Une trêve précaire de 90 jours dans la guerre tarifaire américaine visant la Chine. (WSWS – 14/05/25)

Le port de Shanghaï, mai 2013 [Photo by Bruno Corpet / CC BY-SA 3.0]
Par Nick Beams

Les États-Unis et la Chine ont convenu d’une réduction mutuelle des tarifs douaniers pour une période de 90 jours durant laquelle des négociations auront lieu sur ce que le président américain Trump a qualifié de «questions structurelles» concernant la première et la deuxième économie du monde.

Les marchés ont fortement grimpé suite à l’annonce de la levée des droits de douane, qui avaient atteint 145 pour cent sur les produits chinois. Il s’agissait là en réalité d’un embargo. Trump a toutefois averti que si aucun accord n’était trouvé dans les 90 prochains jours, les tarifs douaniers pourraient être réimposés, mais pas au niveau précédent.

Il a également clairement indiqué que les hausses de tarifs sur des produits particuliers tels que l’acier, l’aluminium et les voitures seraient maintenues, et que des tarifs sur les produits pharmaceutiques seraient bientôt annoncés.

En vertu de cet arrangement, conclu suite à de nombreuses heures de discussions tenues à Genève durant le week-end entre l’équipe américaine dirigée par le secrétaire au Trésor Scott Bessent et le représentant au Commerce Jamieson Greer, et l’équipe chinoise dirigée par le vice-Premier ministre He Lifeng, les tarifs américains sur les produits chinois seront ramenés à 30 pour cent.

Cela comprend les droits de douane américains de 10 pour cent imposés sur toutes les importations de même que les tarifs de 20 pour cent censés amener la Chine à prendre des mesures contre le flux de fentanyl vers les États-Unis. Avec les droits de douane imposés précédemment, le taux effectif est désormais estimé à 40 pour cent.

La Chine a annoncé qu’elle réduirait ses droits de douane sur les importations américaines de 125 pour cent à 10 pour cent. Elle a également accepté d’assouplir les restrictions sur les exportations de minerais vers les États-Unis, imposées en réponse aux hausses tarifaires décidées par Trump.

Les deux parties ont publié des déclarations saluant l’arrangement.

Bessent, qui avait auparavant qualifié le tarif douanier de 145 pour cent d’«embargo» et « d’intenable», a déclaré: «Nous voulons un commerce plus équilibré, et je pense que les deux parties sont déterminées à y parvenir. Aucune des deux parties ne souhaite un découplage.»

Le ministère chinois du Commerce a déclaré dans un communiqué: «Nous pensons que la poursuite des consultations contribuera à résoudre les problèmes qui préoccupent les deux parties dans le domaine économique et commercial.»

Des deux côtés, des voix se sont élevées pour revendiquer une victoire. Trump a déclaré avoir orchestré une «réinitialisation totale» avec la Chine. La Chine n’a fait aucun commentaire officiel, mais l’ancien rédacteur en chef du Global Times, Hu Xijin, a déclaré sur les réseaux sociaux que l’arrangement était «une grande victoire pour la Chine».

La plupart des économistes dans le monde estiment que ce sont les États-Unis qui ont été contraints de faire marche arrière dans leur attaque frontale.

Alicia Garcia-Herrero, économiste en chef pour l’Asie à la banque d’investissement française Natixis, a déclaré au Financial Times (FT): «Les États-Unis ont été les premiers à céder. Ils pensaient pouvoir augmenter les droits de douane presque à l’infini sans subir de préjudice, mais cela s’est avéré faux.»

Un éditorial du FT sur ce qu’il appelle une «détente précaire» a déclaré qu’il n’y avait aucune garantie que la trêve de trois mois mènerait à un «cessez-le-feu durable» et aucune indication que les discussions feraient quoi que ce soit pour réduire le déficit commercial des États-Unis avec la Chine.

Il y avait, selon cet article, une «opinion émergente» que la baisse des tarifs douaniers de Trump ramènerait les taux américains aux niveaux annoncés lors de sa campagne électorale – 10 à 20 pour cent pour la plupart des pays et 60 pour cent pour la Chine.

« Compte tenu des rebondissements des dernières semaines, on pourrait pardonner aux marchés de penser qu’il s’agit d’une issue favorable. Mais avant l’investiture du président, c’était le pire scénario pour la plupart des analystes. »

Le FT a rapporté que lors de la réunion du FMI en avril, une réunion secrète avait eu lieu au sous-sol de son siège à Washington entre Bessent et le ministre chinois des Finances Lan Fo’an pour discuter de la rupture des relations économiques.

La réaction aux hausses massives de droits de douane annoncées le 2 avril, surnommées « Jour de la Libération » par Trump, a provoqué une forte liquidation à Wall Street. Plus grave encore, le marché des obligations du Trésor américain a subi une liquidation, le dollar américain s’est déprécié et le prix de l’or a atteint un niveau record.

Ces développements ont sonné l’alarme dans les milieux financiers américains car ils contrastaient fortement avec ce qui se passe habituellement dans des conditions dites normales.

Au lieu d’une demande pour les actifs américains lorsque les capitaux financiers cherchent une « valeur refuge », on a assisté à un retrait du dollar. « Vendre l’Amérique » est devenu le thème dominant sur les marchés financiers, soulevant des questions quant à la viabilité à long terme du dollar comme monnaie de réserve mondiale.

Malgré la hausse de Wall Street en réponse à l’arrangement sur les tarifs (le S&P 500 était en hausse de 3,3 pour cent lundi), aucun de ces problèmes n’a disparu.

Un éditorial du Wall Street Journal, qui représente des sections de la classe dirigeante américaine hostiles aux tarifs douaniers, déclarait: «Rarement une politique économique a été répudiée aussi vertement et aussi rapidement que les tarifs douaniers du Jour de la Libération du président Trump – et de la main même de M. Trump.»

Il soulignait qu’après des semaines de turbulences sur les marchés, l’économie se retrouvait confrontée à des coûts plus élevés et à une plus grande incertitude. Alors que des négociations « seraient en cours avec des dizaines de pays », il y avait jusqu’à présent « peu de signes des accords commerciaux substantiels promis par M. Trump ».

L’éditorial ne signifiait cependant pas qu’il y eût une quelconque diminution de la guerre naissante contre la Chine. Il préconisait plutôt un développement plus intensif d’autres méthodes, militaires, pour préserver la suprématie américaine.

Il soulignait que l’approche de Trump avait compromis ses chances de rassembler un front uni contre Pékin. En ciblant ses alliés avec des droits de douane, il avait « érodé la confiance dans la fiabilité économique et politique de l’Amérique ».

De plus, poursuivait-il, l’expérience concrète avait démontré que Washington aurait «du mal à imposer des sanctions économiques dans une crise telle qu’un blocus chinois ou une invasion de Taïwan».

«S’il y a un côté positif au fiasco des tarifs douaniers, c’est qu’il s’agit d’un rappel opportun au Congrès qu’il doit à nouveau prendre au sérieux la véritable dissuasion militaire.»

Ces commentaires mettent en lumière les principaux enjeux objectifs et sous-jacents du conflit. Pour les États-Unis, freiner l’essor économique de la Chine est un enjeu existentiel s’ils veulent maintenir leur domination mondiale.

Mais si le caractère intégré de l’économie mondiale signifie que cet objectif ne peut être atteint par des mesures économiques et financières – et il est clair que ce n’est pas possible en raison des énormes dommages infligés à l’économie américaine-même – alors ce sont d’autres méthodes mécaniques qui doivent de plus en plus être employées.

(Article paru en anglais le 13 mai 2025)

Source : https://www.wsws.org/fr/articles/2025/05/14/hpey-m14.html

URL de cet article : https://lherminerouge.fr/une-treve-precaire-de-90-jours-dans-la-guerre-tarifaire-americaine-visant-la-chine-wsws-14-05-25/

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