Union sacrée des députés macronistes et du RN contre une diminution des exonérations patronales (IO.fr-4/11/24)

Le gouvernement Barnier prévoyait, dans le prochain « budget » de la Sécu (PLFSS), de diminuer à peine le montant des exonérations de cotisations sociales dont bénéfice le patronat. Il a fait face à une levée de boucliers de ses propres troupes à l’Assemblée appuyées par le RN.

Par Nicole BERNARD.

On le sait : un projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) est, par nature, une arme de guerre contre les acquis sociaux. Oui, par nature, car la Sécurité sociale est incompatible avec une enveloppe fermée puisqu’elle doit « garantir à tous les éléments de la population qu’en toutes circonstances, ils jouiront de revenus suffisants pour assurer leur subsistance familiale »1. On ne peut évidemment ni savoir à l’avance ce dont la population aura besoin, ni fixer des enveloppes.

C’est pourquoi les ordonnances de 1945 stipulent que la Sécu n’est pas financée par l’impôt mais par une cotisation sur les salaires dont le niveau peut évoluer en fonction des besoins2.

Et c’est comme cela qu’ont été édifiés nos hôpitaux, les moyens nécessaires à une prise en charge des maladies. Ce qui est en train de se passer dans les hôpitaux qui ne peuvent plus soigner ceux qui en ont besoin concentre toutes les questions politiques. Nous sommes bien à un tournant.

80 milliards

L’Assemblée nationale a commencé à discuter des articles du projet de loi de financement de la Sécurité sociale préparé par le gouvernement Barnier. On le sait, ce PLFSS est encore plus meurtrier que les précédents. Illégitime et le sachant, le gouvernement Barnier assure, en même temps, qu’il ne craint pas de faire « contribuer les riches ».

Nous sommes, ce mercredi 30 octobre après-midi. L’Assemblée discute de l’article 6. Il porte sur les exonérations de cotisations dont bénéficient les patrons : 80 milliards en 2023, dont 74 ou 75 milliards sont prélevés dans le budget de l’Etat pour pouvoir rembourser les malades.

Les exonérations ont conduit à ce que 17,3 % des salariés, en 2023, étaient bloqués au Smic contre 12% en 2021 ! Pour une raison simple : selon le gouvernement lui-même, « quasiment aucun prélèvement n’est dû à ce niveau de rémunération ».

Tout le monde sait que les exonérations sont pour beaucoup dans les profits formidables que font les capitalistes français qui ont bénéficié, depuis les années quatre-vingt-dix, de mesures toujours plus importantes d’exonération (voir le schéma).

Que propose le gouvernement ? De supprimer les exonérations ? Evidemment non. 

Un tout petit aménagement

Ce gouvernement défend les intérêts des employeurs. Il propose un petit aménagement des exonérations pour qu’elles soient légèrement moins importantes au Smic et plus importantes entre 1,3 et 1,6 Smic. Il propose aussi de les limiter aux salaires inférieurs à 3,2 Smic (soit plus de 4 500 euros) au lieu de 3,5 Smic actuellement.

Cet aménagement représenterait, d’après le gouvernement, une économie de 5 milliards pour le budget de l’Etat qui « compense » les exonérations. Rappelons que la suppression des exonérations pour les seules sociétés du Cac 40 rapporterait, à elle seule, 5,5 milliards !

L’article 6 ne représente aucune remise en cause de cette politique d’exonération qui a entraîné, depuis les années 1990, une modification fondamentale du financement de la Sécurité sociale.

Comme le dit le député LFI de Toulouse, Hadrien Clouet : « En réalité, cela ne représente presque rien : cela veut dire que sur 1 euro de cotisation, vous récoltez 5 ou 6 centimes »

Et bien, nous n’avons rien compris ! Et Hadrien Clouet non plus !

Indignation des macronistes et du RN

Ces malheureux 5 milliards entraînent une véritable tempête. Pas moins de 20 amendements de suppression sont présentés : la société est en danger ! La soi-disant majorité de Michel Barnier, drivée en sous-main par le président, monte au créneau.

Les uns après les autres, les députés Ensemble pour la République (EPR, macronistes), les députés Horizon, les députés UDR (partisans d’Eric Ciotti), les députés LR, les députés du RN viennent exprimer leur indignation à la tribune !

Pour Charles Sitzenstuhm, député EPR : « L’article 6 est un coup de massue pour les entreprises ».

Pour Yannick Neuder, LR : « Je trouve que l’on fait peser beaucoup de choses sur les entreprises en ce moment. » Ce député LR s’adresse à une majorité sous laquelle le taux des cotisations dues par l’employeur pour l’assurance maladie a diminué de moitié (de 13, 64 % à 6,89 % ) ! On appréciera au moment où le gouvernement casse le statut de la fonction publique et démantèle l’indemnisation du chômage.

Pour l’ancien ministre Darmanin : « Il faudrait supprimer des charges plutôt que de supprimer des allègements ». Et de nous exhorter à protéger « les très petites entreprises », le « boulanger du coin »… Or, qui attaque les artisans ? La Sécurité sociale qui les protège également ou les entreprises plus importantes dont la concurrence, boostée par les exonérations, est mortelle !

Tout pour le profit

Personne, dans le débat, ne nous parle de Sanofi ? C’est pourtant Sanofi, entre autres, qui profite des exonérations, et vend sa société Opella à un fonds américain !

La députée Laure Lavalette, porte-parole du RN, est déchaînée : « Cette réforme menace directement l’emploi. (…) 395 entreprises de plus de 50 salariés victimes d’une cessation de paiements. Vous agissez comme si le dispositif d’exonération de cotisations patronales était un cadeau. Or, il ne l’est pas. Rogner sur les marges des entreprises, surtout sur les plus petites d’entre elles serait un acte mortifère. Par pitié, revenez à la raison » 50 salariés, les plus petites ?

Le camp du gouvernement est vent debout contre les ministres. Ce qui amène la ministre, Panosyan-Bouvet, à proposer que « le débat ait lieu » pour trouver de bonnes solutions.

Comme le dit la députée LFI, Elise Leboucher : « Hier, les agents de la fonction publique hospitalière se sont mobilisés pour réclamer des moyens. Aujourd’hui, votre réponse est de refuser de rendre des recettes à l’hôpital public. Contre la réforme des exonérations, vous agitez la menace des destructions d’emplois et de l’impact sur le pouvoir d’achat alors que la littérature a prouvé qu’au-delà de 1,6 Smic les exonérations n’ont aucun effet sur l’emploi. »

Après ce débat édifiant, l’assemblée a voté par 170 voix contre 162 la suppression de l’article 6.

Les patrons ont donc trouvé, non sans difficulté, on le voit, une petite majorité à l’Assemblée, pour que, faute de recettes suffisantes, les hôpitaux soient démantelés ; pour que les malades soient moins bien indemnisés

Tout pour le profit.

LE PLAN B DU GOUVERNEMENT : NOUS FAIRE TRAVAILLER UN JOUR DE PLUS SANS SALAIRE

Dans Les Echos du 4 novembre, le ministre de l’Economie, Antoine Armand, commente ce qui s’est passé à l’Assemblée : « Le gouvernement entend les inquiétudes exprimées par les entreprises et le groupe EPR notamment concernant l’impact potentiel de cette mesure sur l’emploi. » Impact dont personne n’a jamais pu apporter la preuve. Et de poursuivre : « Je souhaite que nous améliorions notre proposition en commençant par atténuer la hausse de cotisations sur les bases salaires. » Tout le monde a compris. Il n’y aura pas de hausse des cotisations.Et le ministre de poursuivre : « Il faudra trouver d’autres efforts. Cela peut prendre plusieurs formes, notamment une augmentation de la durée du travail — qui reste insuffisante en France »Faut-il commenter ?Il n’y aura pas de diminution des exonérations mais le ministre envisage, par exemple, la suppression d’une deuxième journée de congé qui viendrait s’ajouter à la remise en cause de l’indemnisation des arrêts de travail : l’objectif doit être, en tout cas, d’accroître le nombre d’heures travaillées sur l’année pour pouvoir financer notre modèle social »Non. Rectifions tout de suite. Il ne s’agit pas de financer notre modèle social mais de le réduire !

°°°

Source: https://infos-ouvrieres.fr/2024/11/04/union-sacree-des-deputes-macronistes-et-du-rn-contre-une-diminution-des-exonerations-patronales/

URL de cet article: https://lherminerouge.fr/union-sacree-des-deputes-macronistes-et-du-rn-contre-une-diminution-des-exonerations-patronales-io-fr-4-11-24/

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *