Un manuscrit breton millénaire mis aux enchères, ces bibliothèques se battent pour le récupérer (OF.fr-31/05/24)

Un rare manuscrit breton datant de la fin du XIe siècle sera mis aux enchères, le mardi 11 juin, chez Christie’s, à Londres. D’ores et déjà, la bibliothèque des Champs libres de Rennes et la médiathèque de Quimper, ainsi que le Centre de recherche bretonne et celtique (CRBC) de l’université de Brest, se mobilisent pour trouver des mécènes et faire revenir à son lieu d’origine ce témoignage du riche passé monastique de la Bretagne.

Par Olivier MELENNEC.

Une course contre la montre est lancée pour rapatrier sur ses terres d’origine un manuscrit breton millénaire qui sera mis aux enchères, le mardi 11 juin, chez Christie’s, à Londres. Ce manuscrit a été produit vers l’an 1100 pour l’abbaye de femmes de Locmaria, un monastère aujourd’hui disparu qui se situait à Quimper (Finistère). Il est estimé de 300 000 à 500 000 livres sterling, soit 350 000 € à 585 000 €. C’est la copie d’un Commentaire de l’Évangile selon saint Marc dû à Bède le Vénérable, un célèbre moine et lettré anglo-saxon du Moyen Âge.

Eugenio Donadoni, spécialiste du département « manuscrits et livres anciens » chez Christie’s, est enthousiaste : « C’est extraordinaire ! Bien souvent, on trouve des feuillets, des fragments, quatre ou cinq lignes d’un texte de Bède. Là, il est complet. C’est le plus ancien exemplaire vendu aux enchères depuis les années 1960. »

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Un moyen de diffuser l’Évangile

Au Moyen Âge, les manuscrits sont les moyens de diffusion de l’Évangile. « Il y a eu beaucoup d’échanges entre la France et la Grande-Bretagne, précise Eugène Donadoni. On peut parler d’influence insulaire, avec l’Irlande, le Pays de Galles, pour les copistes. On peut très bien imaginer un moine copiste itinérant, un Gallois, ou même un Breton formé à l’étranger. »

Malik Diallo, directeur de la bibliothèque des Champs libres, à Rennes, souhaite faire revenir en Bretagne le manuscrit ancien produit pour l’abbaye de Locmaria, à Quimper. (Photo : Ouest-France)

En Bretagne, cette pièce rare intéresse tous ceux qui s’intéressent aux manuscrits anciens ayant un lien avec l’histoire de la région. D’ores et déjà, deux bibliothèques à vocation patrimoniale, la bibliothèque des Champs libres de Rennes et la médiathèque de Quimper, ainsi que le Centre de recherche bretonne et celtique (CRBC) de Brest, se mobilisent pour réunir les fonds nécessaires pour enchérir le 11 juin. « Nous pouvons réunir une partie, mais pas la totalité du financement, explique Malik Diallo, directeur de la bibliothèque des Champs libres. Nous avons donc lancé un appel au mécénat d’entreprise et au mécénat privé. »

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Le manuscrit breton mis aux enchères chez Christie’s est issu de l’une des collections de manuscrits les plus importantes et les plus complètes jamais réunies, la collection Schøyen. Il n’a rien de spectaculaire. De petit format, de la taille d’un livre de poche actuel, il comporte quatre-vingts feuillets. Il ne comporte pas d’enluminures. Mais sa valeur est indéniable.

« Nous avons peu de manuscrits de cette époque en Bretagne, souligne Malik Diallo. I l est intéressant du point de vue de l’histoire des femmes, de l’identité bretonne et des échanges culturels entre la Bretagne et les îles britanniques au Moyen Âge. » Autant de raisons qui justifieraient que ce texte ancien revienne à son lieu d’origine.

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Un manuscrit sans doute copié à Landévennec

Le texte en latin est rédigé en minuscule caroline de type irlandais. « C’est une écriture typique des manuscrits produits en Irlande, au pays de Galles et en Bretagne, indique Julien Bachelier, enseignant d’histoire médiévale au pôle universitaire de Quimper et chercheur au CRBC. Ce manuscrit a sans doute été copié par un moine de l’abbaye de Landévennec, où se trouvait l’un des plus importants ateliers d’écriture de l’époque. »

Sur la dernière page du document, il est écrit en rouge : « Lib [er] S [an] c [t] e Marie S [an] c [t] i Loci », ce qui veut dire « Livre appartenant au saint lieu de Sainte Marie ». Cette mention accrédite le fait qu’il a bien été réalisé pour l’abbaye de Locmaria, l’une des deux seules abbayes de femmes existant en Bretagne à la fin du XIe siècle, avec l’abbaye Saint-Georges de Rennes. « C’est la première mention connue de Locmaria », signale Julien Bachelier.

La rareté de ce manuscrit fait également sa valeur. « Moins d’une dizaine de manuscrits antérieurs à la première moitié du XIIe siècle sont conservés en Bretagne , précise Julien Bachelier. Ils sont détenus par les archives départementales ou les archives diocésaines. Celui-ci est rarissime. C’est le seul que l’on puisse rattacher à une abbaye de femmes. »

Au total, on connaît pour l’époque antérieure à la première moitié du XIIe siècle l’existence de 225 manuscrits bretons que détiennent bien souvent des institutions étrangères, comme la New York Public Library ou la bibliothèque Bodléienne d’Oxford. La mise en vente de manuscrit du Commentaire de l’Évangile selon saint Marc est donc une occasion unique d’enrichir le patrimoine breton.

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Source: https://www.ouest-france.fr/leditiondusoir/2024-05-31/un-manuscrit-breton-millenaire-mis-aux-encheres-ces-bibliotheques-se-battent-pour-le-recuperer-24b5700f-f811-4c18-85fc-bd9a5de0e777

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