Par Virginie ENÉE.
Du fait de restrictions de budgets alloués par l’État, de plus en plus de femmes victimes de violences et leurs enfants, ne peuvent être hébergés en urgence. Une situation qui s’aggrave, déplore la plus grosse Association bretillienne chargée de les mettre en sécurité, l’Asfad.
Dans la métropole rennaise et au-delà, dans tout le département, elle est connue comme le loup blanc. Depuis 40 ans, l’Asfad travaille avec d’autres associations, des médecins, gendarmeries… qui lui adressent les femmes en errance ou victimes de violences conjugales. Afin de les placer en sécurité, puis de leur remettre le pied à l’étrier.
« On a 250 places d’hébergement dans nos centres, et dans le parc privé et social (appartements de bailleurs HLM) », explique Anne-Ségolène Goumarre, directrice générale de l’association. Mais aussi « 42 places d’urgence pour les femmes victimes de violences. » Chaque mois, entre 170 et 300 femmes et enfants sont mis à l’abri en urgence, à l’hôtel.
« On n’arrive plus mettre toutes les femmes en sécurité »
« On contacte alors le 115 pour trouver une place dans ces hébergements avec accompagnement social », explique-t-elle. Le problème, c’est « qu’il y en a un peu plus de 100 dans le département, quand il en faudrait le double. Donc, on se rabat des nuitées hôtelières. » Une solution précaire, sans possibilité de cuisiner, de laver du linge et potentiellement jusqu’à 30 de km de l’école des enfants.
Un dispositif d’urgence qui, faute de place dans un logement plus pérenne, peut s’étirer sur plusieurs mois, voire un an. « Tout le dispositif est saturé », au point que « certaines femmes se découragent et rentrent au domicile conjugal », regrette Aline Perrigault. La responsable des services de l’Asfad est désolée de constater « qu’on n’arrive plus à mettre toutes les femmes en sécurité ».
« C’était une victoire du Grenelle des violences conjugales de 2019, la mise en sécurité immédiate des femmes, et là on a un retour en arrière », confirme Anne-Ségolène Goumarre. « Malgré quelques créations de places en 2022 », les crédits manquent cruellement. Au point que même la bâtonnière de l’Ordre des avocats de Rennes, Catherine Glon, alerte sur « l’extrême difficulté à obtenir une place de mise en sécurité de personnes relevant pourtant de l’urgence », depuis le 11 septembre. Date de publication d’une directive gouvernementale qui limite le nombre de nuitées hôtelières, pour « ne pas dépasser une certaine enveloppe budgétaire », confirme Anne-Ségolène Goumarre.
Elles prennent valises et enfants et « on n’a pas de solution pour elle »
D’une grande violence pour des femmes « avec qui on travaille parfois depuis des semaines. Qui prennent valises et enfants un jour où monsieur est absent et à qui on est obligé de dire qu’on n’a pas de solution pour elle », témoigne Kathy Cauden-Jonot, travailleuse sociale à l’Asfad.
Ses collègues et elle qui estiment que la situation se dégrade vraiment depuis janvier 2023, lorsque pour la première fois, ils n’ont pas pu mettre une femme en sécurité. « Quand on leur annonce, certaines nous disent : vous attendez que je meure ? » s’émeut Barbara Lesturgeon, autre salariée. Comme ses collègues, elle s’inquiète de « perdre le lien de confiance avec les femmes », qui restent alors avec un conjoint violent.
Numéro d’écoute violences Ille-et-Vilaine (Asfad) : tél. 02 99 54 44 88. (Ouvert 7/7, 24 h/24)
La Maison des femmes victimes de violences, structure unique dans le Grand Ouest, ouvrira officiellement le 23 novembre dans l’enceinte du CHU de Rennes. Il ne sera pas question d’hébergement, mais d’un guichet unique où les femmes et leurs enfants trouveront un soutien médical, social (accueil de jour de l’Asfad), juridique et psychologique.
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