Voilà à quoi ressemblait un bombardement aérien à Brest durant l’Occupation (LT.fr-22/08/24)

Lors des bombardements, la Flak (les canons antiaériens de l’armée allemande) tentait d’abattre les Alliés et zébrait le ciel de balles traçantes. (Photo Alain Bodivit / Archives départementales du Finistère)

[Brest sous les bombes #4] Le Musée Mémoires 39-45 des frères Coquil, à Plougonvelin, sur la route vers la pointe Saint-Mathieu, propose une simulation de bombardement vécu dans un abri privé. Récit.

Par Romain HAILLARD.

Difficile de se faire une idée d’une époque avec des chiffres et des noms. Nous avons les dates, le nombre de morts, le nom de grands personnages et des batailles, mais accéder à une expérience sensible est souvent impossible. C’est le sillon creusé par le Musée Mémoires 39-45 à Plougonvelin, fondé par les frères Coquil, Aurélien et Clément. Au fond de l’ancien bunker allemand où ils ont installé leur collection, la réplique d’un abri propose de toucher du bout du doigt, pendant une poignée de minutes, la sensation de vivre un bombardement d’aviation.

Comment bien mettre un masque à gaz ?

Avant d’arriver dans l’abri, les visiteurs peuvent consulter, sur un écran tactile, un vieux manuel : « Alerte aux avions !!. », brochure officielle rédigée par les services de la Défense et de l’Éducation nationales, avec des dessins de Marcel Jeanjean. Le manuel, daté de 1939 et publié à l’intention des enfants de primaire et de leurs parents, traduit les angoisses à la veille du conflit mondial. Dans ces pages, l’enfant pourra apprendre à bien mettre un masque à gaz et saura à toutes fins utiles que Brest peut être à portée d’un avion allemand en un quart d’heure. Comme nos aînés ont pu connaître la peur du feu nucléaire, nos aïeux ont eu une peur bleue de l’aviation au sortir de la Grande Guerre. Non sans raison, quand survient le 26 avril 1937 le traumatisme de Guernica.

Il faut pousser une porte pour se retrouver dans l’intimité d’une petite pièce modestement équipée. Un lit superposé, un lustre qui diffuse une lumière tamisée, une lampe à pétrole pour prendre le relais, un jeu de cartes et des revues pour tromper l’ennui. Le mannequin d’une jeune femme est attablé au fond de l’abri. La sirène beugle. « Qu’est-ce que vous faisiez encore dehors ? », nous interpelle une voix, qui nous guidera pendant les cinq prochaines minutes.

« On essaie d’éloigner la peur »

« Pour l’instant ça va, on peut encore jouer aux cartes », poursuit-elle. La voix, c’est celle d’une actrice, qui reprend le témoignage de « Mimi » Raguenes, une Brestoise, décédée en 2021, qui avait confié son témoignage à Aurélien Coquil. « On essaie d’éloigner la peur », explique-t-elle, avant de mettre en garde : « Quand ils arrivent, quand ils sont juste au-dessus, c’est comme si le temps s’arrêtait ». Sa voix peine à dissimuler les vrombissements de l’aviation. Quand l’avertissement de la sirène s’arrête, les canons antiaériens de la Flak allemande prennent le relais.

Puis viennent les bombes. La voix se fait recouvrir par les explosions, la lumière se coupe, la vaisselle se fracasse, un cri se fait étouffer. Vacarme silencieux, éclairs de lumière dans l’embrasure d’une porte. Il faut s’imaginer cette sensation de s’en remettre au destin, ou plutôt à la précision des aviateurs alliés, qui tentent de viser les emprises militaires allemandes à plusieurs milliers de mètres d’altitude, de nuit, avec les tirs de la Flak et la chasse allemande à leurs trousses.

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Au fond de la pièce, au Musée Mémoires 39-45, un mannequin représente « Mimi » Raguenes, qui a témoigné pour aider à recréer l’ambiance d’un abri. Elle a connu les bombardements de Brest, notamment le siège de la ville par les Américains, en 1944.
Au fond de la pièce, au Musée Mémoires 39-45, un mannequin représente « Mimi » Raguenes, qui a témoigné pour aider à recréer l’ambiance d’un abri. Elle a connu les bombardements de Brest, notamment le siège de la ville par les Américains, en 1944. (Photpo Le Télégramme / Romain Haillard)

36 caves de maison pour s’abriter

Tous les abris brestois ne ressemblaient pas à celui-là, évidemment. Ici, le choix a été de représenter un abri qu’on aurait pu trouver sous une maison. Il y en avait 36 de répertoriés en août 1940 par la sous-préfecture, considérés comme suffisamment solides pour être des abris, pour une capacité totale de 1 200 personnes. Les caves d’immeuble de trois étages et plus pouvaient servir d’abris également, pour une capacité de 30 000 personnes environ. Avant les évacuations successives, Brest compte 65 000 habitants.

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S’ajoutent à cela les deux tunnels-abris aménagés par la Marine, dont le tristement célèbre abri Sadi-Carnot, où plusieurs centaines de personnes trouvent la mort pendant le siège de Brest. Un article de Jean-Yves Besselièvre, historien, atteste qu’en 1939 la Ville de Brest avait également creusé une tranchée de 1 200 mètres de long, avec un parapet bétonné pour contenir l’impact des bombes d’aviation… de 10 kg. Une solidité qui ne pèse pas bien lourd face aux bombes anglaises de 250 kg. Autant rester chez soi attendre la mort. C’est ce que feront d’ailleurs quelques Brestois, qui préféreront leur lit aux abris quand sonne l’alerte, par lassitude plutôt que par désespoir.

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Source: https://www.letelegramme.fr/finistere/brest-29200/voila-a-quoi-ressemblait-un-bombardement-aerien-a-brest-durant-loccupation-6646431.php

URL de cet article: https://lherminerouge.fr/voila-a-quoi-ressemblait-un-bombardement-aerien-a-brest-durant-loccupation-lt-fr-22-08-24/

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