement toujours en cours en Palestine et la guerre génocidaire qui lui est intimement inhérente. C’est toujours en fonction de cette solidarité active que l’on peut participer aux changements de rapports de force ici, dans le ventre de la bête impérialiste et ailleurs dans le processus de construction du « Bloc historique », cadre global et sujet potentiel du mouvement de libération nationale palestinien.
Cher.es camarades, Cher.es ami.es,
Certes, il est urgent de tout mettre en œuvre pour contrer et arrêter la barbarie sioniste en cours à Gaza, en Cisjordanie et au Liban. Il n’en demeure pas moins qu’en dépit de cette agression génocidaire de grande envergure contre Gaza ces jours-ci, où aux dizaines et dizaines de milliers de martyrs et de blessés, s’ajoute la terrible destruction généralisée de tout l’espace habitable de Gaza, la résistance reste inébranlable, protégée et adoubée par les masses populaires palestiniennes.
Gaza ne portera jamais le drapeau blanc de la capitulation. Ni les sionistes, ni aucune autre criminelle force ne réussiront jamais à briser la volonté de la résistance à Gaza.
Honte à tous ceux et celles qui, face à la barberie sioniste génocidaire, appellent à regarder ailleurs !
Que milles initiatives fleurissent en faveur de la Palestine et sa glorieuse résistance !
Le capitalisme n’est plus que barbarie, honneur à tous ceux et celles qui s’y opposent dans la diversité de leurs expressions !
Ensemble et ce n’est qu’en ensemble que nous vaincrons !
La Palestine vivra et la Palestine certainement vaincra !
A vous tous et toutes camarades et ami.es mes chaleureuses salutations révolutionnaires.
Votre camarade Georges Abdallah
Samedi 26 octobre 2024
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