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Productrice de cannes à sucre et de melon en Guadeloupe, Victoire Violanes a été élue co-présidente du Modef. Une première pour le petit syndicat, qui entend ainsi mettre en lumière la diversité des pratiques agricoles en France.
Par Marie TOULGOAT.
Élue nouvelle co-présidente du Mouvement de défense des exploitants familiaux (Modef) aux côtés de Frédéric Mazer lors du congrès du syndicat agricole en mai 2025, Victoire Violanes est la première agricultrice d’outre-mer à accéder à ces responsabilités.
Alors que les premiers mois de son mandat sont chargés d’une actualité qui ravive la nécessité d’une agriculture à taille humaine, la syndicaliste entend particulièrement porter la voix des producteurs non métropolitains, doublement perdants selon elle. Rencontre.
Depuis combien de temps êtes-vous agricultrice ?
Victoire Violanes, Co-présidente du Modef
Je suis installée à titre individuel depuis 1996 après avoir été en coproduction avec mon conjoint. Je produis sur d’anciennes terres appartenant à des usines sucrières. Quand ces dernières ont fermé, pour ne pas perdre la culture de canne à sucre, il a été décidé de maintenir la production sur au moins 50 % de la surface des parcelles. Je suis locataire de ces terres, c’est mon outil de travail.
À quel moment avez-vous décidé de vous organiser collectivement ?
Au moment de mon installation, nous étions plusieurs producteurs à produire du melon pour la même société. C’est à ce moment-là que nous décidons de créer une organisation de producteurs et j’en suis devenue la secrétaire.
Mais mon vrai combat syndical a commencé en 2018, lorsque j’ai rencontré le président de la chambre d’agriculture de Guadeloupe. Celui-ci m’a plus tard proposé de faire partie de sa liste pour les élections de 2019, et j’ai accepté. Ça me tenait à cœur, parce que nous, les petits agriculteurs, on doit réussir à se faire entendre.
Nous avons remporté ces élections avec un programme de défense des petites exploitations, avec la garantie qu’on serait présent aux côtés des grosses structures industrielles quand notre sort sera décidé. Je ne voulais plus que tout se décide pour nous mais sans nous.
Vous êtes la première femme originaire des outre-mer à occuper le poste de co-présidente du Modef. Allez-vous porter un syndicalisme différent de vos prédécesseurs ?
Je vais porter la voix des outre-mer. Nous payons deux fois plus que les agriculteurs métropolitains, du fait de notre éloignement avec les consommateurs, de notre isolement, et de notre petitesse. Ici, l’exploitation moyenne fait un hectare et demi de surface (contre 63 en métropole, NDLR).
J’aurai à cœur de faire remonter spécifiquement les difficultés que nous rencontrons ici, qui sont souvent tues ou oubliées en métropole. Je pense notamment aux difficultés de commercialisation que nous pouvons rencontrer ici du fait de notre enclavement, il nous faut des aides pour nous permettre d’exporter nos produits hors de l’île.
Aujourd’hui, nous dépendons beaucoup de l’arrivée des bateaux qui apportent et emportent les produits agricoles. Nous aimerions sortir de cette dépendance aux navires pour écouler notre marchandise.
Je reste toutefois très vigilante sur les problématiques que les agriculteurs peuvent rencontrer nationalement. Je suis de très près l’évolution de la dermatose nodulaire contagieuse. L’abattage systématique qui a été décidé par le gouvernement ne nous convient pas, nous nous battons pour que la campagne vaccinale soit déployée rapidement.
Vos fonctions de co-présidente commencent alors que se mène le combat contre la loi Duplomb. Aura-t-elle des effets spécifiques en outre-mer ?
Cette loi sera mauvaise partout. Simplement, chez nous, depuis la crise du chlordécone, on s’est véritablement rendu compte que les pesticides, même s’il nous arrive de devoir en utiliser, peuvent être extrêmement néfastes.
Nous cultivons une méfiance vis-à-vis des produits phytosanitaires et voyons cette loi Duplomb d’un très mauvais œil. On nous avait assuré que le chlordécone pouvait soigner les plantes sans présenter de risque pour l’homme, on sait aujourd’hui que c’est faux et que les sols sont contaminés pour un long moment. On n’acceptera pas la réintroduction de substances qui peuvent être toxiques pour l’homme.
Quelles mesures prioritaires voulez-vous porter en tant que co-présidente du Modef ?
Le fait d’être une femme co-présidente me donne envie de particulièrement faire entendre la voix des femmes. Dans trop d’exploitations encore, les femmes sont les personnes de service qui jouent le rôle de techniciennes, vendeuses, infirmières, secrétaires, comptables et gestionnaires du foyer, mais sans reconnaissance et sans accéder aux responsabilités.
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