
Par Nicole BERNARD.
Bien mal nommé « pacte de vie au travail », l’accord national interprofessionnel sur « l’emploi des seniors » dont le but, comme son nom l’indique, est d’accompagner le report de l’âge de la retraite à 64 ans n’a été signé par aucune confédération syndicale. Sachant que le gouvernement, accord ou pas accord, va réduire l’indemnisation des chômeurs âgés (cf. IO n° 803)
Signer, c’était s’associer à un tel objectif en se faisant purement et simplement la courroie de transmission de la destruction des droits sociaux qu’ont engagé, depuis le début, Macron et ses gouvernements.
Les chiffres sont là : en 2022, seuls 56,9 % des travailleurs entre 55 et 64 ans sont salariés.
On sait ce que veulent le patronat et le gouvernement : payer moins de retraites mais… payer également moins d’allocations-chômage.
La puissance du rejet de la réforme Macron a été tel que le gouvernement et le patronat n’ont pas trouvé d’organisation syndicale pour s’associer aux dispositifs d’adaptation à la réforme des retraites sous forme de reconversion professionnelle, de retraite progressive, de CDI « senior ».
Ils poursuivent leur effort à travers l’initiative de l’U2P (Union des entreprises de proximité, représentant artisans et commerçants) d’obtenir deux accords, un sur le compte épargne-temps universel (Cetu) et l’autre sur les dispositifs de reconversion professionnelle.
Certains salariés ne peuvent plus travailler compte tenu de leur état de santé. On appelle cela « l’usure professionnelle ». Les licencier et leur donner droit à l’assurance chômage ? Les patrons crient : « c’est trop cher ! »
L’U2P a trouvé la réponse : les licenciements pour inaptitude seront financés par… la Sécurité sociale. Comment ? En piquant dans la caisse des accidents du travail (AT).
Des centaines de milliers d’accidents du travail ne sont pas déclarés. Au point que la Cour des comptes considère que les dépenses correspondantes représentent de 1,2 à 2,1 milliards de frais pour l’assurance maladie.
Pillage
Les cotisations AT, consacrées, par nature, à l’indemnisation des victimes d’accident du travail seraient ainsi détournées pour servir de caisse où les employeurs puiseraient les fonds nécessaires à l’ajustement des effectifs
C’est inadmissible.
Inadmissible… Mais cela renvoie à l’accord national interprofessionnel (Ani) signé, en mai 2023, par le Medef et toutes les confédérations sur les accidents du travail et maladies professionnelles.
En effet, cet Ani répondait à une demande réitérée du patronat de donner plus d’autonomie à la gestion des accidents du travail. Et, en leur donnant plus d’autonomie, de renforcer la mainmise du patronat sur ce qui deviendrait une véritable branche.
Cet Ani, qui nous avait été présenté comme une manifestation de « démocratie sociale », ne prend-il pas sa vraie dimension au moment où le patronat veut se servir dans la caisse des accidents du travail ?
Faut-il s’étonner si, un an après, le patronat, fort de cet Ani, demande aux syndicats de signer le pillage des accidents du travail pour l’exonérer de ses obligations financières ?
Est-il alors, acceptable que, le 24 avril, les huit organisations syndicales nationales s’adressent au ministre pour demander… la transcription, dans la loi, de cet Ani ?
N’y a-t-il pas là la démonstration que cette prétendue « démocratie sociale » ne sert que le camp adverse ?
Une comptabilité sordide 167 accidents du travail sur le chantier des JO, modèle social s’il en est, puisque placé sous la houlette de son vice-président, l’ex-secrétaire général de la CGT, Bernard Thibault. 167 accidents… C’est beaucoup ! Mais, nous dit-on, on ne déplore aucun accident mortel. Et puis, voilà qu’on apprend que, sur le chantier du Grand Paris Express, il y a eu au moins 5 accidents mortels. Le chantier du Grand Paris Express et celui des JO n’ont rien à voir ? Ce sont deux chantiers totalement différents ? « Ce chantier a comme objectif d’être livré à temps pour les JO », explique le responsable de la fédération du bâtiment CGT. Ces ruses comptables ne peuvent que provoquer un grand écœurement. Manœuvres et mensonges. C’est ce qui caractérise tout ce qui touche aux accidents du travail. |
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