
Le tribunal de commerce de Lyon doit trancher, ce jeudi, sur l’avenir de l’entreprise de chimie iséroise. Les salariés et leurs soutiens assurent porter un projet viable de reprise de l’activité.
Par Léa DARNAY.
Les salariés de Vencorex (Pont-de-Claix) n’ont pas dit leur dernier mot. Le 6 mars, alors que le tribunal avait jugé « non viable » le projet d’offre de reprise partielle par le groupe chinois Wanhua – qui projetait de ne sauvegarder qu’une cinquantaine d’emplois sur 450 –, les juges avaient, par la même occasion, donné du crédit à la proposition de dernière minute des salariés pour éviter la liquidation judiciaire : la création d’une société coopérative d’intérêt collectif (Scic). Ce jeudi 3 avril, le tribunal de commerce de Lyon doit trancher sur ce projet, et, in fine, sur l’avenir de l’entreprise de chimie, plaque tournante de l’emploi du territoire grenoblois.
« Nous avons dû agir dans un espace-temps contraint, mais tous les acteurs qui nous rejoignent louent le sérieux et la viabilité du projet, affirme Yann Prudon, avocat des salariés. On espère, au mieux, que le tribunal accepte le dossier, au pire, qu’il nous accorde du temps supplémentaire pour le finaliser. »
Voilà un mois que salariés, avocats, experts et syndicalistes de la Fnic-CGT s’affairent à bâtir une offre complète. « La participation d’une majorité des salariés dans la constitution du dossier est un avantage, atteste Séverine Dejoux, déléguée syndicale de Vencorex. L’offre est montée de l’intérieur grâce aux connaissances des salariés sur leur outil de travail. » Un projet pour les travailleurs, fait par les travailleurs.
Des soutiens de toutes parts
La Scic associerait salariés, investisseurs, fournisseurs, clients et collectivités territoriales autour d’un projet commun alliant efficacité économique, développement local et utilité sociale. Ce fonctionnement obligerait à réinvestir la quasi-totalité des excédents dans l’activité. « 47 salariés sont motivés à rentrer au capital de la possible future Scic, poursuit la déléguée syndicale. Tous les jours, des nouveaux s’ajoutent à la liste, c’est positif. »
Les soutiens affluent de toutes parts. Lors des conseils municipaux, plusieurs communes telles qu’Échirolles, Pont-de-Claix et Gières ont délibéré de l’adhésion de leur ville à la Scic, à hauteur de ce qu’elles pouvaient. « La communauté de communes de Grésivaudan (rassemblant 46 communes), mais aussi le pôle de compétitivité chimie-environnement d’Auvergne-Rhône-Alpes et plusieurs sous-traitants et entreprises privées ont confirmé leur participation au projet », se félicite la cégétiste. La métropole Grenoble-Alpes s’est, de son côté, engagée à participer à hauteur de 200 000 euros au capital de la potentielle nouvelle société coopérative.
Et l’État ? « Il ne souhaite pas entrer au capital, se désole Sévérine Dejoux. Mais il a promis une aide à hauteur de 1 euro d’argent public pour 1 euro d’argent privé, probablement par des subventions ou des prêts. » Même si les statuts et la constitution des collèges ne sont pas encore actés, trois banques ont d’ores et déjà confirmé leur appui à la Scic.
Permettre la survie d’un écosystème industriel
La nouvelle société assurerait la continuité de l’activé du périmètre français du site, qui produit essentiellement du chlorure de sodium et des isocyanates de spécialité, des substances notamment utilisées dans les peintures et vernis industriels. « Le projet a pour objectif d’optimiser le fonctionnement de l’entreprise », assure Yann Prudon. « Notre maquette reprend en premier lieu 273 salariés sur les 301 restants, et nous avons l’objectif de vite faire évoluer les activités pour faire revenir les 136 travailleurs licenciés le 21 mars dernier », certifie, de son côté, Séverine Dejoux.
La remise en fonction de l’usine de chimie éviterait un effet en cascade sur toute l’industrie iséroise et une perte de souveraineté pour des secteurs comme le nucléaire ou le spatial. 2 000 postes industriels en aval et 6 000 en amont dépendent de l’usine de chimie iséroise ; à l’instar de la Smeg, une société spécialisée dans le génie civil et le réseau enterré des canalisations d’eau pour l’industrie, qui a dû réduire de trois quarts ses effectifs depuis la fermeture de son client. « Le directeur, soutien depuis le premier jour, a fait une lettre d’intention proposant l’entrée au capital », se réjouit Séverine Dejoux.
n revanche, Arkema, situé sur la plateforme voisine de Jarrie, « ne souhaite pas entrer au capital, ni entretenir de relation commerciale avec la Scic », déplore la syndicaliste. Ce fabricant de chlore, de soude et d’hydrogène a annoncé, en décembre 2024, la suppression de 154 postes sur les 344 existants en conséquence de la fermeture de Vencorex qui lui fournit le chlorure de sodium. « Ils ne veulent malheureusement pas revenir sur la fermeture des électrolyses », se désole la cégétiste.
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