Une course au départ d’une porcherie : la dernière trouvaille de l’industrie porcine (reporterre- 4/01/25)

Des porcelets dans un élevage en Bretagne. – © EMMANUELLE PAYS / Hans Lucas / Hans Lucas via AFP

En Bretagne, les éleveurs de porc industriel veulent organiser une course « nature » au mois de mai. Les écologistes locaux dénoncent une opération publicitaire de greenwashing au profit d’élevages particulièrement polluants.

Par Chloé RICHARD.

Une course « nature et festive » et « qui envoie du pâté ». Dimanche 18 mai 2025, un trail un peu particulier va se dérouler le long de la rivière d’Étel dans le Morbihan : la course Pig & Run. Pendant 23,5 km, les participants seront invités à cavaler « responsable ». « Le parcours traverse une zone Natura 2000, un environnement naturel exceptionnel. Alors, on court, on admire… mais surtout, on respecte la nature : pas de déchets par terre, sinon gare au cochon en colère ! » disent les organisateurs, qui ne sont autres que les éleveurs de porc industriel de Bretagne, regroupés sous l’égide du Comité régional porcin (CRP).

Tout au long de la course, qui a ouvert ses inscriptions mi-décembre et a affiché complet en quelques jours à peine, les 500 participants pourront se ravitailler en cochonnailles — forcément — et les gagnants pourront remporter leur poids en viande de porc. Sans oublier que le départ et l’arrivée se feront depuis une porcherie. « C’est une façon de discuter avec les gens de notre travail, du respect de l’environnement, du bien-être animal… » a déclaré auprès du journal local Le Télégramme Lydia Le Clère, éleveuse à Kerfourn et chargée de la communication pour le CRP. « Nous avons la légitimité pour en parler », a-t-elle ajouté.

« Cet événement est totalement décalé »

« Cet événement est totalement décalé et hors de propos, ne serait-ce que sur la question de la qualité des eaux. Les élevages porcins ont une influence sur l’environnement. Sans oublier qu’on est ici dans un bassin ostréicole », rétorque Hervé Leroy, de l’association Bretagne vivante. Mais avec le Crédit agricole, le Crédit mutuel de Bretagne ou encore le label Le Porc Français et des entreprises de nutrition animale telles que Tromelin Nutrition ou Sanders en sponsors, la course ne va pas manquer de moyens.

« Pourquoi tous ces communicants interviennent-ils pour essayer de redorer le blason de cette profession ? » s’interroge Laurent Le Berre, membre d’Eaux et rivières de Bretagne et du collectif Stoppons l’extension d’Avel Vor, la mégaporcherie de Landunvez dans le Nord Finistère. Les pollutions engendrées par l’élevage intensif de porcs sont aujourd’hui bien connues : air pollué à l’ammoniac, marées d’algues vertes, ou encore, entre autres, bactéries type E. Coli qui se retrouvent dans les eaux de baignade. « Aller courir à pleins poumons dans des secteurs avec des élevages de porcs et des fosses à lisier qui émanent de l’ammoniac dans l’air, ça ne doit pas vraiment être super pour la santé », poursuit Laurent Le Berre.

Plus de 20 000 signatures contre la course

Une pétition été lancée après l’annonce de cet événement dans la presse régionale en novembre, appelant à boycotter Pig & Run. Elle affichait déjà plus de 22 000 signatures le 3 janvier. « C’est une opération de greenwashing qui vise à associer le sport et la nature au lobby agricole porcin, dit Livie Chatelais, coureuse occasionnelle à l’initiative de cette pétition. C’est antithétique. »

« C’est de la pure publicité dans le sens négatif du terme. Les gens commencent à faire le lien entre les conséquences environnementales et l’élevage porcin. On fait avaler la pilule des effets secondaires du porc à travers un événement de communication qui donne envie », déplore Armelle Jaouen, membre du collectif Stoppons l’extension d’Avel Vor et attentive à la question des porcheries dans la région.

Reste à savoir si la course pourra ou non avoir lieu. Celle-ci se déroulant en partie dans une zone Natura 2000, « les organisateurs doivent déposer un dossier avec étude d’incidence, ce qui n’a pas encore été fait. Ce type de course, notamment au niveau du sentier côtier, peut entraîner un stress pour les oiseaux et un piétinement des chemins », souligne Hervé Leroy. Contacté par Reporterre, le CRP n’a pas donné suite à notre demande d’entretien.

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Source: https://reporterre.net/Une-course-au-depart-d-une-porcherie-la-derniere-trouvaille-de-l-industrie-porcine

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