Université de rentrée du medef : les tribulations d’un communiste au pays des patrons (H.fr-28/08/25)

« Les aides peuvent être utilisées pour l’emploi, pour les investissements, pour la recherche. Mais l’argent public ne peut pas servir les actionnaires », a martelé Fabien Gay. ©Julien Jaulin/hanslucas

Fabien Gay, rapporteur de la commission sénatoriale qui a chiffré à 211 milliards d’euros le montant des aides publiques versées aux entreprises, participait ce jeudi à un débat à l’université de rentrée du Medef.

Par Hélène MAY.

On peut être en terrain hostile et croiser tout de même des admirateurs. Le sénateur communiste et directeur de l’Humanité, Fabien Gay, rapporteur de la commission parlementaire qui a chiffré à 211 milliards d’euros le montant total des aides publiques versées aux entreprises en 2023, en a fait l’expérience ce jeudi 28 août en déambulant dans les allées verdoyantes du stade de Roland-Garros, privatisé depuis mercredi et pour deux jours par le Mouvement des entreprises de France (Medef) pour son université de rentrée.

« Je le trouve très inspirant parce qu’il a une approche très pragmatique, très éclairante », commente Patrick Artola, administrateur de l’organisation patronale dans le Pays basque. Le chef d’entreprise a tenu à venir saluer le sénateur, qu’il suit sur les réseaux sociaux, et à le féliciter d’avoir porté la contradiction au cœur de la grand-messe à la gloire des entrepreneurs.

Devant une vaste pelouse verte piquée de transats où discutent hommes en costumes et femmes en tailleurs, les deux natifs du Sud-Ouest font un brin de causette. Les considérations sur les campings au Pays basque cèdent vite le terrain à l’absence de transparence et de conditionnalités sur les aides publiques versées aux entreprises.

« Je ne suis pas du même bord que vous, mais j’ai beaucoup suivi vos travaux et j’ai beaucoup aimé votre attitude », félicite aussi Michel Sanson, président du Geco Food Service, qui fournit des services aux entreprises de restauration hors domicile.

L’attitude vindicative de la présidente de la région Pays de la Loire

L’homme à la veste à carreaux est venu serrer la main de Fabien Gay à la sortie du débat. Au passage, il a fustigé l’attitude vindicative de Christelle Morançais, la présidente de la région Pays de la Loire, qui a accusé le rapporteur de la commission sénatoriale de « stigmatiser les entreprises ».

Sur le cours central de Roland-Garros, où l’on s’échange d’habitude des coups droits, revers et smashs, l’élue passée de LR à Horizons, qui s’est fait connaître par ses coupes drastiques dans le budget culture de sa région, est montée au filet contre le communiste, soudain décrié comme un empêcheur de tourner en rond.

« Les entreprises ne veulent pas d’aides, qui sont très compliquées à obtenir. Ce qu’il faut, c’est arrêter totalement ces aides. Mais, derrière, baisser les impôts de production, qui sont les plus élevés du monde », a-t-elle lancé, reprenant à son compte une vieille revendication réaffirmée la veille par le président du Medef, Patrick Martin.

La conditionnalité, un impératif

Jusque-là, Fabien Gay avait pourtant fait preuve de pédagogie et de diplomatie en évoquant la nécessité de poser des garde-fous à ces aides publiques. Pourtant peu suspect d’être acquis, le public patronal semblait avoir d’ailleurs apprécié, à en croire les applaudissements à l’issue de sa première intervention, lorsqu’il a rappelé quelques évidences au sujet de ces 211 milliards d’euros versés annuellement aux entreprises.

D’abord, « si on veut recréer de la confiance, il faut de la transparence », quand pour l’instant, personne n’est vraiment capable de dire à quoi correspondent et comment fonctionnent les 2 200 dispositifs d’aides existants.

Aiguillonné par la présidente de région, le sénateur a haussé le ton. La conditionnalité est un autre impératif, a-t-il insisté, rappelant que les 110 milliards d’euros d’argent public versés de 2013 à 2018 aux entreprises au titre du CICE (crédit d’impôt de compétitivité pour l’emploi) n’avaient permis de créer que 100 000 emplois, « loin du million promis par le Medef à l’époque ».

Surtout, a martelé le sénateur dans son costume bleu vif, « les aides peuvent être utilisées pour l’emploi, pour les investissements, pour la recherche. Mais l’argent public ne peut pas servir les actionnaires ».

Le goût du double standard

Dans un débat dominé par les discours plaintifs sur le « trop de normes » qui entraverait l’entreprise, et bordélisé par les interventions hors-sol de l’écrivain à succès Alexandre Jardin, créateur du gazeux mouvement des Gueux, le directeur de l’Humanité s’est fait écho de la colère sociale alimentée dans le pays par un fort sentiment d’injustice.

« Vous ne pouvez pas soutenir un budget d’austérité pour saigner les travailleurs et les travailleuses et ne poser aucune question sur les aides aux entreprises ou aux ultrariches ! »

Au passage, Fabien Gay a taclé la posture du patronat français et son goût du double standard : « En réalité, je n’ai jamais rencontré de vrais libéraux. Tout le monde parle de moins de droits, moins de barrières, moins de protection pour les travailleurs et les travailleuses. Mais les mêmes, lorsqu’il y a une difficulté, exigent des États des plans de soutien, de relance. » Le débat entre Patrick Martin et Fabien Gay à la prochaine Fête de l’Humanité s’annonce comme un match retour savoureux.

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Source: https://www.humanite.fr/social-et-economie/aides-publiques/universite-de-rentree-du-medef-les-tribulations-dun-communiste-au-pays-des-patrons

URL de cet article: https://lherminerouge.fr/universite-de-rentree-du-medef-les-tribulations-dun-communiste-au-pays-des-patrons-h-fr-28-08-25/

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